Rapport Bourguignon sur les jeunes majeurs : des propositions très mesurées
La présidente de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a remis son rapport sur la prise en charge des jeunes majeurs. Intitulé "La République doit être une chance pour tous : Pour un accompagnement sur mesure de chaque jeune majeur sortant de l'aide sociale à l'enfance vers l'autonomie réelle", le rapport formule une quarantaine de propositions d'amélioration du dispositif actuel.
À l'occasion d'un déplacement, le 30 août, à la maison d'enfants à caractère social (Mecs) "Le Regain" de Dohem (Pas-de-Calais), Brigitte Bourguignon, la présidente de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, a remis à Adrien Taquet, le secrétaire d'État à la protection de l'enfance, son rapport sur la prise en charge des jeunes majeurs. Commandé par Édouard Philippe le 7 mars dernier, en pleine crise de l'ASE (voir nos articles ci-dessous), le rapport s'intitule "La République doit être une chance pour tous : Pour un accompagnement sur mesure de chaque jeune majeur sortant de l'aide sociale à l'enfance vers l'autonomie réelle". Pour Brigitte Bourguignon, cette mission s'inscrit aussi très clairement dans le prolongement de sa proposition de loi "visant à renforcer l'accompagnement des jeunes majeurs vulnérables vers l'autonomie", adoptée en première lecture par l'Assemblée le 9 mai dernier, et qui connaît depuis lors un sort incertain. Le texte de la proposition figure d'ailleurs en annexe du rapport.
Changement de ton et propositions constructives
Le plus frappant dans le rapport de Brigitte Bourguignon est le changement de ton par rapport au climat qui prévalait encore il y a quelque mois, lorsque qu'une résolution proposait la création d'une commission d'enquête de l'Assemblée sur l'ASE, après l'émission à charge de France 3 sur le sujet. Aujourd'hui, le rapport se garde bien de jeter l'opprobre sur les départements - même s'il critique certains aspects, comme les différences de prise en charge entre départements -, ne propose pas de faire table rase du dispositif actuel et formule plutôt des propositions constructives d'amélioration.
Le document pointe néanmoins un "scandale" sociétal : "Il est demandé davantage en matière d'insertion, d'autonomie, de réussite scolaire à ceux qui, dépourvus de soutien familial, disposent de moins, alors même qu'une majorité de jeunes de 18 à 24 ans logent encore chez leurs parents et/ou sont accompagnées financièrement par eux dans les années suivant leur majorité." La remarque vise le fait que certains jeunes pris en charge par l'ASE jusqu'à leurs 18 ans se trouvent soudain sommés de se débrouiller seuls, alors qu'ils ne peuvent compter sur aucun soutien extérieur. Sur ce point, Brigitte Bourguignon prend d'ailleurs soin de préciser que "cet accompagnement des jeunes majeurs vers l'autonomie ne saurait pour autant se résumer à la prolongation de leur accueil par les services de l'ASE".
Vers un socle minimal de droits
Le constat est connu et largement partagé : malgré ses bonnes intentions, la loi du 14 mars 2016 relative à la protection de l'enfant a échoué à harmoniser la situation des jeunes majeurs et le contexte actuel reste donc marqué "par un cadre juridique disparate et une forte hétérogénéité". Le rapport formule donc une quarantaine de propositions correspondant à trois grandes orientations.
La première orientation concerne la "nécessité d'une collégialité et d'un décloisonnement des pratiques à travers l'échange d'informations des acteurs", qui serait matérialisée notamment par la création de la "commission locale d'accès à l'autonomie et de préorientation" (Claap). Seconde orientation, réellement novatrice pour réduire les écarts de pratiques entre départements : la création d'un "socle minimal de droits à travers le nouveau contrat d'accès à l'autonomie et la mobilisation d'outils complémentaires comme le tiers référent". Pour le rapport, cette logique de socle minimal devrait aller jusqu'à l'expérimentation d'un revenu minimal d'activité à destination des jeunes issus de l'ASE. Enfin, la troisième orientation concerne la volonté "d'adosser les recommandations à des dispositifs existants pour créer un ensemble de droits renforcés : Garantie jeunes, rendez-vous des droits, majoration de bourses universitaires, conventions renforcées avec Action logement, etc.". Autrement dit, il s'agit de mieux mobiliser des dispositifs de droit commun, en les fléchant au bénéfice des jeunes sortant de l'ASE.
Accès aux droits et MNA
Au-delà de ces trois grandes orientations et de leur traduction en propositions très concrètes, le rapport préconise également une série de mesures plus ponctuelles. Il suggère ainsi de "sécuriser le parcours de soins" à travers un bilan de santé systématique avant la fin de la prise en charge ASE ou une meilleure prise en compte de situations de handicap.
Sur l'accès au logement – un enjeu essentiel dans la mesure où un quart des jeunes sortis de l'ASE ont vécu à la rue –, une des préconisations consisterait à créer un fonds de solvabilisation spécifique pour les jeunes de l'ASE, adossé à Action logement, sur le modèle du fonds de solidarité logement (FSL).
En termes de formation, le rapport recommande notamment de mieux informer les jeunes majeurs, de créer un échelon supplémentaire dans les bourses du Crous pour les jeunes issus de l'ASE et de réserver à ces derniers des places dans les internats des lycées d'excellence. Sur l'accès aux droits , Brigitte Bourguignon préconise l'instauration, par les CAF, de rendez-vous des droits spécifiques pour les jeunes majeurs sortis de l'ASE et de créer pour ces derniers un parcours dédié, avec simplification des démarches administratives, espace numérique personnel, guide des démarches... En termes de gouvernance, l'une des idées avancées consisterait à "créer un conseil représentatif des jeunes de l'ASE, avec voix consultative sur tout projet relevant de l'aide à l'enfance, sur le modèle du CNCPH" (Conseil national consultatif des personnes handicapées).
Enfin, le rapport se penche aussi sur la situation particulière des mineurs non accompagnés (MNA) et sur la nécessité de "penser le dispositif dans une logique de réelle protection de l'enfance et d'intégration". À cette fin, il préconise notamment d'anticiper l'examen des conditions de titre de séjour dès 17 ans pour sécuriser les parcours d'insertion et de systématiser la délivrance d'autorisations de travail provisoire aux MNA pris en charge par l'ASE.