Informatique et libertés - Rapport d'activité de la Cnil : il faut "clarifier le régime juridique de la vidéosurveillance"
"Autorité unique en son genre par son approche généraliste, la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) est une sorte d'éclaireur ou de vigie qui prend de plein fouet toutes les évolutions de la société française car la pression des technologies nouvelles de l'information est désormais présente dans quasiment tous les secteurs d'activité : diversité ethnique, dopage, etc.", a noté Alex Türk, président de la Cnil, à l'occasion de la présentation, ce 13 mai à Paris, de son rapport d'activité 2008. En 5 ans, le nombre de délibérations adoptées par la Cnil a augmenté de 765%. 586 ont été publiées en 2008, dont, celles sur le vote électronique ou la base élèves, ces dernières concernant les collectivités. Quant aux contrôles, ils ont explosé de 1.534%. 218 contrôles ont été effectués l'an dernier dont 11 dans des collectivités territoriales : communauté urbaine de Lyon, communes d'Avesnes-les-Aubert, Emerainville, Igny, Noisy-le-Sec, Longueau, Luce, Metz, Tarbes, Vienne, piscine de Yerres. Sur la même période de 5 ans, les effectifs de la Cnil sont passés de 80 à 140 personnes (+60%) et le budget annuel atteint désormais les 12 millions d'euros (personnel et fonctionnement).
Pour se rapprocher du terrain et mieux répondre aux besoins des citoyens, la Cnil demande toujours la création de 7 ou 8 délégations interrégionales qui pourraient enregistrer les plaintes (4.244 en 2008), apporter localement du conseil et développer les correspondant informatique et libertés (CIL) : plus de 5.000 structures disposent de CIL en 2008 dont seulement 11% d'entre eux exercent leur mission dans le secteur public... "La carte des contrôles effectués est éloquente : la majorité des départements n'ont pas été contrôlés depuis 5 ans, puisque l'essentiel des missions se concentre autour de Paris, en Provence-Alpes-Côte d'Azur et autour de Lyon", a reconnu le président.
Pour conforter les contacts permanents avec les pouvoirs publics et mieux communiquer auprès des décideurs locaux, la commission a d'ailleurs lancé une nouvelle lettre d'information à l'intention des parlementaires (le plus souvent également élus territoriaux) "sans périodicité établie mais en fonction de l'actualité".
Vidéosurveillance à... surveiller
Dans son rapport, la Cnil demande à nouveau de "clarifier le régime juridique de la vidéosurveillance". Elle a reçu en 2008, 173 plaintes contestant la mise en oeuvre d'un système de ce type (+ 43% sur un an).
Parallèlement, le nombre de déclarations d'un système de vidéosurveillance auprès de la commission a lui aussi doublé (2.588 contre 1.317 en 2007). Alex Türk a insisté, à nouveau, sur le régime juridique "obsolète et dangereux" : "Ce sont soit les commissions départementales dépendant du préfet, soit la Cnil qui est compétente depuis 1995. En matière de liberté publique rien n'est plus dangereux que le flou." Ce sujet est "majeur et urgent", d'autant que se développe le couplage de la vidéosurveillance avec les nouvelles techniques de géolocalisation et de biométrie. La Cnil a réaffirmé qu'elle était prête à assurer "la coordination avec les commissions départementales" de l'ensemble de ces systèmes dont "les règles ne sont pas respectées sur le terrain, car souvent ignorées", a reconnu le président. "Si le rôle central de la Cnil a le soutien de la commission du Sénat (notamment dans le rapport des sénateurs Courtois et Gautier paru en décembre dernier), ce dispositif ne suscite pas autant d'enchantement au ministère de l'Intérieur", a conclu Alex Türk. Dans le même temps, la ministre de l'Intérieur poursuit son effort, lancé en 2007, de "tripler le nombre" des caméras et le porter à "60.000 sur l'ensemble de la France en deux ans".
Luc Derriano / EVS