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Programmes Leader : du mieux, mais les inquiétudes ne sont pas totalement levées

L'assemblée générale de Leader France a permis de mettre en exergue une légère embellie sur le front de ces programmes, qui vont notamment pouvoir bénéficier d'une période transitoire, éloignant – un peu – le spectre du dégagement d'office. Les plaies d'un début de programmation "catastrophique" ne sont néanmoins pas encore refermées, et les menaces restent nombreuses.

"La situation s'améliore. Les engagements ont doublé et les paiements ont triplé en un an." En écoutant Hanane Allali-Puz, chargée de mission Leader au ministère de l'Agriculture, en ouverture de l'assemblée générale de Leader France ce 17 novembre, on s'est pris un temps à espérer que la crise que traverse ce programme depuis le début de la programmation 2014-2020 serait désormais conjuguée au passé. Las, l'embellie a été de courte durée. La progression affichée dissimule en effet des taux encore bas. En septembre 2019, 43% des fonds seulement étaient engagés et 20,5% payés. Mais aussi de fortes disparités d'une région à l'autre : "Une dizaine de programmes de développement rural (PDR) dépassent les 20% de paiements, 5 restent en dessous des 10%", précise la fonctionnaire, qui relève en outre que "sur 339 groupes d'action locale (GAL), 11 n'ont pas un seul dossier d'engagé et 5 en ont un seul". Bref, "il existe encore des centaines de millions d'euros à consommer. Heureusement qu'on a eu cette période de transition de deux ans", a-t-elle soufflé.

Une véritable aubaine, en effet, qui permettra de repousser un peu le spectre de la perte de crédits évoquée l'an passé par le ministre de l'Agriculture. Grâce au règlement transitoire en cours de finalisation (et au Covid !), "les crédits pourront être engagés jusqu'à fin 2022 et les paiements jusqu’à fin 2025. De même, la remise des rapports d'évaluation est repoussée à fin 2025", a ainsi rassuré Alain Dumort, chef de la représentation régionale de la Commission européenne à Marseille.

"On n'est pas encore sorti de l'ornière", tempère toutefois Thibaut Guignard, président de Leader France, qui, interrogé par Localtis, souligne "qu'avoir plus de temps pour consommer les fonds, et atténuer ainsi les conséquences d'une programmation désastreuse, c'est évidemment une excellente chose. Mais il ne faut pas perdre de vue la nécessité de payer le plus rapidement possible, sans attendre évidemment 2025. Beaucoup de porteurs de projets rencontrent aujourd'hui d'importantes difficultés de trésorerie, qui les conduisent parfois à renoncer à d'autres projets. Il y a urgence !"

De même craint-il que "si on n'a pas de visibilité rapidement sur le financement de l'ingénierie pendant la période transitoire, le risque est grand d'avoir des départs dans les GAL et de perdre l'expertise technique acquise entre 2014 et 2020. Or la difficulté de ce programme, c'est qu'on n'arrive pas depuis des années à capitaliser les expériences. À chaque fois, on repart de zéro". Une raison pour laquelle le président de Leader France "se réjouit du maintien de la régionalisation" pour la gestion de ces programmes : "C'est la première fois depuis très longtemps que les acteurs de la chaîne d'instruction – GAL, régions, agence de services de paiements (ASP) – ne changent pas. Profitons de cette stabilité pour dresser un diagnostic partagé, tirer des leçons des échecs passés, et nous nourrir de cette expérience pour préparer la prochaine programmation, et éviter que la chaîne soit aussi embolisée qu'au début de la programmation."

Le rapport de la mission d'audit commandée par Amélie de Montchalin, alors secrétaire d'État aux Affaires européennes, et qui doit être transmis à son successeur, Clément Beaune, "ces prochains jours, ou du moins avant la fin du mois", selon un Joël Giraud impatient d'en prendre connaissance, y aidera peut-être.

Sans écarter le risque qu'il ravive des plaies qui ont toujours du mal à se refermer. Tout au long de la journée, chacun y est allé de sa critique. Le secrétaire d'État chargé de la ruralité en tête, dénonçant pêle-mêle des "jugements d'opportunité sur le contenu des projets", des "exigences surréalistes, qui n'existent pas chez d'autres États membres", "une machine administrative complètement folle" ou encore un "programme Ubu roi national", et déplorant in fine des retards de paiement d'autant plus "dramatiques […] que c'est nous qui avons porté le programme Leader sur le plan européen".

