Réforme territoriale - Projet de loi Notr : députés et sénateurs parviennent à un compromis
On disait que les choses étaient mal parties. Ils y sont pourtant parvenus. Au terme de plus de quatre heures de réunion en commission mixte paritaire (CMP), députés et sénateurs ont trouvé ce 9 juillet un accord sur le projet de loi portant Nouvelle Organisation territoriale de la République (Notr). "Fumée blanche", a-t-on alors pu lire sur twitter ! Une réunion précédée de "deux jours de discussions très serrées, pointues" entre les rapporteurs des deux chambres guidés par "une volonté commune d'aboutir à cet accord", confie à Localtis le rapporteur de l'Assemblée, Olivier Dussopt. Celui-ci se dit non seulement soulagé mais "satisfait". Et parle d'un "bon compromis". Il se souvient d'ailleurs qu'au terme de l'examen du projet de loi Maptam - dont il était également le rapporteur -, là aussi, beaucoup de monde avait à tort parié sur un échec de la CMP.
Certes, un compromis n'est pas un consensus, loin de là. Vu les divergences entre le texte adopté en deuxième lecture par le Sénat et celui voté la semaine dernière par l'Assemblée – sur certains points, le fossé semblait même s'être creusé -, on imagine aisément que de part et d'autre, les choses se sont négociées pied à pied. Et ce, même si Olivier Dussopt avait pris soin de rappeler au préalable aux sénateurs les concessions déjà faites par la majorité de l'Assemblée et le gouvernement. Il cite à ce titre les collèges, la voirie, l'article 24 sur les compétences du département et "le fait que le gouvernement ait accepté de rouvrir le débat sur l'article 12 concernant le Grand Paris".
Seuil, dérogations et délai de repos...
Si l'on s'en tient aux points les plus bloquants aux yeux des sénateurs, on retiendra que les députés ont accepté de supprimer le Haut Conseil des territoires – certains sénateurs, dont le co-rapporteur Jean-Jacques Hyest, en avaient fait un casus belli – et ont renoncé à inscrire le principe de l'élection des conseillers intercommunaux au suffrage universel.
S'agissant de la fameuse question du seuil démographique minimal que devront atteindre les intercommunalités, les députés ont finalement accepté le compromis qui avait notamment été suggéré par le groupe PS du Sénat : ce seuil a été établi, non plus à 20.000 mais à 15.000 habitants, assorti d'à peu près les mêmes dérogations que celles qu'avait prévues l'Assemblée dès la première lecture pour les territoires à faible densité et les territoires de montagne.
La CMP a d'ailleurs précisé au passage ce que l'on devait entendre par "EPCI de montagne" : seuls les EPCI dont la moitié des communes sont situées en zone de montagne pourront prétendre à l'exception. L'adaptation prévue pour les EPCI amenés à regrouper plus de 50 communes a en outre été supprimée, celle-ci devenant inutile du fait de l'abaissement du seuil, précise Olivier Dussopt qui, à titre personnel, était clairement pour le seuil à 20.000 habitants. Le "délai de repos" prévu pour les intercommunalités ayant récemment fusionné a été maintenu, mais sera réservé aux intercommunalités de plus de 12.000 habitants.
Transports scolaires : une question de "complémentarité"
Côté Sénat, quelles ont été les principales concessions ? Celles-ci portent cette fois surtout sur le rôle des régions. L'article 2 sur le schéma régional de développement économique, d'innovation et d'internationalisation (SRDEII) sort en effet de la CMP dans la version Assemblée, tout comme, dans la foulée, l'article 3 réservant à la région l'octroi des aides directes aux entreprises. C'est également la version de l'Assemblée qui a été retenue concernant le rôle de chacun en matière de service public de l'emploi (articles 3 bis et 3 ter) et concernant le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (Sraddt). Le Sraddt, "c'est un gros point que le Sénat concède", reconnaît Olivier Dussopt.
Autre morceau difficile sur lequel le Sénat a finalement cédé : l'article 8 sur les transports interurbains devant désormais être organisés par la région. Tous les transports… et donc aussi les transports scolaires. Un sujet qui aura décidément donné lieu à bien des rebondissements puisqu'en deuxième lecture, les députés avaient d'abord "rendu" les transports scolaires aux départements, avant que le gouvernement ne demande une seconde délibération (voir nos articles ci-contre).
"Le transfert aux régions de toute la chaine de transports en dehors des agglomérations - gares routières, transport interurbain par cars, transports scolaires, transport à la demande - viennent ainsi compléter les compétences des régions en matière ferroviaire" et "permettront aux régions de s’assurer de la complémentarité entre les modes de transports", s'est félicitée ce 9 juillet Marylise Lebranchu.
Les articles 5 et 5 bis sur le rôle de la région en matière de déchets resteront quant à eux tels que les députés les avaient adoptés.
En revanche, les régions ne seront finalement pas désignées chefs de file en matière de tourisme : l'article 4 qui le prévoyait a été supprimé en CMP. Le tourisme sera donc clairement "une compétence partagée", relève Olivier Dussopt.
Eau et assainissement : pas avant 2020
A l'échelle du bloc local, le tourisme – ou plus exactement la promotion du tourisme, et donc aussi les offices de tourisme – fera bien partie, comme l'a voulu l'Assemblée (voir notre article du 8 juillet) des compétences obligatoires des intercommunalités. Les sénateurs l'ont accepté en CMP, tout comme ils ont accepté que la compétence déchets et celle relative aux aires d'accueil des gens du voyage passent à l'intercommunalité.
"En contrepartie", note Olivier Dussopt, l'Assemblée a accepté le report à 2020, non seulement du transfert de la gestion de l'eau mais aussi de l'assainissement (et a étendu ce report aux transferts aux communautés d'agglomération et non plus aux seules communautés de communes).
Par ailleurs, les députés ont accepté en CMP la suppression de l'article 15 ter B relatif aux plans locaux d'urbanisme intercommunaux (PLUi). Par cet article, l'Assemblée entendait relever les conditions permettant à des communes de constituer une minorité de blocage pour s’opposer au transfert automatique de la compétence en matière de documents d’urbanisme. Un point que le rapporteur de l'Assemblée range lui aussi au rayon des concessions importantes.
Olivier Dussopt est par ailleurs satisfait de ce qui est ressorti de la CMP concernant la métropole du Grand Paris, et notamment du fait qu'il "n'y a pas eu de report" : la création de la MGP se fera bien au 1er janvier 2016, ce dont s'est également réjouie Marylise Lebranchu.
Le texte commun adopté en CMP doit encore faire l'objet d'une ultime lecture dans chaque assemblée d'ici la fin juillet. Y a-t-il un risque que la majorité sénatoriale (le groupe PS du Sénat, lui, a exprimé sa satisfaction) se rebiffe à cette occasion ? Olivier Dussopt ne le pense pas. Et continue de considérer que ce texte de loi a malgré tout conservé l'essentiel de ce qui lui donne sens : le renforcement de la région avec les deux schémas prescriptifs et la spécialisation entre compétences régionales et départementales, la montée en puissance de l'intercommunalité, le rôle de solidarité territoriale du département vis-à-vis des communes.