Réforme constitutionnelle - Garantir enfin l'autonomie fiscale des collectivités ?
Une "mission flash" créée par la nouvelle délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de l'Assemblée nationale devrait proposer, dans un rapport qu'elle présentera fin avril, de consacrer dans la Constitution le principe de l'autonomie fiscale des collectivités.
Il y a tout juste 15 ans, la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République a permis la reconnaissance, à l'article 72-2, du principe d'autonomie financière, a rappelé mercredi Charles de Courson, rapporteur (UDI) de la mission flash sur l'autonomie financière des collectivités territoriales. Mais au fil du temps, la réforme a été "une grosse déception", a souligné l'autre rapporteur (LaRem), Christophe Jerretie. "Les collectivités ont le sentiment profond que [ce principe] n'est pas une réalité", a-t-il affirmé ce 28 mars lors d'un point d'étape de la mission. Lorsque dans le passé, elles ont saisi le Conseil constitutionnel, elles ont été "à chaque fois déboutées", a-t-il ajouté.
L'autonomie financière en net progrès
Selon l'article 72-2 de la Constitution, "les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent, pour chaque catégorie de collectivités, une part déterminante de l’ensemble de leurs ressources". Mais la loi organique du 29 juillet 2004 a défini de manière très large les ressources propres des collectivités territoriales, puisqu'elle a intégré les transferts de fiscalité d’Etat au profit de ces dernières.
Au fil du temps, l'autonomie financière au sens de la loi s'est renforcée. Entre 2003 et "aujourd'hui", elle est ainsi passée de 60,8% à 68,6% pour les communes, de 58,6% à 70,9% pour les départements et de 41,7% à 62,5% pour les régions, selon les chiffres communiqués par la mission. Pourtant, dans le même temps, l'autonomie fiscale a été "mise à mal", notamment en 2010, avec la réforme qui a supprimé la taxe professionnelle, a fait remarquer Christophe Jerretie.
Pour les députés, si l'autonomie fiscale était introduite dans la Constitution, elle devrait être, ultérieurement, définie précisément dans une loi organique. Dans le cas d'un impôt dont l'assiette fiscale est territorialisée et dont le taux est défini par la collectivité, nous sommes dans une situation d'"autonomie fiscale pure", a précisé Charles de Courson. La mission pourrait toutefois opter pour une définition plus large de la notion. Celle-ci comprendrait des impôts dont la base est territorialisée, mais dont le taux est fixé nationalement (comme la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, CVAE), ou pour lesquels les collectivités ont quasiment épuisé leurs marges de modulation (par exemple les droits de mutation à titre onéreux, DMTO).
Loi de financement des collectivités
La mission envisage aussi de proposer que soit défini dans une loi organique "un ratio d'autonomie fiscale jugé souhaitable pour garantir la libre administration des collectivités territoriales". Selon les députés, les associations d'élus locaux qu'ils ont auditionnées sont "très favorables" à l'idée.
Ils ont aussi proposé de mieux garantir dans la Constitution la compensation des transferts de charges aux collectivités territoriales, en prévoyant que la compensation soit non seulement "intégrale", mais aussi "évolutive". Enfin, ils se sont dit favorables à une loi organique instaurant l'élaboration annuelle d'une loi de financement spécifique aux collectivités territoriales, venant donc s'ajouter aux lois de finances et de financement de la sécurité sociale. Cette idée que les associations d'élus locaux soutiennent depuis longtemps est actuellement à l'étude à Bercy.
Une autre mission flash créée par la délégation aux collectivités territoriales, dont les travaux en cours ont également été présentés ce mercredi, se penche pour sa part sur "l'expérimentation et la différenciation territoriale". La délégation entend ainsi faire des propositions qui pourraient intégrer la réforme constitutionnelle voulue par le chef de l'Etat et qui devrait être présentée ce printemps.