Archives

Petite enfance / Laïcité - Proposition de loi sur la laïcité dans les crèches privées : la CNCDH demande le retrait

Alors qu'elle semblait devoir bénéficier d'un climat plutôt consensuel - dans le contexte de l'après Charlie - la proposition de loi "visant à étendre l'obligation de neutralité à certaines personnes ou structures privées accueillant des mineurs et à assurer le respect du principe de laïcité" fait l'unanimité... contre elle. Le texte, adopté en première lecture par le Sénat le 17 janvier 2012, avait déjà été retiré en catastrophe de l'ordre du jour à quelques heures de son examen à l'Assemblée nationale (voir notre article ci-contre du 12 mars 2015). Elle a toutefois été officiellement réinscrite à l'ordre du jour du 11 mai.

Une volée de bois vert

La proposition de loi, qui avait été votée sans difficulté au Sénat (alors à gauche), a en effet essuyé une volée de bois vert. Les critiques sont venues, sans surprise, des représentants religieux, mais aussi de l'Observatoire contre l'islamophobie. Le plus virulent a toutefois été Jean-Louis Bianco, le président de l'Observatoire de la laïcité, rattaché à Matignon. L'ancien secrétaire général du gouvernement évoquait ainsi un texte "extraordinairement dangereux" et une "mécanique infernale" (voir notre article ci-contre du 12 mars 2015).
Dans un avis du 19 mars - adopté à l'unanimité moins une abstention -, la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) apporte sa pierre à l'enterrement et recommande "le retrait pur et simple de la proposition". Les termes sont certes moins radicaux que ceux de Jean-Louis Bianco, mais le fond et les arguments ne sont guère éloignés. La commission exprime ainsi "ses vives inquiétudes" sur le possible retour du texte.
L'avis du 19 mars avance également une série d'arguments à l'appui de ces inquiétudes. Côté juridique, la proposition de loi serait contraire au principe de laïcité au sens de la loi de 1905, "en refusant des subventions à des activités autres que cultuelles" (le texte prévoit en effet que seuls les établissements "de conviction" pourront à la fois afficher des signes religieux et percevoir des financements publics). Elle serait également contraire à la fois "à la Convention européenne des droits de l'homme, à la Constitution, à l'esprit et à la lettre de la loi du 9 décembre 2005 sur la séparation des églises et de l'Etat et à l'arrêt de l'assemblée plénière de la Cour de cassation du 25 juin 2014 dans l'affaire Baby Loup"... Sans oublier les contradictions avec les "recommandations concordantes" de la CNCDH.

Quel sens pour la laïcité ?

Côté politique, "l'adoption de cette proposition risque de voir resurgir une guerre sur le sens à donner au principe de laïcité"'. Sur ce point, la CNCDH n'hésite pas à affirmer que "les lourdes imperfections juridiques de la proposition de loi et ses conséquences politiques seraient désastreuses". Un texte que la commission juge d'autant plus inutile qu'elle "réaffirme avec force qu'il n'y a pas de vide juridique dans l'application du principe de laïcité". Pour la CNCDH, la priorité devrait être aujourd'hui de lutter contre "l'ignorance laïque", en formant et en expliquant ce que veut dire le principe de laïcité.
Devant un tel tir de barrage au demeurant non dépourvu d'arguments juridiques - et sauf réveil des partisans d'une laïcité plus offensive, étonnamment discrets jusqu'à présent -, la date du 11 mai pour un éventuel retour de la proposition en séance plénière à l'Assemblée (la commission des lois a déjà adopté le texte) semble pour le moins hypothétique. Dans ce contexte tendu, le lancement d'une concertation sur la question - une perche tendue dans l'avis de la CNCDH - ou la constitution d'une mission d'information ad hoc paraissent plus probables. 

 

Pour aller plus loin

Voir aussi

Abonnez-vous à Localtis !

Recevez le détail de notre édition quotidienne ou notre synthèse hebdomadaire sur l’actualité des politiques publiques. Merci de confirmer votre abonnement dans le mail que vous recevrez suite à votre inscription.

Découvrir Localtis