Insertion - Rapport Daubresse sur le RSA : et les départements dans tout ça ?
Du rapport sur le revenu de solidarité active (RSA), remis le 14 septembre par Marc-Philippe Daubresse au chef de l'Etat, les médias ont surtout retenu la proposition d'un contrat unique d'insertion (CUI) d'une journée par semaine, rémunéré au Smic, pour les allocataires qui n'exercent aujourd'hui aucune activité. Ce contrat représenterait 63 euros bruts par semaine et 252 euros bruts par mois, soit environ 214 euros nets. Il apporterait à l'allocataire concerné un revenu supplémentaire de l'ordre de 140 euros nets, le montant du RSA n'étant pas réduit à due concurrence. Le tiers environ des 1,15 million de foyers éligibles au RSA socle serait potentiellement concerné par cette mesure.
Limiter le rapport Daubresse à cette seule proposition revient toutefois à oublier que la mission confiée au député du Nord et ancien ministre chargé des Solidarités portait "sur l'amélioration du RSA et le renforcement de son volet insertion". Même s'ils ont été peu évoqués dans les commentaires sur le rapport, les départements sont donc concernés au premier chef.
Sept heures par semaine au Smic : une économie pour les départements...
Ces derniers le sont d'abord par le financement du nouveau CUI de sept heures hebdomadaires. Marc-Philippe Daubresse propose en effet de fixer la participation des départements à 35% du montant forfaitaire, soit 163 euros par mois et 1.960 euros pour un contrat d'un an. Selon lui, cette participation n'entraînerait aucun coût supplémentaire pour les conseils généraux, l'aide à l'employeur (163 euros), ainsi que le reliquat du RSA socle, représentant 196 euros pour une personne isolée, "soit un total de 359 euros qui resterait inférieur au RSA socle moyen s'élevant à 396 euros". Mieux, ce dispositif expérimental devrait même engendrer une économie de l'ordre de 50 euros par mois pour les départements, soit 600 euros par an et par bénéficiaire concerné.
En matière de calcul des droits, le rapport ne remet pas en cause le principe de la déclaration trimestrielle de ressources (DTR) adressée à la CAF ou à la MSA, mais suggère de permettre aux allocataires dont la situation se modifie en cours de trimestre de rectifier leur DTR par une déclaration complémentaire. Ceci limiterait les difficultés actuelles rencontrées par les départements et les CAF autour des indus. A l'inverse, les bénéficiaires du RSA activité dont l'allocation escomptée est inférieure à 50 euros par mois pourraient opter pour une déclaration annuelle.
En revanche, contrairement à ce que laissent entendre de nombreux commentaires, le rapport Daubresse ne propose pas véritablement de fusionner le RSA et la prime pour l'emploi (PPE). La formulation est en effet beaucoup plus prudente, puisque l'ancien ministre suggère seulement de "relancer l'étude des modalités de fusion entre le RSA et la PPE au cours de la prochaine législature". Cette prudence s'explique notamment par l'avenir incertain de la PPE. Le rapporteur est tout aussi circonspect sur le rapprochement entre le RSA et l'allocation de solidarité spécifique (ASS).
Coordination des acteurs : les limites de l'incitation
Sur la coordination des acteurs locaux, le rapport s'inquiète de la lente montée en charge des plateformes uniques pour l'accueil, l'instruction et l'orientation des bénéficiaires. Seule une quarantaine de départements ont en effet mis en place, à ce jour, ce dispositif de simplification. Le rapporteur propose donc d'inciter les départements à le généraliser, mais sans préciser les moyens pour y parvenir. Dans le même esprit, il suggère d'accélérer et de "conclure" les réflexions du groupe de travail - auquel participent l'ADF et les principaux acteurs institutionnels de l'insertion - "chargé d'examiner les évolutions informatiques nécessaires, notamment concernant le suivi des parcours des bénéficiaires du RSA". L'objectif serait d'engager les travaux correspondants dès la fin de cette année et de conserver le principe d'un pilotage partagé.
Marc-Philippe Daubresse revient aussi sur le casse-tête des droits connexes locaux, qui a déjà donné lieu à de nombreux travaux et propositions. Pas plus que ses prédécesseurs, il ne dispose d'une solution miracle. Il se contente donc de prôner une relance de l'information des élus locaux sur "les effets pervers" des droits connexes au RSA, en incitant - dans l'esprit de la "déclaration commune de principe sur les conditions d'attribution des aides facultatives locales à caractère social" signée par les associations d'élus locaux - à fonder les aides connexes sur les ressources et les charges du demandeur, plutôt que sur son statut.
