Archives

Elus - Réforme territoriale, dotations... Marylise Lebranchu converse avec les maires ruraux

L'Association des maires ruraux de France (AMRF) avait prévenu : les maires étaient en colère et comptaient le montrer. La ministre en charge de la décentralisation tenait à "avoir un débat serein". Finalement, sous ses airs de garden-party estivale, la rencontre organisée ce mercredi 24 juin entre Marylise Lebranchu et les maires ruraux "montés" à Paris pour manifester devant l'Assemblée nationale fut plutôt paisible. Parés de leurs écharpes tricolores et de badges "Ma commune est utile", quelque 130 maires participaient à cette réception sur les pelouses des jardins du ministère avant de rejoindre non loin de là, dans l'après-midi, les abords du palais Bourbon. Une nouvelle occasion pour Marylise Lebranchu de dialoguer de façon informelle avec ces élus, de contrer certaines affirmations et de tenter de convaincre de l'utilité des mesures du gouvernement en faveur des communes rurales. En toile de fond de la venue de la délégation de l'AMRF à Paris, le retour du projet de loi Notr à l'Assemblée (voir notre article d'hier). Et, au-delà de ce seul projet de loi et de son volet intercommunal qui hérisse pas mal d'élus locaux, l'ensemble de la réforme territoriale. "Ce qui manque à cette réforme territoriale, c'est une vision de l'aménagement du territoire", a résumé Vanick Berberian, le président de l'AMRF.

Suffrage universel direct :  "Le sujet est derrière nous"

"On a décidé de garder les 36.000 communes en France. On aurait pu vouloir les supprimer. On ne l'a pas fait." Pour Marylise Lebranchu, certains postulats de départ, aussi évidents puissent-ils paraître, méritent d'être rappelés. Surtout lorsque l'on sait que "29.000 communes comptent moins de 1.000 habitants". Vanick Berberian ne se montre qu'à moitié convaincu : "Quand vous nous dites qu'il n'y a pas de suppression des communes, qu'est-ce que j'aimerais vous croire… Bien sûr que personne ne dira jamais qu'il va les supprimer. Mais en réalité, elles le sont par petites touches. Elle seront petit à petit dévitalisées."
La ministre a mis l'accent sur plusieurs dispositions de la réforme territoriale méritant de retenir l'attention des élus ruraux : le maintien de la clause de compétence générale pour les communes, la création d'une compétence de solidarité territoriale pour les départements, les "adaptations" dont devrait en principe être assorti le seuil démographique de 20.000 habitants des intercommunalités (ces adaptations concerneraient 43% des EPCI)… S'agissant de "la grande question" du suffrage universel direct des élus intercommunaux telle qu'introduite lors de la première lecture du projet de loi à l'Assemblée, Marylise Lebranchu a déclaré que "le sujet est derrière nous", sachant que "la CMP n'aboutira pas à cela". D'autres points ont été développés, comme le devenir des syndicats intercommunaux qui, estime la ministre, mérite une réponse nuancée. Ainsi, "lorsqu'une communauté de communes et un syndicat agissent sur des périmètres exactement identiques, on peut se poser la question, pour diminuer les charges de structure, d'une mise en commun de la gestion", notamment dans le domaine de l'assainissement. "Pour l'eau en revanche, j'ai davantage de doutes, car il faut que l'on protège les régies municipales", a ajouté la ministre, citant de même l'exemple de tel ou tel "très grand syndicat d'électricité, auquel il n'est pas question de toucher".

Une baisse "la plus juste possible"

Si l'ordre du jour de l'AMRF était le projet de loi Notr, Marylise Lebranchu a souhaité élargir le propos, allant même sur le terrain de la baisse des dotations (baisse qu'elle "assume totalement") pour expliquer aux maires que l'effort demandé aux communes rurales sera moindre que pour les autres. "En même temps, nous avons augmenté la DSR, notamment la DSR cible. Et la DETR. Notre objectif est que la baisse des dotations soit portée de la façon la plus juste possible", a-t-elle dit aux maires. Deux chiffres viendraient en attester : la baisse des dotations représenterait un effort de 15 euros par habitant pour les territoires de moins de 10.000 habitants et de 42 euros par habitant pour ceux de plus de 200.000 habitants.
Certes, il y a encore beaucoup de choses à faire sur ce terrain de l'équité financière entre territoires, a reconnu la ministre à travers l'évocation de plusieurs cas concrets. Elle estime entre autres qu'il faudrait trouver un mécanisme de solidarité meilleur que l'actuel Fpic. Et met l'accent sur la future réforme de la DGF, invitant les élus à s'intéresser de près aux travaux du CFL et de Christine Pires-Beaune.
Enfin, en matière d'aide aux communes, Marylise Lebranchu a évoqué le besoin d'ingénierie et, face à ce besoin, le dispositif expérimental baptisé "Aider" (pour "accompagnement interministériel au développement et à l'expertise en espace rural"), testé en Ariège, dans la Nièvre et en Lozère : "Des petits groupes sont mis à disposition, gratuitement, par exemple pour aider une commune à aller chercher une aide spécifique, à répondre à un appel à projets…" Elle a aussi reconnu qu'il n'était juridiquement pas toujours évident de mieux prendre en compte le territoire, notamment les espaces agricoles et les espaces naturels, dans les critères présidant les politiques publiques. Elle a, enfin, encouragé les maires ruraux à s'engager dans les nouveaux dispositifs tels que les "contrats de réciprocité ville-campagne".
Les propos de la ministre n'ont évidemment pas conduit les élus à renoncer à leur manifestation de l'après-midi. Cette manifestation a d'ailleurs provoqué quelques bousculades entre les forces de l'ordre et les maires massés place du Président-Edouard-Herriot avec le soutien de plusieurs députés et sénateurs. Sur les pancartes, des slogans tels que "Je suis mort avec la loi NOTRe", ou "Maire, je suis disponible 24 h/24".