"Que tout le monde tienne ses promesses !", exhorte Christophe Bouillon

Ouvrant les 26es assises des petites villes de  France, qui se tiennent ces 19 et 20 septembre à Amboise (Indre-et-Loire), Christophe Bouillon a singulièrement exhorté ses collègues à être plus que jamais des "va-t-en paix" dans une France où sévirait une "guerre des mondes", notamment entre le rural et l’urbain. Une France dans laquelle les tensions entre l’État et les élus locaux seraient plus vives que jamais.

Quand cela ne veut pas… Initialement prévues les 14 et 15 juin derniers, les 26e assises des petites villes de France avaient été reportées pour cause de dissolution. "On voulait accueillir un membre du gouvernement, pour un dialogue compétitif", confesse en ouverture de l’événement — qui se tient finalement ces 19 et 20 septembre, à Amboise (Indre-et-Loire) — Christophe Bouillon, président de l’Association des petites villes de France (APVF), et maire de Barentin (76). Las, faute de gouvernement, son vœu ne sera toujours pas exaucé. Mais l’élu ne se résigne pas. S’il n’entend pas "mener une conjuration", il indique "vouloir faire passer des messages, car il finira bien par y avoir un gouvernement". Christophe Bouillon n’en adressera finalement qu’un — large il est vrai : "Que tout le monde tienne ses promesses !" Derrière le "tout le monde", se cache (mal) évidemment l’État. Pour le reste, son intervention fut plutôt pacificatrice. Intervenant du théâtre Beaumarchais de la ville, l’élu avait pourtant rappelé d’emblée que "sans la liberté de blâmer, il n’est pas d’éloge flatteur".

Éloge des maires

Mais d’éloge, il n’y en eut point. Si ce n’est à l’adresse des maires, engagés "dans la dernière ligne droite d’un mandat pas des plus faciles", marqué par "la crise sanitaire, la crise de l’énergie, l’inflation et les violences urbaines", sans compter les agressions. Pour autant, "ils font toujours face". Des maires aujourd’hui confrontés selon lui à trois principaux défis, thèmes des trois tables rondes de ces 26es assises :
- le défaut d’accès aux soins d’abord, contre lequel "on a essayé beaucoup de choses sauf une : la régulation". Pour remédier au "nomadisme médical", Christophe Bouillon suggérant de privilégier "l’obligation de consultation à la liberté d’installation" ;
- la "bombe à fragmentation" que constitue le logement ensuite, plaidant là encore pour davantage de "régulation", notamment fiscale. Une crise du logement dont il souligne qu’elle alimente par ailleurs "une rupture pas suffisamment appréhendée, la rupture démographique" ;
- la transition écologique enfin, menacée d’un "coup de frein violent", ce qui "ne serait pas sérieux alors que 2030, c’est dans six ans !". "Le fonds vert fond plus vite que la banquise", grince l’élu, qui plaide par ailleurs pour que "la dette écologique sorte du périmètre Maastrichtien ", à défaut de pouvoir sortir de celui des agences de notation.

Des "va-t-en paix" dans une "guerre des mondes"

Et de blâmes, il n’y en eut guère également. Le principal fut adressé aux "profiteurs de guerre", accusés de miser sur les divisions d’une France dans laquelle Christophe Bouillon voit sévir une "guerre des mondes", laquelle opposerait singulièrement le rural à l’urbain, "les tours et les bourgs", formule qui fait aujourd'hui florès (dont la paternité semble remonter à un article paru dans le journal La Croix en 2023, qui y relevait "le même sentiment d’abandon"). "Rien n’est binaire", défend l’élu, en soulignant par exemple que "nombre de quartiers prioritaires de la ville sont dans nos communes". Encore moins chez les villes adhérentes de l’APVF qui, "comme les classes moyennes, ne rentrent jamais dans les cases", tour à tour "trop petites ou trop grandes, trop urbanisées ou trop rurales…", comme le déplore le maire d’Amboise, Brice Ravier, par ailleurs bien moins tendre à l’égard "des injonctions contradictoires d’un État père fouettard". Et Christophe Bouillon d’exhorter ses collègues à continuer d’être plus que jamais "des va-t-en paix".

"Un maire plutôt que Le Maire à Bercy"

L’autre blâme, passage obligé, fut décerné au ministre des Finances, dont les déclarations sur les finances locales (voir nos articles en lien ci-dessous) ne passent toujours pas : "Il aurait mieux valu un maire que Le Maire à Bercy", grince l’élu, en invitant le ministre démissionnaire à "arrêter ce jeu, qui n’est pas sérieux". Dans la salle, on se montre moins amène encore, dénonçant un véritable "scandale". Et l’on se montre surtout inquiet. Inquiet de ne pas être en mesure de pouvoir "boucler le budget 2025" (voir notre article de ce jour), surtout si les dotations de l’État devaient faire, davantage encore, défaut. Et inquiet "par la petite musique" qui monte, selon laquelle les "réserves" des collectivités pourraient contribuer au désendettement de l’État. Car des réserves, là aussi, "il n’y en a plus".