On retrouve également cette limite opérationnelle du rapport - sachant que le RSA socle est une prestation décentralisée - dans la suggestion consistant à "inciter les conseils généraux à s'engager dans l'élaboration de PTI [pactes territoriaux pour l'insertion, NDLR] associant tous les acteurs de l'insertion". La aussi, il s'agit d'accélérer la montée en charge d'un dispositif qui peine à décoller. Selon la direction générale de la cohésion sociale, seuls les trois cinquièmes des départements auront adopté leur PTI à la fin de l'année, autrement dit trois ans après la loi généralisant le RSA... Le rapport aborde aussi - mais de façon discrète et sans propositions, tant le sujet est sensible - la question des dépenses d'insertion des départements. Il est vrai qu'il n'existe en la matière, compte tenu de la diversité des dépenses et de l'absence d'un cadre partagé, "que des informations partielles et peu récentes". Le rapporteur cite toutefois la récente étude de l'Observatoire national de l'action sociale décentralisée (Odas) relevant que, sur un échantillon de 38 départements, les dépenses d'insertion ont fortement reculé entre 2009 et 2010, passant de 830 à 700 millions d'euros (-16%).
Repenser l'accompagnement des bénéficiaires
La relance de l'insertion passe aussi par l'implication des acteurs et l'utilisation de nouveaux outils. Sur ce point, le rapport semble confirmer un effet pervers inattendu des nouvelles modalités d'orientation des allocataires mises en place par la loi du 1er décembre 2008 : "La priorité affichée dans la loi pour l'accompagnement par Pôle emploi aurait provoqué chez certains élus un retrait sur le champ de l'insertion professionnelle, alors même que cet établissement rencontre des difficultés sous l'effet conjoint d'une réorganisation majeure et d'une augmentation du nombre de chômeurs". De ce fait - et même si "l'accompagnement des bénéficiaires du RSA est actuellement impossible à mesurer" - l'objectif du référent unique prévu par la loi est très loin d'être généralisé. Le rapport estime donc qu'il convient de "demander aux conseils généraux de mettre en application le droit à l'accompagnement pour tous les bénéficiaires concernés", sous la forme de la désignation d'un référent unique pour chaque allocataire.
Il reste - comme le reconnaît d'ailleurs le rapport - que la concrétisation d'un tel objectif suppose d'améliorer l'offre d'accompagnement de Pôle emploi, vers lequel sont orientés 50 à 60% des nouveaux entrants dans le RSA. Une situation encore compliquée par le fait qu'environ 20% des bénéficiaires du RSA sont suivis en parcours mixte ou "socioprofessionnel", autrement dit doivent bénéficier d'un accompagnement mis en place par les départements mais comportant, outre le volet social, une forte dimension d'insertion professionnelle relevant de Pôle emploi (pour le solde, 40% des allocataires sont suivis en parcours social et 40% en parcours professionnel).
Afin de sortir de cette difficulté, Marc-Philippe Daubresse préconise d'"améliorer l'offre de service de Pôle emploi pour les bénéficiaires du RSA". De façon plus opérationnelle, il propose d'expérimenter la mise en œuvre de plateformes d'accompagnement sous l'égide de Pôle emploi, capables d'assurer un accompagnement global (à la fois social et professionnel). Autres préconisations sur la mobilisation des acteurs : l'encouragement à la mise en place d'un financement pluriannuel des structures d'insertion par l'économique (SIAE) - grâce à la signature de contrats d'objectifs et de moyens associant les différents financeurs (Etat, départements, Fonds social européen...) - et le renforcement de l'accès à la formation professionnelle des salariés en insertion et des permanents des SIAE. Le rapport propose aussi d'inscrire davantage les PLIE (plans locaux pour l'insertion par l'économique) comme l'un des axes du PTI, du moins pour les départements qui ne l'ont pas déjà fait.
Un meilleur retour sur les suspensions/radiations
Dernier axe fort intéressant les collectivités : les dispositions relatives à la lutte contre la fraude et aux sanctions correspondantes. Le chapitre qui leur est consacré semble même quelque peu hypertrophié au regard des enjeux réels de la fraude, mais il faut sans doute y voir la recherche d'un équilibre entre les différentes sensibilités qui parcourent la majorité au sujet du RSA. Sur ce point, Marc-Philippe Daubresse propose notamment de clarifier et de renforcer le régime des sanctions (suspensions/radiations) "en vue d'une d'un meilleur respect des droits et devoirs et d'une application simple et uniforme pour les départements". Enfin, ces derniers apprécieront tout particulièrement la recommandation demandant aux CAF et aux caisses de MSA "la production pour fin 2011, en lien avec les départements, d'un système de remontées fiables des suspensions/radiations prévues par la loi".
Pour Marc-Philippe Daubresse, les 22 propositions du rapport "peuvent être mises en œuvre, pour la plupart, avant la fin de l'année 2012, et ne nécessitent pas de dépenses publiques supplémentaires de l'Etat, tout en permettant un meilleur ajustement entre les recettes et les dépenses du Fonds national de solidarité active". Reste maintenant à connaître celles qui seront effectivement reprises et mises en œuvre par le gouvernement.