Projet de loi Énergie-Climat : plus de 130 amendements adoptés par les députés en commission
La commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, saisie au fond sur le texte, a achevé ce 20 juin l'examen du projet de loi Énergie-Climat dont l'examen en séance va débuter ce 25 juin. Plus de 130 amendements ont été adoptés en commission sur ce texte qui vise notamment à modifier plusieurs objectifs de la loi de transition énergétique de 2015 et à traduire les engagements gouvernementaux en la matière. Les députés ont introduit à ce stade la notion d'urgence écologique et climatique dans le projet de loi et défini la neutralité carbone. Ils ont aussi précisé le contenu du rapport du Haut Conseil pour le climat. D'autres amendement ont porté sur la rénovation énergétique des bâtiments, la simplification des mesures pour l'implantation de panneaux photovoltaïques en toiture et sur les parkings ou encore le renforcement du contrôle pour lutter contre la fraude aux certificats d'économies d'énergie (CEE).
Les députés de la commission des affaires économiques ont achevé ce 20 juin à la mi-journée l'examen sur le fond en première lecture du projet de loi énergie-climat qui avait été présenté en conseil des ministres le 30 avril dernier (lire notre article). La discussion en séance publique débutera le 25 juin pour se terminer le 28.
Au total, 136 amendements ont été adoptés lors de l'examen en commission des affaires économiques, qui avait commencé le 18 juin.
Objectifs de la politique énergétique et climatique
Les députés ont d'abord adopté une série d'amendements portés par des élus de divers bords, dont des élus LREM pour inscrire "l'urgence écologique et climatique" à l'article 1er du projet de loi. C'est "un appel à l'accélération" a observé l'ex-"marcheur" Matthieu Orphelin, qui portait notamment la mesure au nom du Collectif de députés transpartisan pour le climat "Accélérons". "Plus qu'un symbole, c'est un appel à renforcer très fortement les actions et à adopter une nouvelle grille de lecture de nos politiques publiques", a-t-il tweeté. Dominique Potier (PS) y a aussi vu un "gouvernail" pour les actions à venir, tandis que Célia de Lavergne (LREM) a vanté un geste "à la fois symbolique et à la fois fort".
Le ministre de la Transition écologique François de Rugy a donné un avis "favorable" aux amendements. "C'est une déclaration, mais c'est une déclaration politique de considérer qu'on se situe dans une situation d'urgence", a-t-il affirmé, rappelant que le Premier ministre Edouard Philippe l'avait affirmé dans sa déclaration de politique générale le 12 juin dernier. "J'imagine que cela signifie qu'au-delà de la déclaration (...) cela vaut également mobilisation notamment de la part des députés de l'opposition sur les mesures lorsqu'elles sont prises", a-t-il ajouté, observant que "dès qu'on met en place la moindre solution, c'est la polémique politique qui reprend le dessus". Plaidant pour "que ce soit l'urgence et la cohérence", François de Rugy a notamment dit s'être senti "un peu seul" pour défendre une fiscalité écologique plus forte "en dehors des députés de la majorité".
Tout en soutenant les amendements, l'ex-ministre de l'Ecologie Delphine Batho a observé que la disposition législative n'avait "aucune portée autre que symbolique" et que "depuis des années dans le domaine de l'écologie, les mots sont repris mais pas les actes". "Ce sont des mots et ce qui importe ce sont des actes", a aussi affirmé François Ruffin (LFI). "Le pape et le secrétaire général de l'ONU ont tous deux déclaré que nous étions confrontés à une urgence climatique, il est donc bon de voir que le nouveau projet de loi français sur l'énergie et le climat reflète ce nouveau sentiment d'urgence", s'est félicitée dans un communiqué Laurence Tubiana, ex-négociatrice pour la France lors de la COP21.
