Fiscalité locale - Rapport Richard-Bur : pour les associations du bloc local, un seul scénario est acceptable
L'ADCF, l'APVF, France urbaine et l'AMF ont tour à tour réuni leurs instances respectives ces 15 et 16 mai pour prendre position sur le rapport Richard-Bur sur la refonte de la fiscalité locale. Pour compenser la suppression de la taxe d'habitation, seule l'option d'un transfert de la taxe foncière sur les propriétés bâties des départements au bloc communal est selon elles envisageable. Pas question en effet d'accepter uniquement une fraction d'impôt national.
Le pont de l'Ascension a semble-t-il été studieux pour ceux qui s'intéressent de près au devenir de la fiscalité locale... le rapport de la mission présidée par Alain Richard et Dominique Bur ayant été remis au Premier ministre et rendu public mercredi 9 mai en fin de journée (lire notre article du 11 mai). Un rapport évidemment très attendu, sachant qu'il doit aiguiller l'exécutif pressé de déterminer la meilleure façon de compenser la suppression de la taxe d'habitation. Et qu'il figurera certainement en première ligne des échanges entre le gouvernement et les représentants des élus locaux qui doivent avoir lieu dès ce jeudi 17 mai à Matignon dans le cadre de l'instance de dialogue de la Conférence Nationale des Territoires. Sans tarder, quatre associations d'élus du bloc local viennent donc de réunir leurs instances respectives (conseil d'administration ou bureau) pour prendre position sur les pistes détaillées dans cet opus de 150 pages.
"Conserver des ressources fiscales avec pouvoir de taux"
"C'est un rapport de bonne qualité", juge Charles-Eric Lemaignen. Le vice-président et président de la commission finances et fiscalité de l'Assemblée des communautés de France (ADCF) s'exprimait ce mardi 15 mai juste avant la réunion du conseil d'administration de son association. Un conseil au cours duquel a été saluée "la richesse des informations proposées par la mission".
Le rapport Richard-Bur présente deux grands scénarios : le premier consisterait à concentrer toute la taxe foncière sur le bloc communal, en compensant les départements par une part de TVA ; avec le second, il s'agirait d'allouer une partie de cette même TVA directement aux communes et à leurs groupements. Pour l'ADCF, les choses sont claires : les présidents de communautés appuient "la proposition centrale du rapport visant à affecter l’intégralité des taxes foncières au bloc local" et sont en revanche "défavorables" à la seconde solution. "Nous ne voulons par que la taxe d'habitation soit remplacée uniquement par un impôt national" non territorialisable, résume Charles-Eric Lemaignen.
Sans grande surprise, l'ADCF est rejointe là-dessus tant par l'Association des petites villes (APVF) que par France urbaine. "Le bloc communal doit conserver des ressources fiscales avec pouvoir de taux", insistent les maires de petites villes, qui refusent eux aussi le "scénario n°2" et plaident donc pour l'option "transfert de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) des départements au bloc communal", avec affectation d'une fraction d'impôt national en complément. Le rapport prévoit en effet qu'en plus de la part départementale de TFPB, le bloc communal se verrait affecter une part de TVA représentant 9,2 milliards d'euros.
France urbaine ne dit guère autre chose. "Il est indispensable qu'en remplacement de la ressource territorialisée qu'est la taxe d'habitation, les communes et leurs groupements bénéficient d'impôts locaux en substitution", écrit l'association représentant les élus des grandes villes et métropoles ou grandes intercommunalités, jugeant l'autre scénario tout simplement "inacceptable".
France urbaine se distingue en revanche aujourd'hui en continuant de proposer que le foncier bâti soit complété par un autre transfert des départements vers le bloc local : le transfert de la CVAE des départements, lesquels pourraient être compensés par une part de CSG. L'ADCF a elle-même eu l'occasion de plaider pour que "la CVAE des départements revienne au bloc local" (voir notre article du 6 mars). Mais concède désormais que cela serait "difficilement supportable" pour les départements. Or ce n'est pas forcément le moment de proposer quelque chose de "douloureux et compliqué" qui créerait des différends entre niveaux de collectivités.
"Plus de questions que de réponses"
L'ADCF attire l'attention sur deux points. Elle insiste sur le fait que le foncier bâti des départements doit bien être transféré aux communes ET aux EPCI. Car la mission Richard-Bur évoque l'hypothèse d'un transfert aux seules communes, les EPCI à fiscalité propre se voyant alors attribuer essentiellement ou totalement une fraction de TVA. L'autre hypothèse étant bien que chaque EPCI et l’ensemble de ses communes membres se partagent l'ancienne taxe foncière départementale. "Il y aura des effets de bascule, donc il faudra mettre en place un nouveau fond de garantie", prévient au passage Nicolas Portier, délégué général de l'ADCF. Pas simple, sachant que l'actuel fonds national de garantie individuelle des ressources (FNGIR) "est de plus en plus compliqué et fait râler tout le monde".
Les élus intercommunaux mettent par ailleurs en garde sur le fait que "la répartition d'une fraction de TVA entre 35.000 communes" pour compléter le transfert de TFPB ne sera, là encore, "pas simple"…
Pour sa part, l'Association des maires de France (AMF), tout en assurant partager "plusieurs recommandations du rapport" - notamment, elle aussi, le transfert de TFPB -, considère que le document "pose plus de questions qu’il n’apporte de réponses" : "Comment garantir les ressources des collectivités perdantes à la réforme ? Comment assurer aux départements des ressources fiscales pérennes et maîtrisées? N’y a-t-il pas un risque d’accroitre considérablement la pression fiscale sur une seule catégorie de contribuables ?" (le rapport préconise en effet de maintenir la taxe d'habitation pour les locaux sous-occupés et pour les résidences secondaires). L'AMF repose aussi la question de l'autonomie financière des collectivités que les propositions de la mission Richard-Bur mettent en partie à mal. Et souhaite, comme l'a fait il y a quelques jours la délégation de l'Assemblée nationale aux collectivités territoriales et à la décentralisation (voir notre article du 14 mai), que son principe soit redéfini dans le cadre de la prochaine réforme constitutionnelle.
Enfin, une exigence semble faire l'unanimité parmi les associations d'élus : la révision des valeurs locatives des locaux d'habitation doit impérativement avoir lieu. Le rapport Richard-Bur le dit aussi... mais les élus doutent quelque peu de la volonté de l'exécutif de s'engager dans ce chantier. Charles-Eric Lemaignen insiste en outre pour que l'on ne "change pas de méthodologie", celle retenue dans le cadre de l'expérimentation menée à bien pour les locaux professionnels et initiée dans cinq départements pour les locaux d'habitation étant "la seule possible".