Informatique et libertés - La Cnil réclame son autonomie financière
Toujours plus ! La Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil) a encore une fois connu une activité en croissance en 2007. Les chiffres bruts traduisent ainsi une augmentation, par rapport à 2006, de 21% des contrôles effectués (164), de 25% des plaintes reçues (4.455), de 32% des délibérations adoptées (395), de 67% des demandes de droits d'accès indirects (2.660) et le quasi-triplement des correspondants informatiques et libertés locaux (2.438 dont 20% dans le secteur public). Alex Türk, président de la Cnil, a donc logiquement demandé une nouvelle augmentation de ses moyens financiers et humains, le 16 mai dernier, à l'occasion de la présentation de son rapport annuel 2007.
Même s'il a reconnu le "réel effort du gouvernement, qui a accordé 15 postes supplémentaires", cette augmentation "significative des moyens de fonctionnement ne règle pas les problèmes car nous sommes dépassés, notamment par la croissance des institutions équivalentes des autres grands pays européens". L'augmentation annuelle du budget de la commission britannique représenterait ainsi 11 millions d'euros en 2007, soit la presque totalité du budget de la Cnil (12 millions). En Allemagne, son homologue compterait déjà environ 400 agents, contre 260 en Grande-Bretagne et seulement 120 en France. "Il faut donc désormais de l'audace et de l'imagination" pour "éviter d'avoir à tendre la main, chaque année", a lancé son président.
Pour assurer une plus grande indépendance de la commission vis-à-vis des pouvoirs publics, il a donc proposé au Premier ministre de passer d'un mode de financement par l'impôt à un droit d'inscription annuel à un fichier auquel les 600.000 à 700.000 personnes morales, privées comme publiques, recourant à des traitements des données personnelles seraient contraintes de cotiser. Ce système fonctionne actuellement en Grande-Bretagne, agrémenté de seuils permettant de ne pas grever le budget des plus petites structures, telles les PME et petites collectivités locales. Selon Alex Türk, cette solution présenterait l'avantage d'accroître les moyens de la Cnil pour passer des 12 millions d'euros actuels à 22 millions environ. "Mais attention, ce n'est pas pour développer la Cnil à Paris que nous demandons ces moyens supplémentaires. Nous voulons installer 7 à 9 antennes en région et ainsi rapprocher la Cnil du terrain", a de nouveau déclaré le président. Il espère ainsi pouvoir installer une première structure interrégionale à Marseille, fin 2009 ou début 2010.
Trente ans après sa création, la CNIL entend ainsi réaffirmer sa position, tant sur le plan national qu'international. Alex Türk vient d'ailleurs d'être élu à la présidence du groupe des Cnil européennes (G29). Pour célébrer son anniversaire, la Cnil organisera, du 15 au 17 octobre prochain, avec la Commission Allemande également trentenaire, la 30e conférence mondiale de la protection des données et de la vie privée, à Strasbourg au Conseil de l'Europe.
Luc Derriano / EVS
Un "loupé administratif" sur les passeports biométriques
Alex Türk a jugé vendredi "choquant" que l'avis de la Cnil émettant des réserves sur le nouveau passeport biométrique ait été publié après le décret instituant ce nouveau système. Ce décret est en effet paru au JO du 4 mai tandis que l'avis rendu par la Cnil le 11 décembre 2007 est paru le 10 mai. La loi exige pourtant que les avis de la Cnil soient publiés au Journal officiel "en même temps" que les actes réglementaires concernés, a rappelé Alex Türk. "Il y a eu un loupé administratif qui ne nous est pas imputable", a affirmé le secrétaire général de la Cnil, Yann Padova. L'avis de la Cnil émet plusieurs réserves à propos de ce nouveau passeport. La commission souhaitait qu'un débat ait lieu au Parlement dans le cadre d'une loi, ce que ne permet pas le passage par un décret. En outre, elle n'a pas estimé avoir les éléments justifiant la création d'une base de données centralisant les informations contenues dans le nouveau passeport : une photo numérisée et les empreintes digitales de huit doigts. La commission a souligné que la France allait plus loin que le règlement européen, qui n'envisage pas le recueil de l'empreinte de huit doigts, mais de deux. La commission "n'abandonne pas" l'espoir de faire valoir ses arguments, notamment lors du prochain débat parlementaire sur la carte d'identité numérique, prévu à l'automne. Le dossier sur cette future carte d'identité doit être soumis pour avis à la Cnil "la semaine prochaine", a précisé Alex Türk.
C.F. avec AFP