Un amendement du rapporteur, Anthony Cellier (LREM), définit en outre la neutralité carbone, sujet qui avait fait polémique au moment de la présentation du projet de loi. Selon les propos de François de Rugy lors de la discussion générale, cela correspond à "une division par six des émissions de gaz à effet de serre du pays d'ici 2050 par rapport à 1990". L'amendement reprend, lui, la définition inscrite à l'article 4 de l'accord de Paris sur le climat : elle doit ainsi s'entendre "comme un équilibre entre les émissions anthropiques et les absorptions anthropiques de gaz à effet de serre sur le territoire national". Le périmètre des émissions et absorptions comptabilisées correspond à celui des inventaires nationaux de gaz à effet de serre, l'amendement précisant que cette neutralité s'entend "sans utilisation de crédits internationaux de compensation carbone".
Toujours à l'article premier, un amendement porté par plusieurs députés LREM inscrit dans les objectifs de la politique énergétique, plus particulièrement pour les énergies renouvelables, l’objectif "d’encourager et d’augmenter la production d’énergie hydroélectrique sur tout le territoire". Selon la PPE, "le potentiel de production des moulins et barrages abandonnés se situe aux alentours de 800 MW, soit l’équivalent d’un réacteur de centrale nucléaire, le tout en étant beaucoup plus réactif dans l’ajustement de la production électrique entre l’offre et la demande", relèvent-ils dans l'exposé des motifs. Dès lors, estiment-ils, "le développement de l’énergie hydroélectrique permettrait d’en faire l’énergie principale d’ajustement entre l’offre et la demande, en lieu et place des centrales thermiques". Un amendement de Nathalie Sarles, rapporteure LREM de la commission du développement durable qui était saisie pour avis sur le texte, prévoit en outre qu'à partir de 2022, une "feuille de route de la rénovation énergétique des bâtiments" déclinant l'objectif de réduction de la consommation énergétique du bâtiment soit publiée en annexe à chaque programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE).
Plusieurs amendements ont aussi été adoptés après l'article 1er. L'un, porté par Bruno Duvergé (Modem) rapporteur de la mission d’information sur les freins à la transition énergétique, prévoit que la PPE fasse l’objet d’une "synthèse pédagogique accessible au public". Un autre amendement Modem demande que la PPE contienne un volet relatif à "la quantification des gisements d’énergies renouvelables disponibles dans une perspective de neutralité carbone". "Ce volet identifie la capacité de production par région et élabore des schémas régionaux en termes d’utilisation et de production de la biomasse", précise-t-il.
Sur le nucléaire, un amendement de Barbara Pompili, présidente LREM de la commission du développement durable, étend l’obligation des exploitants assurant plus du tiers de la production nationale (soit EDF) de fournir un plan stratégique sur les deux périodes de la PPE (et non plus seulement sur la première période). Ce plan devra également porter sur les enjeux de la fermeture des centrales à charbon, et plus seulement sur la fermeture des réacteurs nucléaires. En cas d’incompatibilité du plan avec la PPE, l’autorité administrative pourra mettre l’exploitant en demeure d’élaborer un nouveau plan stratégique dans un délai de trois mois, sous peine de sanction.
Un amendement du rapporteur Anthony Cellier prévoit aussi que la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale soit associée à la présentation du plan stratégique d’EDF (en plus des commissions du développement durable, des finances et des affaires économiques). EDF devra rendre compte "des dispositifs d’accompagnement mis en place pour les salariés des installations de production d’électricité, en particulièrement nucléaire, dont l’emploi serait supprimé du fait de la fermeture de ces installations".
De nombreux amendements ont été rejetés sur le volet nucléaire. L'un, visant à abaisser le plafond de la production nucléaire de 63,2 GW aujourd'hui à 52 GW en 2035, proposé par le député Matthieu Orphelin doit toutefois faire l’objet d’un "travail collectif" du groupe LREM en vue d’un nouvel examen en séance publique.
