Archives

Finances locales - Inscrire l'autonomie fiscale dans la Constitution : un vœu pieux ?

La délégation de l'Assemblée nationale aux collectivités territoriales et à la décentralisation appelle à saisir l'occasion qu'offre la révision constitutionnelle pour garantir l'autonomie fiscale locale, c'est-à-dire la faculté de fixer le taux d'un impôt dont l'assiette est "territorialisée". Une position très proche de celle des associations d'élus locaux, mais qui est aux antipodes de celle de la mission Richard-Bur.

Consacrer dans la Constitution l'autonomie fiscale locale : c'est le vœu que forme une "mission flash" de la délégation de l'Assemblée nationale aux collectivités territoriales et à la décentralisation, à l'approche de l'examen du projet de loi constitutionnelle.
Cette intention paraît à première vue étonnante dans la mesure où le législateur a garanti il y a quinze ans "l'autonomie financière" des collectivités territoriales. L'article 72-2 de la Constitution, issu de la loi constitutionnelle du 28 mars 2003, affirme que "les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l'ensemble de leurs ressources". Mais la tentative de préserver l'autonomie fiscale des collectivités territoriales est devenue vaine avec la définition de leurs ressources propres introduite dans la loi organique du 29 juillet 2004. Une "définition large", qui  "inclut les ressources fiscales dont les collectivités ne peuvent fixer ni le taux ni l’assiette", ont indiqué le 9 mai les rapporteurs de la mission sur l'autonomie financière des collectivités territoriales, le centriste Charles de Courson et le député de la majorité Christophe Jerretie. Le duo présentait à la délégation les conclusions de leurs travaux.

Un recul continu de l'autonomie fiscale locale

"D’une liberté constitutionnelle pensée et conçue pour garantir la libre administration, l’autonomie financière est devenue une coquille vide, ou presque, dépourvue de tout effet utile pour les collectivités", affirment-ils dans leur communication (voir ci-dessous). L'Etat a donc eu les mains libres pour poursuivre la suppression de certains impôts locaux et leur remplacement par des impôts dont les collectivités ne maîtrisent ni le taux, ni l'assiette. Au moment de la disparition de la taxe professionnelle, l'autonomie fiscale locale a ainsi été sérieusement écornée, au point de tomber en 2015 à 44% pour les communes et leurs groupements, moins de 15% pour les départements et à peine plus de 2% pour les régions.
La suppression de la taxe d'habitation ne risque pas d'arranger les choses. Si la taxe foncière sur les propriétés bâties aujourd'hui perçue par les départements est transférée au bloc communal, comme la mission Richard-Bur l'envisage dans l'un de ses deux scénarios (voir notre article sur le rapport de la mission), l'autonomie fiscale du bloc communal ne reculera que légèrement, mais celle du département disparaîtra presque entièrement.
Pour les députés, une telle évolution poserait une "difficulté démocratique majeure". "Un lien minimal doit exister entre le citoyen-contribuable local et les collectivités qu’ils élisent", soulignent-ils. A la différence du rapport de la mission nommée par le Premier ministre qui prône le statu quo, les députés jugent indispensable de modifier profondément les choses. Ainsi préconisent-ils de revoir la définition des ressources propres des collectivités territoriales afin qu'en soit exclue la fiscalité transférée (comme la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques).

Transferts : pour une compensation "intégrale" et "évolutive"

Au-delà, ils prônent "un rehaussement progressif, échelonné dans le temps" de l'autonomie fiscale, dans le cadre de la refonte de la fiscalité locale engagée par l'exécutif. L'autonomie fiscale devrait selon eux être garantie dans la Constitution. Mais pas nécessairement pour toutes les collectivités territoriales… Les députés n'excluent pas que l'autonomie fiscale ne soit préservée constitutionnellement que pour le bloc communal, en particulier parce qu'il est le seul échelon de collectivité à pouvoir aujourd'hui agir dans tous les domaines. Plusieurs membres de la délégation n'ont toutefois pas acquiescé à cette option.
Le tandem Jerretie-de Courson propose encore de renforcer le droit à compensation financière des collectivités territoriales dans le cadre des transferts de compétences, en garantissant "un droit à compensation intégrale et évolutive." Une telle évolution ouvrirait la voie à une bien meilleure compensation des départements pour les allocations individuelles de solidarité qu'ils distribuent. En plus, selon les députés, les collectivités devraient pouvoir, dans certaines limites, "moduler les dépenses correspondant aux compétences transférées, créées ou étendues". Ainsi un département pourrait verser des aides fixées à des montants différents de ceux des autres départements.