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Commerce - Hervé Novelli : l'abrogation de la loi Royer "n'est pas à l'ordre du jour"

L'abrogation de la loi Royer n'est plus une priorité du gouvernement. En revanche, certaines préconisations du député Jean-Paul Charié pour revitaliser le commerce de proximité sont jugées "très pertinentes" par le secrétaire d'Etat au Commerce, Hervé Novelli.

L'idée d'une abrogation de la loi Royer semble s'éloigner. "Pour l'instant, vu l'encombrement parlementaire, une loi n'est pas à l'ordre du jour", a déclaré à Localtis Hervé Novelli, le secrétaire l'Etat au Commerce, en marge des Etats généraux du commerce qui se tenaient à Paris, jeudi 22 janvier. L'abrogation de cette loi instaurée en 1973 pour réguler l'installation de grandes surfaces avait resurgi l'an dernier au moment des débats sur la loi de modernisation de l'économie (LME), des débats qui avaient finalement débouché sur un compromis : le relèvement de 300 à 1.000 m2 du seuil à partir duquel une enseigne doit demander une autorisation pour pouvoir s'implanter. Mais le mois dernier, le député Jean-Paul Charié, rapporteur de la LME, a remis au président de la République une note préconisant la suppression pure et simple du seuil d'autorisation au motif que la loi Royer n'avait pas atteint ses objectifs. Pour preuve : l'accumulation des grandes surfaces aux abords des villes. C'est cette proposition qui ne semble plus faire partie des priorités du gouvernement. En revanche, le second volet du rapport Charié, les mesures de soutien au commerce de proximité, pourraient être reprises. "Il y a plusieurs éléments tout à fait pertinents au niveau des actions dites de proximité", a assuré Hervé Novelli, après s'être entretenu avec le député le matin même. Jean-Paul Charié recense dix-huit actions dont la création de "magasins à loyer modéré" ou encore la création d'un volet commercial dans chaque Scot (schéma de cohérence territoriale) et PLU (plan local d'urbanisme). Autant d'éléments pour lesquels, selon le secrétaire d'Etat, "il n'y a pas lieu de légiférer".

 

Conseil stratégique du commerce de proximité

"Depuis la loi Royer, on a vu et analysé la question du commerce comme un affrontement entre grandes surfaces et petit commerce, mais on a une mauvaise perception de la réalité commerciale, l'Insee ne donne des chiffres que de manière très périodique", a expliqué le secrétaire d'Etat, en clôture de ces Etats généraux. Et de se féliciter de l'installation "dans les tout prochains jours" d'un conseil stratégique du commerce de proximité. Créé par le décret du 20 décembre dernier rénovant le Fisac (Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce), ce conseil, composé de parlementaires, d'élus locaux et de personnalités qualifiées, sera chargé de faire des recommandations au gouvernement sur l'évolution du commerce de proximité. Il pourra s'appuyer sur une "commission d'orientation" chargée de collecter et d'analyser les informations aux côtés de l'Insee. "Dans tous les pays où on a libéralisé les grandes surfaces, il n'y a pas eu disparition du petit commerce, il ne sert à rien d'opposer une forme à l'autre" :  pour le secrétaire d'Etat, l'heure n'est ni à l'affrontement, ni aux lamentations. "Il y a aujourd'hui des mouvements structurels qui militent en faveur du commerce de proximité", a-t-il constaté : une tendance démographique "avec un repeuplement des coeurs de villes et des campagnes", "le vieillissement de la population qui va avoir des conséquences sur la fréquentation des différents types de commerce", mais aussi "l'élévation à long terme du prix de l'énergie qui constitue un frein aux déplacements éloignés" ou encore "le nombre croissant de familles monoparentales". Symbole de ce renouveau, la ville de Sceaux, souvent saluée pour le dynamisme de son centre. "Elle est pourtant située à proximité de deux centres commerciaux : Vélizy 2 et Belle Epine", souligne Gérard Atlan, le président du Conseil du commerce de France, organisateur de cette rencontre.

 

Manager de centre-ville

Contrairement aux idées reçues, le commerce de détail ne se porte pas si mal. Il a même vu ses effectifs augmenter beaucoup plus vite que le commerce de gros ces dernières années. "On constate un retour considérable au commerce de proximité au moment même de la crise, il y a des mutations profondes dans les modes de consommation", relève même Pierre Creuzet, le directeur de l'association Centre-ville en mouvement. Environ 70.000 commerces, essentiellement dans le détail, sont créées chaque année, c'est moitié moins que les services mais beaucoup plus que la construction ou l'industrie, avec un taux de défaillance extrêmement stable (autour de 10.000 depuis 2000), selon une étude sur Le Commerce de France présentée à l'occasion de ces Etats généraux. Seulement, avec un quart des commerçants actuels qui vont partir à la retraite dans les quatre ans à venir, il faut préparer l'avenir, "alors qu'il n'y a pas grand-chose de fait sur les transmissions", regrette Pierre Creuzet.
Avec des écarts flagrants d'une ville à l'autre, le rôle des élus locaux est directement mis en cause. En particulier pour la revitalisation de zones urbaines sensibles. Le Fisac dont les crédits viennent d'être étendus aux cafés restaurants ou aux commerces non sédentaires, ou le droit de préemption très utilisé dans une ville comme Montrouge, au sud de Paris, sont quelques-uns des outils à la disposition des maires. Mais ils s'inscrivent dans une politique d'ensemble. Le fort développement du métier de "manager de centre-ville" a lui aussi permis de relancer l'animation dans les centres. "Le développement de nos centres-ville, c'est une alchimie qui tient au commerce mais aussi à beaucoup d'autres facteurs comme l'habitat, les transports", explique Pierre Creuzet, citant encore l'exemple de Bordeaux dont l'hyper-centre a gagné 20.000 habitants en huit ans. "Aujourd'hui, le commerce de bouche est en train de revenir", témoigne-t-il. Mais l'élargissement des seuils d'autorisation de la LME devrait favoriser le retour des grandes enseignes au coeur des villes, à l'image de "Carrefour City" qui vient de s'installer en plein 16e arrondissement à Paris. Là encore, l'heure n'est peut-être plus à la guerre avec l'essor du concept de "fun shopping", l'achat récréatif profitant à l'ensemble des commerces. "La vraie bataille des prix va se jouer en coeur de ville avec une vraie diversité, prévoit Pierre Creuzet. On sera beaucoup plus dans une logique de locomotive, avec une vraie concurrence où les commerces de proximité pourront faire valoir la qualité de leurs produits."

 

Michel Tendil