Un amendement du rapporteur inscrit par ailleurs parmi les missions de l'Ademe "la lutte contre le réchauffement climatique". Anthony Cellier a aussi obtenu que la prochaine stratégie nationale bas carbone, à partir de 2022, comporte non seulement un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre produites sur le territoire, mais aussi un objectif de réduction de l’empreinte carbone, englobant ainsi les émissions des produits et services importés. Un amendement LREM prévoit, lui, qu’à compter du 31 décembre 2022, "les constructeurs qui commercialisent sur le territoire français des véhicules et engins roulants à motorisation hybride essence proposent au moins un modèle de motorisation hybride à carburant modulable fonctionnant au Superéthanol-E85".
Un autre amendement du groupe LREM vise à instaurer en droit français une démarche de budget vert, conformément aux annonces consécutives à la réunion du premier Conseil de défense écologique en mai. Le gouvernement doit ainsi soumettre au Parlement un rapport, au plus tard le 1er octobre de chaque année, sur la compatibilité du projet de loi de finances avec l’objectif international de limitation du réchauffement climatique. Le rapport identifie et quantifie les ressources et les charges budgétaires concourant à impacter positivement ou négativement ces objectifs sur la base d’indicateurs. Pour la première édition, le rapport se concentrera sur les impacts climatiques. Le Haut Conseil pour le climat doit rendre un avis sur ce rapport. Un amendement connexe du rapporteur reporte de 2019 à 2020 la première publication de ce rapport et renforce l’articulation de cet exercice avec celui du rapport "financement de la transition écologique" déjà prévu par l’article 206 de la loi de finances pour 2019.
Haut Conseil pour le climat
A l'article 2, qui porte création du Haut Conseil pour le climat (HCC), plusieurs amendements de Nathalie Sarles ont été adoptés. L'un prévoit que le futur candidat à la présidence de cette nouvelle instance, soit auditionné par les commissions permanentes chargées de l’environnement de l’Assemblée nationale et du Sénat avant sa nomination.
Il inscrit aussi dans la loi, et non plus au niveau du décret, les garanties tenant à l’expertise et à l’indépendance des membres du Haut Conseil.
Un autre amendement définit au niveau législatif le rapport annuel du HCC ainsi que les modalités de réponse à ses recommandations. La mention de la stratégie nationale bas carbone est précisée. Il est ainsi prévu que le président du Haut Conseil soit auditionné par les commissions permanentes chargées de l’environnement et de l’énergie de l’Assemblée nationale et du Sénat à l’occasion de la remise du rapport annuel et il est proposé que le gouvernement réponde aux recommandations et propositions du rapport.
Un autre amendement de la rapporteure inscrit dans la loi le fait que le HCC puisse être saisi par le gouvernement, le président de l’Assemblée nationale ou le président du Sénat ou se saisir de sa propre initiative pour rendre un rapport sur un projet ou une proposition de loi ou des questions sectorielles, en particulier relatifs au financement des mesures de mise en œuvre de la stratégie bas carbone ou à la mise en œuvre territoriale des politiques climatiques.
Un amendement LREM inscrit en outre dans le code général des collectivités territoriales le fait que la définition des objectifs énergétiques et environnementaux prenne en compte les avis du HCC. Les régions en charge de l’élaboration des schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires (Sraddet) devront ainsi prendre en compte les avis du HCC sur la politique climatique et environnementale.
Fermeture des centrales à charbon
L’article 3 du projet de loi, qui a pour but de sécuriser sur le plan juridique la décision du gouvernement de fermer les centrales à charbon en 2022, vient fixer un plafond d’émissions applicable, à compter du 1er janvier 2022, aux installations de production d’électricité à partir de combustibles fossiles situées en métropole continentale et émettant plus de 0,550 tonne d’équivalents dioxyde de carbone par mégawattheure. Il prévoit des dispositions particulières pour les installations de cogénération. Pour les modalités de calcul des émissions, un amendement du rapporteur prévoit notamment de tenir compte d’installations spécifiques, comme celles valorisant les gaz de récupération de l’industrie, par exemple les gaz de hauts fourneaux ou de cokerie.
