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Protection de l'enfance : un plan de lutte contre les violences

Plusieurs des 22 mesures du "Plan de lutte contre les violences faites aux enfants" présenté le 20 novembre par Adrien Taquet concernent très directement les collectivités : périscolaire, associations, Aide sociale à l'enfance, accompagnement des enfants victimes...

Quelques semaines après la présentation de la "Stratégie nationale de prévention et de protection de l'enfance 2020-2022", conçue comme un "Pacte pour l'enfance" avec les départements (voir notre article ci-dessous du 15 octobre 2019), et au lendemain de la publication du rapport du Défenseur des droits centré sur les violences institutionnelles envers les enfants (voir notre article ci-dessous du 18 novembre 2019), Adrien Taquet a présenté le 20 novembre, en présence de Brigitte Macron, son "Plan de lutte contre les violences faites aux enfants". La violence s'entend au sens large, au-delà de la maltraitance, puisqu'elle inclut des éléments comme le harcèlement scolaire (plus de 8.000 enfants en seraient victimes) ou l'exposition à la pornographie (en 2017, 51% des adolescents de 15 à 17 ans ont déjà surfé sur un site pornographique, contre 37% en 2013). Plusieurs mesures concernent néanmoins très directement les collectivités. Ce plan succède au "Plan interministériel de mobilisation et de lutte contre les violences faites aux enfants 2017-2019", lancé le 1er mars 2017, autrement dit juste avant les élections présidentielles.

Sensibilisation : un appel à projets avec l'AMF

Le secrétaire d'État en charge de la protection de l'enfance en appelle à "la mobilisation de l'ensemble de la société pour que la lutte contre ces violences devienne un enjeu de société et un combat prioritaire pour les années 2020". Pour cela, le plan prévoit un ensemble de 22 mesures, organisées en six grands thèmes : sensibilisation, signalement, protection, accompagnement, prévention et vigilance.

Sur la sensibilisation, le plan prévoit notamment d'investir davantage le temps périscolaire en s'appuyant sur les associations, avec en particulier le lancement conjoint d'un appel à projets avec l'Association des maires de France (AMF) dès 2020 et la diffusion aux nouveaux élus du printemps prochain d'un répertoire listant toutes les ressources disponibles. La prévention des violences sexuelles à l'école sera également renforcée (avec une évaluation de la politique d'éducation à la sexualité), tandis que des messages seront diffusés aux parents avant même l'arrivée de l'enfant, grâce à l'enrichissement du carnet de grossesse, puis du carnet de santé.

Moyens renforcés pour le 119

Sur le signalement, le 119 (Allo enfance en danger), cofinancé par les départements, sera renforcé à hauteur de 400.000 euros, avec un objectif de "zéro appel sans réponse". Il est également prévu d'améliorer le travail en réseau des professionnels et de renforcer les cellules de recueil des informations préoccupantes (Crip) dans les départements, mais aussi de déployer des unités d'accueil et d'écoute spécialisées dans l'ensemble du territoire d'ici à 2022. À cette occasion, les actuelles unités d'accueil médico-judiciaire pédiatriques (UAMJP) deviendront des unités d'accueil pédiatriques enfance en danger. Autres mesures prévues par le plan : la désignation d'équipes pédiatriques référentes et l'organisation, dès 2020, de formations communes pour favoriser la coopération entre professionnels de terrain.

La consultation du casier judiciaire sera bien systématisée

Sur le volet protection, le plan prévoit un renforcement des peines pour consultation habituelle, acquisition ou détention d'images pédopornographiques et – dans la droite ligne des récentes recommandations du Défenseur des droits (voir notre article ci-dessous du 18 novembre 2019) – l'instauration d'un "contrôle systématique des antécédents judiciaires des professionnels exerçant une activité au contact habituel d'enfants" (possibilité ouverte juridiquement depuis 2008, mais peu utilisée). D'autres mesures visent à mieux lutter contre la maltraitance et les violences en établissements (avec en particulier une systématisation des contrôles conjoints État-département en cas de signalement ou de faits non signalés et la réalisation d'un plan de maîtrise des risques et de contrôle des établissements par chaque conseil départemental), à lutter contre l'exposition des enfants à la pornographie, mais aussi contre les violences sexuelles dans le milieu du sport, mises en évidence par plusieurs affaires récentes.

L'accompagnement des enfants victimes constitue le quatrième axe du plan. À ce titre, il est prévu de garantir à chaque enfant victime une évaluation de ses besoins et l'accès à un parcours de soins gradués et de créer cinq nouvelles unités spécialisées dans la prise en charge du psycho-traumatisme dès 2020. Cette même année, les préfets et les procureurs de la République seront invités à réunir les comités locaux d'aides aux victimes (Clav) pour une séance annuelle consacrée à la question de la prise en charge pluridisciplinaire et coordonnée des mineurs victimes de violences.

Prévenir la récidive et mieux connaître les causes

Sur le volet prévention, un numéro unique d'appel d'écoute et d'orientation sera expérimenté pour les personnes attirées sexuellement pas les enfants, afin d'éviter le passage à l'acte. Cette mesure s'accompagnera d'un développement de la recherche sur l'évaluation des actions de lutte la récidive.

Enfin, sur la vigilance, il est notamment prévu de renforcer les données sur les violences subies dans l'enfance, de mieux déceler les décès d'enfants de 0 à 6 ans résultant de violences intrafamiliales, notamment en cas de "mort inattendue du nourrisson" (avec un renforcement des moyens de l'observatoire dédié mis en place en 2015). Sur un autre sujet lui aussi peu investigué, il est également prévu de mieux appréhender les nouvelles formes de prostitution des mineurs (près de 8.000 jeunes victimes, d'après les estimations des associations). En particulier, le dispositif expérimental de protection des mineurs victimes de traite des êtres humains mis en place à Paris sera étendu aux autres territoires les plus impactés et l'État soutiendra la création d'un premier centre sécurisé? de 15 places destiné à ces mineurs.

À noter : le ministère profite de l'occasion pour publier un "Code de l'enfant". Il ne s'agit bien sûr pas d'un code au sens légistique du terme, mais d'un document pédagogique qui s'adresse directement aux enfants (ou plutôt aux adolescents). Il présente en effet, sous une forme adaptée mais néanmoins rigoureuse, le cadre juridique et les règles à connaître sur la famille, l'école, internet, la santé, les loisirs, l'enfant citoyen ou encore l'enfant victime.

 

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