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Sécurité - Vidéosurveillance : chartes et comités d'éthique manquent de visibilité

Cela fait peur ! Face à la multiplication des caméras dans toutes les villes de France, les comités locaux d'éthique peinent à se développer. Ils seraient moins d'une vingtaine sur plusieurs centaines de villes désormais équipées de systèmes numériques. C'est ce qui ressort de la réunion organisée par l'Association nationale des villes vidéosurveillées (An2v), le 30 avril dernier à l'hôtel de ville de Montrouge (Hauts-de-Seine), sur le thème : "Vidéosurveillance : mais de quoi avons-nous peur ?". Alors que la Ligue des droits de l'homme (LDH) avait refusé l'invitation au débat, les arguments des opposants à la vidéosurveillance ont été synthétisés par Jacques Boutault, le maire du 2e arrondissement de Paris : absence d'étude indépendante et sérieuse sur son efficacité concernant la lutte contre la délinquance, recul des villes de Londres et Atlantic City, surenchère technologique pour le contrôle social des citoyens, glissement sémantique de la vidéosurveillance à la vidéoprotection, travail sur les conséquences et non sur les causes des délits et des crimes... La Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) a ensuite rappelé le cadre juridique général en insistant sur l'absence d'indépendance du contrôle opéré sur les systèmes (qui surveille les surveillants ?) tandis que les nouvelles technologies permettent désormais le couplage des caméras avec des logiciels de reconnaissance faciale, des procédés de captation sonore et la géolocalisation donc le traçage des individus. "D'une manière générale, le président de la Cnil reconnaît qu'il existe plus de 100.000 fichiers numériques illégaux actuellement en France : à raison de 15 contrôles effectués par mois, il faudrait mille ans pour en venir à bout !", a pointé Dominique Tricaud, avocat au Barreau de Paris.

Comité indépendant à rôle consultatif

Dans ces conditions, comment garantir la protection des libertés individuelles ? La ville de Lyon (plus de 200 caméras sur la voie publique) s'est dotée d'un collège d'éthique de la vidéosurveillance "pour encadrer et définir les bonnes pratiques", selon son président, Daniel Chabanol, ancien président de la cour administrative de Lyon. Mis en place depuis 6 ans, ce groupe d'une trentaine de personnes "qualifiées" se réunit de façon régulière pour examiner les réclamations des administrés (une par an en moyenne) et orienter la politique du maire dans ce domaine. Il ne donne pas son avis sur l'implantation de chaque nouvelle caméra mais dispose d'un droit d'inspection spontané au central de vidéosurveillance. A Saint-Etienne (65 caméras), la ville disposait déjà d'une charte, "inspirée de celle de Lyon, et a souhaité aller plus loin en créant son comité d'éthique, suite à l'arrivée de la nouvelle municipalité", a expliqué le magistrat en retraite Pierre Fayol-Noireterre, président de cette nouvelle commission extramunicipale.  Ses 16 membres (dont 4 élus à parité majorité/opposition) se réunissent à un rythme quasi-mensuel. Leur principale mission est de veiller à l'application de la charte, de recevoir les doléances et d'informer les citoyens. Ils peuvent également examiner l'opportunité des nouvelles installations, sur saisine du maire. "Mais notre rôle n'est que consultatif et nous n'avons encore jamais reçu de plainte", a-t-il reconnu.

Débat éthique et politique, plus que technique ?

Quant à la ville de Rouen, elle a hérité de la mandature précédente d'une quinzaine de caméras installées à l'été 2007 et d'une salle de contrôle au sein de son service de police municipale. "Nous avons besoin d'évaluer ce dispositif et avons donc décidé de créer récemment notre comité d'éthique et d'évaluation qui est en cours de constitution", a exposé Christine Rambaud, adjointe au maire de la ville. "Pour des raisons politiques et financières, nous n'aurions sans doute pas lancé ce système de vidéosurveillance", a-t-elle précisé. A l'issue de ces témoignages, il est frappant de constater, d'une part, qu'aucun membre de ces comités ne semble être recruté pour ses compétences techniques alors qu'en ces domaines le droit court souvent après la technologie. D'autre part, que le faible nombre de doléances des administrés pourrait bien être révélateur d'une méconnaissance de l'existence de ces organes, mis en place par seulement une poignée de maires. Enfin, que la LDH se soit retirée des comités de Lyon et Saint-Etienne et ne souhaite pas participer à celui de Rouen, ayant, semble-t-il, adopté une position nationale sur le sujet, est surprenant. Cependant, si l'inquiétude de certains face au déploiement de caméras est bien réelle, la demande de "vidéoprotection" l'est tout autant, émanant le plus souvent des petits commerçants comme des habitants de logements sociaux. "La vidéosurveillance est un outil au service du traitement de la délinquance de proximité mais ce n'est pas la réponse universelle à ce problème. Gardons-nous de refuser cette aide par idéologie, car un outil est toujours neutre. Les comités d'éthique permettent sans doute de mieux en apprécier l'utilité", a conclu Jean-Loup Metton, le maire de Montrouge. Ce débat entre éthique et technique devra notamment être prolongé, à l'occasion des 3es Assises nationales de la vidéosurveillance, les 17 et 18 juin prochains à Arras.

 

Luc Derriano / EVS

 

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