Un amendement LR et un autre LREM similaire suppriment la notion "d’affectation" des salariés dans le code de l’énergie afin de proposer une homogénéisation de l’accompagnement entre les exploitants et les sous-traitants. "Cela permettra que l’accompagnement concerne autant les salariés qui sont rattachés à l’installation que ceux qui ne sont pas directement rattachés, mais qui ont un emploi qui sera supprimé du fait de la fermeture de ces installations", expliquent les auteurs dans l’exposé des motifs. Un amendement du rapporteur étend par ailleurs l’accompagnement des salariés à "l’ensemble de la chaîne de sous-traitance" des entreprises concernées par la fermeture et non plus seulement aux sous-traitants de rang 1. Un amendement LREM prévoit que le reclassement des salariés se fasse "en priorité dans le bassin d’emploi concerné".
Un autre amendement du rapporteur prévoit que "dispositifs de formation adéquats facilitant la mise en œuvre des projets professionnels de ces salariés" fassent partie des mesures d’accompagnement proposées. Il est complété par un amendement LREM inscrivant "les modalités de financement des dispositifs d’accompagnement dans les ordonnances" que le gouvernement peut prendre dans les six mois suivant cette loi, pour prendre des mesures d’accompagnement spécifique.
Le Parlement est associé au suivi de l’ordonnance via une présentation par le gouvernement de la mise en œuvre de l’ordonnance un an après sa publication, selon un autre amendement du rapporteur.
Rénovation énergétique des bâtiments
Après l'article 3, les députés ont voté plusieurs amendements portant sur la rénovation énergétique des bâtiments. La rapporteure pour avis de la commission développement durable Nathalie Sarles et d’autres députés ont obtenu l’intégration d’un "seuil maximum de consommation d’énergie primaire par mètre carré et par an" dans les critères de définition d’un logement décent. Il s’agit selon la députée LREM de "mieux protéger les locataires" qui pourront "saisir un juge", "revendiquer un loyer amoindri" voire "des dommages et intérêts". La disposition a toutefois été fait l'objet d'un sous-amendement de la part du gouvernement pour raisonner non en énergie primaire mais en énergie finale.
Le gouvernement soutient le principe d’intégrer un critère chiffré de performance énergétique dans les critères de définition d’un logement décent, a expliqué Emmanuelle Wargon, secrétaire d'État auprès du ministre de la Transition écologique. Elle a néanmoins précisé que toutes les passoires thermiques (classes F et G du DPE) ne seraient pas reconnues comme indécentes "eu égard aux conséquences fortes qu’entraîne cette qualification", mais seulement les logements consommant "au-dessus de 600 à 700 kWh d’énergie finale par mètre carré et par an". "Ces niveaux correspondent à des factures énergétiques qui représentent 1,8, parfois deux fois la facture énergétique moyenne des ménages" et la mesure "toucherait de l’ordre de 200.000 à 400.000 logements selon la base Phébus". La secrétaire d'Etat a justifié le sous-amendement par le fait que l’énergie finale est celle "qui importe le plus aux locataires". Elle a précisé que le gouvernement envisageait une entrée en vigueur au 1er janvier 2022 "pour laisser un délai raisonnable aux propriétaires" de s’adapter et de mener des travaux de rénovation et que le seuil pourrait "diminuer au cours du temps".