"J'ai le sentiment d'une volonté politique partagée par l'État et les régions", se fait, optimiste, le "pacificateur" (son surnom chez certains membres du cabinet de Joël Giraud) Thibaut Guignard. Ainsi, si Isabelle Boudineau, vice-présidente du conseil régional de Nouvelle-Aquitaine (et présidente de la commission de la cohésion territoriale et du budget au Comité européen des régions), n'a pas manqué d'imputer les "grosses difficultés en début de programmation à la démission totale des directions départementale des territoires" et au logiciel Osiris (les différences d'arrondis avec Excel ont une nouvelle fois connu leur heure de gloire), elle a aussi concédé que "les régions ont sans doute leur part dans les demandes" tatillonnes faites aux porteurs de projet et indiqué que "les relations avec l'ASP s'étaient beaucoup améliorées". Ce qui ne l'a pas empêché de déplorer "la renationalisation du surfacique", qui "va introduire des lourdeurs et ne donne pas un bon signal". "Pourquoi donner le signal que l'État fera mieux que les régions ?", interroge-t-elle ainsi.

Des connaisseurs du dossier se font plus pessimistes, considérant que la complexité de gestion administrative de Leader demeurera, compte tenu des exigences de la Commission d'une part, et d'une tendance à la "surtransposition" d'autre part, par ailleurs dénoncée par la députée européenne Irène Tolleret. Et d'aucuns de plaider ainsi pour l'introduction d'un seuil minimal d'éligibilité des dossiers afin d'éviter de mobiliser des ressources trop rares pour des projets de faible envergure, qui pourraient être financés par les régions en fonds propres, hors Feader.

Des "volontaires territoriaux en administration" qui ne font pas l'unanimité

Pour sortir de l'ornière, Joël Giraud compte lui mettre en place un "État aidant et pas bloquant". Il entend "travailler sur le faible intérêt de beaucoup d'équipes d'instruction pour ce fonds" et compte sur les 800 volontaires territoriaux en administration (VTA) – annoncés par le Premier ministre lors du comité interministériel aux ruralités qui s'est tenu ce 14 novembre – pour apporter aux collectivités l'ingénierie qui leur fait défaut.

Pour l'heure, les contours du dispositif restent flous, y compris chez ses promoteurs. Tout juste sait-on, de source bien informée, que ces 800 VTA ne devraient constituer qu'une première étape, Joël Giraud, à qui ce projet tient très à cœur, souhaitant aller plus loin. De même, contrairement aux volontaires internationaux en entreprise (qui ont inspiré le dispositif), leur indemnité devrait selon nos informations être prise en charge par l'État, et non par l'organisme d'accueil, sans que l'on sache encore précisément quelle enveloppe sera ponctionnée. L'hypothèse que ces VTA puissent intégrer des GAL serait également à l'étude, comme l'est également l'articulation du dispositif avec la jeune Agence nationale de cohésion des territoires. "C'est évidemment un enjeu primordial", souligne-t-on au cabinet du secrétaire d'État.

"C'est qui, ces VTA ?", a de son côté lancé Isabelle Boudineau, dénonçant d'emblée "des doublons qui ne servent à rien". Si Thibaut Guignard a pu laisser croire lors de l'assemblée générale qu'il partageait l'analyse – dans des termes plus conventionnels mais tout aussi assassins, en dénonçant la "croyance de l'État qu'un peu de déconcentration et quelques visites de terrains" peuvent faire office de décentralisation –, son avis se fait moins tranché. "Tout dépend de leur affectation. Le problème n'est pas dans les GAL. Ils pourraient en revanche être utiles dans les pôles d'équilibre territoriaux et ruraux (PETR), les communautés de communes rurales, les parcs régionaux… où l'on manque d'ingénierie ensemblière. La difficulté n'est pas de trouver de l'ingénierie spécialisée, technique, financière, mais des personnes capables de monter les projets. Je n'imagine d'ailleurs pas que ces VTA ne soient pas rattachés, d'une manière ou d'une autre, à l'Agence nationale de cohésion des territoires, qui dispose de la culture idoine et dont c'est précisément la mission", précise-t-il à Localtis. Il souligne également l'enjeu de leur formation. "Les processus, et le logiciel Osiris, sont complexes. Il leur faudra du temps pour se former", ajoute-t-il, alertant sur le fait qu'il "semble déjà difficile de fidéliser les instructeurs".

 

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