Vidéosurveillance - La Cnil voudrait devenir l'unique autorité de contrôle indépendante dans tous les départements
"Beaucoup de collectivités locales ne respectent pas aujourd'hui leurs obligations en matière de demande d'autorisation pour le déploiement de systèmes de vidéosurveillance. Je le vois dans mon département, le Nord, les maires ne sont pas au courant", a regretté Alex Türk, président de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil), conseiller général et sénateur du Nord, le 8 avril dernier, à Paris. "Il faut dire que le régime juridique actuel est flou, aléatoire et incompréhensible pour les citoyens et même pour les juristes", a-t-il poursuivi. D'un côté, la loi du 21 janvier 1995 soumet les systèmes de vidéosurveillance visionnant les lieux ouverts au public à une autorisation préfectorale. De l'autre, la loi dite "informatique et libertés" du 6 janvier 1978, modifiée en 2004, réglemente les systèmes de vidéosurveillance installés dans un lieu non ouvert au public ou encore les systèmes implantés dans les lieux publics lorsqu'ils sont couplés à une technique biométrique (de reconnaissance faciale, par exemple). Résultat : trois autorités de contrôle coexistent actuellement : les commissions départementales auprès des préfets, la Commission nationale de la vidéosurveillance, au rôle uniquement consultatif, et la Cnil. "En outre, avec les évolutions technologiques, notamment le passage des images via internet, il y a un glissement sur ces sujets qui fait que la Cnil est le plus souvent compétente", a insisté le président. Ainsi, les collectivités locales qui filment sur la voie publique demandent une autorisation préfectorale, alors qu'elles devraient théoriquement solliciter aussi la Cnil si leur équipement est numérique et permet le stockage des données.
Vers des antennes interrégionales de la Cnil ?
A l'heure où le gouvernement a pour objectif de tripler d'ici deux ans le nombre de caméras de vidéosurveillance présentes dans les lieux publics pour lutter contre la menace terroriste, la Cnil a donc adressé, la semaine dernière, à Michèle Alliot-Marie, ministre de l'Intérieur, une note soulignant la nécessité de clarifier le régime juridique applicable à ces systèmes. Ce document d'une vingtaine de pages préconise, notamment, le renforcement des droits des personnes en attribuant à la Cnil le contrôle de tous les systèmes de vidéosurveillance, quel que soit leur lieu d'implantation privé ou public. Pour aller dans ce sens, la commission a fait réaliser une enquête d'opinion, en mars dernier, par l'institut de sondage Ipsos. "Si 71% des français sont favorables à la vidéosurveillance, 79% réclament une autorité de contrôle indépendante", a expliqué Alex Türk. Il y a urgence, souligne la Cnil qui a reçu, pour la seule année 2007, près de 1.400 déclarations préalables d'installation de caméras. Dans le même temps, elle a vu le nombre de plaintes "augmenter sans cesse" (plus de dix par mois), "Les principales plaintes en ce domaine concernent la surveillance des salariés sur le lieu du travail, l'installation de protection dans les copropriétés mais aussi les caméras sur la voie publique et les établissements scolaires", a précisé le chef du service des plaintes de la commission. Pour se rapprocher du terrain et notamment des besoins des collectivités, la Cnil souhaiterait le développement d'antennes interrégionales qui puissent apporter des conseils, recueillir les plaintes et appliquer les sanctions avec "des personnes qui connaissent leur région". "L'idéal serait huit ou neuf antennes en France, sur le modèle des Länder allemands pour aller au plus près des collectivités locales, puisqu'il y aurait alors suppression des commissions départementales de vidéosurveillance", a repris le président, en précisant que la première antenne pourrait s'installer en région Provence-Alpes-Côte d'Azur. La Cnil se délocalise déjà deux ou trois jours en province tous les deux mois : "Nous constatons alors tout ce qu'il y aurait à faire sur place pour accompagner le travail des correspondants informatique et libertés, le suivi des plaintes, etc.", a conclu le président.
Luc Derriano / EVS