Cette proposition a été adoptée mais elle a rencontré l’opposition de plusieurs députés. Marjolaine Meynier-Millefert (LREM) a évoqué un "problème de lisibilité" en passant en énergie finale alors que les diagnostics de performance énergétique sont en énergie primaire et s'est dit inquiète du niveau de 600 à 700 kWh qui va "au-delà de l’étiquette G" et qui lui apparaît "trop faible vis-à-vis des attentes de nos concitoyens". "Avec ces chiffres, vous avez un logement sans porte ni fenêtres ! Ce sont des chiffres catastrophiques. Déjà sur une base de 300-400 kWh, on est sur des factures énormes !", s'est emporté le Modem Nicolas Turquois. "On considérera comme décents des logements équipés de grille-pain", a pointé pour sa part l'ancienne ministre de l'Ecologie Delphine Batho. Bertrand Pancher (Liberté et Territoires) a souligné également qu’avec ce sous-amendement, "on va accélérer l’équipement du chauffage électrique dans les logements". "J’entends la discussion. L’idée c’est de partir des situations les plus scandaleuses, à ces niveaux-là, on a quand même entre 200.000 et 400.000 logements concernés", a répondu Emmanuelle Wargon, en rappelant que le niveau sera décidé par la réglementation et en précisant que la mesure sera applicable aux logements sociaux même si "probablement assez peu" d'entre eux seront concernés.
Le gouvernement a aussi fait adopter un amendement qui conditionne à compter du 1er janvier 2021 la révision des loyers, en cas de travaux, à l’atteinte d’au moins la classe E en termes de performance énergétique (consommation énergétique primaire supérieure à 331 kWh par m² par an). L’objectif est que les locataires de logements énergivores "ne subissent pas à la fois des dépenses énergétiques qui restent très élevées et une révision significative de leur loyer", a défendu Emmanuelle Wargon. "C’est une incitation très forte aux propriétaires lorsqu’ils ont des travaux de faire des travaux de rénovation énergétique." La mesure concerne tous les logements mis en location, à l’exception des logements sociaux.
Le rapporteur Anthony Cellier a fait adopter pour sa part un amendement (également déposé par le groupe LREM et la commission développement durable) qui prévoit, lors de la vente d’une passoire thermique (consommation supérieure à 330 kWh/m2/an, soit les étiquettes F et G), qu’une part du produit de cette vente (5% maximum) soit mise sous séquestre pour financer des travaux de rénovation énergétique. Pour Anthony Cellier, il s'agit ainsi d'inciter fortement l’acquéreur à réaliser des travaux de rénovation énergétique. Deux sous-amendements de Guillaume Kasbarian (LREM) transforment néanmoins le dispositif en une expérimentation d’une durée de deux ans dans les zones tendues, avec une entrée en vigueur au 1er janvier 2021, date à laquelle le diagnostic de performance énergétique (DPE) deviendra opposable.
Certains élus ont exprimé des doutes sur la faisabilité de cette mesure. La Fnaim, première organisation d'agents immobiliers en France, a fait savoir sur Twitter qu'elle "s'opposera fermement à toute confiscation d'une partie du prix de vente d'un bien #immobilier sous prétexte de son mauvais classement énergétique".
Des amendements portés par des élus de divers bords pour interdire la location des "passoires thermiques" ont en outre été rejetés. Matthieu Orphelin, qui portait un tel amendement a rappelé dans un communiqué que l'interdiction était "un engagement porté par Emmanuel Macron dans la campagne présidentielle". Sur ce sujet "principal" de la rénovation énergétique, "les principales avancées ont malheureusement été repoussées", a-t-il déploré. Emmanuelle Wargon a rappelé les mesures déjà prises ou arbitrées par le gouvernement pour lutter contre la précarité énergétique, dont le renforcement des moyens de l’Anah et l’utilisation des certificats d'économies d'énergie (CEE) ou encore un travail sur les copropriétés. "Cette interdiction est tentante, mais il faut faire les choses dans l’ordre. Elle ne pourra être effective que lorsque [les aides] auront été pleinement mises en œuvre et auront produit leurs effets." La secrétaire d'État a reconnu que la France n’arriverait pas au rythme nécessaire pour venir à bout des passoires thermiques d’ici à 2025, qui signifierait la rénovation d’1,5 million de logements par an. "Nous ne souhaitons pas non plus mettre en place un mécanisme qui deviendrait trop anxiogène pour les propriétaires, particulièrement les plus modestes." Le gouvernement préfère des "mesures concrètes, rapides" qui produiront leurs effets lors de ce quinquennat.
