Croissance - Rapport Attali : le social et la santé aussi
Centré sur "la libération de la croissance française", le rapport du groupe de travail dirigé par Jacques Attali n'en aborde pas moins les questions sociales et sanitaires. De façon symbolique, la première "décision" proposée - pour reprendre la terminologie de la commission - consisterait à améliorer la formation des éducatrices de crèche et des assistantes maternelles, à revaloriser leur diplôme et à en augmenter le nombre. L'objectif est en effet de lutter dès l'amont contre l'échec scolaire, en favorisant l'éveil et la socialisation des très jeunes enfants. Le rapport propose aussi de moduler l'ensemble des prestations familiales en fonction du revenu (décision 268). Cette mesure, qui concernerait essentiellement les allocations familiales (les autres prestations familiales étant déjà, pour la plupart, soumises à condition de ressources), engendrerait une économie de l'ordre de deux milliards d'euros. Mais elle marquerait un important revirement de la politique familiale, en faisant disparaître la dimension nataliste de ces prestations au profit de leur seule dimension redistributive. La commission Attali propose aussi de moduler la toute récente franchise médicale en fonction du revenu, ce qui va dans le sens du projet de "bouclier sanitaire".
En matière de santé - présentée de façon inhabituelle comme "une chance pour la croissance" -, le rapport se montre très prolixe, même s'il se contente souvent de reprendre à son compte des propositions déjà engagées ou envisagées. Outre un doublement des dépenses de prévention, mais à budget global constant (décision 66), il préconise ainsi de développer l'hospitalisation à domicile en étendant la liste des actes autorisés aux infirmiers et aides-soignants (72) et de généraliser les maisons médicalisées regroupant les professionnels de santé, afin de faciliter l'accès aux soins dans les zones faiblement peuplées (73). Le rapport suggère aussi de "satisfaire les nouveaux marchés de la dépendance", en augmentant les déductions fiscales pour les emplois à domicile, en développant les produits d'assurance privée et de mutuelle et en encourageant la création de réseaux de structures d'accueil des personnes dépendantes (74). Sur le plan organisationnel, il recommande de généraliser les agences régionales de santé dont l'expérimentation est prévue en 2008 (272) et d'organiser une gestion régionale de la carte sanitaire (273), sans pour autant décentraliser les responsabilités en la matière.
Une nouvelle gouvernance hospitalière
La commission Attali s'est également penchée sur le système hospitalier, avec des propositions plus innovantes. Ainsi, pour "rationaliser la gouvernance des hôpitaux" et accélérer les restructurations, elle propose notamment de permettre aux hôpitaux publics d'opter pour un statut équivalent à celui des établissements privés à but non-lucratif (275), d'ouvrir le recrutement des directeurs d'hôpitaux publics à des cadres, entrepreneurs ou médecins du public ou du privé (276) et d'accroître l'autonomie des directeurs d'hôpitaux en transformant les actuels conseils d'administration en conseils de surveillance, doublés d'un directoire présidé par le directeur (278). Cette dernière mesure diminuerait, de fait, le rôle des maires dans la gestion des hôpitaux.
En matière d'action sociale, le rapport recommande en particulier, dans l'esprit du RSA et du Grenelle de l'insertion, de rationaliser les dispositifs actuels de minima sociaux et de veiller à ce que chaque heure travaillée procure un bénéfice effectif par rapport à une situation d'inactivité (301). Enfin, le rapport Attali propose de créer un "contrat d'évolution", qui serait proposé en priorité aux demandeurs d'emploi les plus exposés au chômage de longue durée et aux bénéficiaires du RMI et autres minima sociaux, en articulation avec le RSA (142). Ce contrat se caractériserait par un "encadrement renforcé" et un accompagnement plus soutenu des demandeurs d'emploi. Ce dispositif, qui représenterait un coût d'environ 5.100 euros par bénéficiaire et par an, nécessiterait de mobiliser une enveloppe conséquente de l'ordre de 11 milliards d'euros.
Jean-Noël Escudié / PCA