D'autres amendements ont toutefois été adoptés sur le volet énergétique dans le bâtiment. L'un, porté par des députés Modem, prévoit que le DPE sera désormais exprimé à la fois en énergie primaire et en énergie finale. De son côté, le gouvernement a souhaité qu’à compter du 1er janvier 2021, le montant des dépenses théoriques pour le chauffage, le froid et l’eau chaude sanitaire soit mentionné "à seul titre d’information" dans les annonces relatives à la vente ou la location, en complément du DPE. Un autre amendement du gouvernement adopté par la commission prévoit l’obligation d’effectuer un audit énergétique pour les logements avec une consommation énergétique primaire supérieure ou égale à 331 kWh. L’audit énergétique, dont le contenu sera défini par arrêté, présentera "notamment des propositions de travaux dont l’une au moins permet d’atteindre un très haut niveau de performance énergétique du bâtiment, en s’appuyant sur les simulations réalisées pour les logements en copropriété ou pour les maisons individuelles". Un amendement du groupe LREM propose par ailleurs de permettre à l’Anah d’avoir accès aux DPE et aux informations dont dispose la CAF. Anthony Cellier a également obtenu un rapport annuel du gouvernement sur l’atteinte des objectifs de rénovation. "Ce rapport précise notamment le nombre de logements, dont la consommation est supérieure à 330 kWh/m2/an, qui ont fait l’objet d’une rénovation lors de l’année précédente et le nombre de ceux devant encore être rénovés", précise l'amendement.
PPRT et éolien en mer
Après l'article 4, un amendement du député LREM, Yves Blein, qui préside l'Association nationale des collectivités pour la maîtrise des risques technologiques majeurs (Amaris) vient inscrire dans le code de l’environnement le fait que le préfet peut accorder des dérogations aux interdictions et prescriptions fixées par les plans de prévention des risques technologiques (PPRT) pour permettre la réalisation d’un projet d’implantation d’installations produisant de l’énergie renouvelable. La mesure vise essentiellement l’énergie photovoltaïque. Un amendement du rapporteur Anthony Cellier vient en outre simplifier la gestion des litiges concernant l’éolien en mer en confiant la compétence en premier et dernier ressort au Conseil d’État.
Certificats d'économie d'énergie
L’article 5 met en place de nouveaux outils pour lutter contre la fraude aux certificats d’économie d’énergie (CEE). Un amendement du rapporteur insère un nouvel article dans le code de l’énergie, qui prévoit un contrôle des opérations, aux frais des acteurs obligés, éligibles et délégataires, réalisé par eux-mêmes ou par un organisme accrédité.
Un autre amendement va plus loin en inscrivant le fait que lorsque le contrôle à l’origine d’une sanction met en évidence un taux de manquement supérieur à 10% pour le volume de CEE contrôlé, le ministre chargé de l’énergie peut obliger l’intéressé sanctionné à procéder à des vérifications supplémentaires. "Ces vérifications sont réalisées aux frais de l’intéressé et par un organisme d’inspection accrédité qu’il choisit. Elles portent sur des opérations d’économie d’énergie susceptibles d’être concernées par des manquements de même nature que ceux ayant conduit à la sanction prononcée", selon l'exposé des motifs. Un amendement Modem étend de trois à six ans le délai de saisine du ministre à des fins de sanctions aux manquements aux dispositifs des CEE. Un amendement du rapporteur prévoit une obligation pour les obligés, acteurs éligibles ou délégataires de CEE de signaler aux organismes de qualification délivrant la qualification RGE (reconnu garant de l'environnement, ndlr) tout manquement constaté aux règles de qualification. Un autre amendement du rapporteur étend cette possibilité à l’administration.
Après l’article 5, un autre amendement du rapporteur inscrit à l’article L. 221-7-1 du code de l’énergie le fait que "les opérations d’économie d’énergie qui conduisent à une hausse des émissions de gaz à effet de serre ne donnent pas lieu à la délivrance de certificats d’économie d’énergie".
Anthony Cellier a aussi obtenu que soit inscrite de manière explicite la possibilité de bonifier les CEE en fonction des réductions d’émissions de gaz à effet de serre. Un amendement du rapporteur a aussi précisé que le prix des transactions des CEE est rendu public chaque mois et un autre plafonne la durée de vie des CEE à six ans (contre cinq à dix ans jusque-là), afin de lutter contre de "possibles phénomènes de thésaurisation et de spéculation".
Projets photovoltaïques
Après l’article 6, un amendement LREM inscrit la possibilité, à l’article L. 111-7 du code de l’urbanisme, pour les projets de production d’énergie solaire, de déroger aux interdictions de construction le long des routes et autoroutes. "Cette mesure pourrait ainsi favoriser l’atteinte des objectifs en termes de mix énergétique, en optimisant l’utilisation des terrains aujourd’hui libres et ne faisant pas l’objet de conflit d’usages", souligne l'exposé des motifs.
Un amendement transpartisan complète l’article L. 111-16 du code de l’urbanisme en prévoyant que le permis de construire ne peut s’opposer à des projets photovoltaïques sur ombrières situées sur des aires de stationnement. Il s’agit de répondre au plan "Place au Soleil" lancé par le ministère de la Transition écologique en juin 2018.
Un amendement déposé par plusieurs groupes ajoute un article L. 111-18-1 au code de l’urbanisme en imposant à toute construction nouvelle dans le but d’une exploitation commerciale un seuil minimal, étendu à 30% de la surface totale de l’emprise au sol, pour la présence en toiture d’un "procédé de production d’énergies renouvelables, d’un système de végétalisation basé sur un mode cultural garantissant un haut degré d’efficacité thermique et d’isolation et favorisant la préservation et la reconquête de la biodiversité, ou de tout autre dispositif aboutissant au même résultat", ainsi qu’un dispositif équivalent sur les aires de stationnement. Il étend aussi cette obligation aux bâtiments industriels, aux entrepôts et aux parking couverts. Le ministre peut par arrêté écarter tout ou partie de l’obligation pour les installations soumises à ICPE. Un sous-amendement du gouvernement le complète en précisant les conditions dans lesquelles l’objectif ne peut être atteint, en fonction de conditions économiques ou de situation dans des espaces patrimoniaux.
Un dernier amendement étend la possibilité offerte par l’article L152-5 du code de l’urbanisme de déroger à certaines règles d’urbanisme (emprise au sol, hauteur, aspect extérieur) pour les énergies renouvelables, à des ombrières couvrant des sites déjà artificialisés.
Pour favoriser les producteurs d' hydrogène renouvelable, un amendement LREM étend le droit d’accès aux réseaux de gaz naturel aux producteurs de "tout type de gaz bas carbone, renouvelables ou issus d’énergie de récupération ou de déchets".
Après l’article 7, un amendement gouvernemental ouvre la possibilité aux collectivités et aux opérateurs publics dans les zones non interconnectées (ZNI) de contractualiser directement avec les acteurs de la maîtrise de la demande (sans passer par EDF), sous réserve d’une définition des règles dans les PPE.
Le gouvernement a en outre relevé le niveau de l'électricité nucléaire qu'EDF peut livrer à un coût réglementé aux autres fournisseurs. Il passera de 100 à 150 térawatts-heure (TWh) par an à compter de 2020. L'amendement adopté prévoit également une modification du prix du dispositif d'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (ARENH) par arrêté, pour prendre en compte cette évolution du plafond au regard de l'impact financier sur EDF. Le gouvernement compte par ce biais peser sur les tarifs réglementés de l'électricité, en augmentant la part de térawatts-heure à prix fixe, ce qui réduira le recours au marché européen plus "volatil", a expliqué en commission le ministre François de Rugy. Les députés ont enfin réintroduit des dispositions qui avaient été censurées du projet de loi Pacte sur la fin des tarifs régulés du gaz.