Programme Leader : "La France va perdre plusieurs centaines de millions d’euros", selon Didier Guillaume
La situation du programme européen de développement des territoires ruraux Leader "n'est pas rassurante", a reconnu le ministre de l'Agriculture, Didier Guillaume, jeudi, estimant que la France allait "perdre plusieurs millions, voire plusieurs centaines de millions liés à l'Europe". À peine 4% des 700 millions d'euros de l’enveloppe du programme pour la période 2014-2020 ont été versés à ce jour. Or les crédits non consommés dans les temps risquent de devoir être renvoyés à Bruxelles.
Le programme Leader se dirige-t-il vers un "crash généralisé" comme l’avait pressenti le président de Leader France Thibault Guignard il y a quelques semaines ? En tout cas, les propos tenus par le ministre de l’Agriculture, Didier Guillaume, le 7 mars au Sénat n’ont rien de rassurant pour les porteurs de projets de ce programme de développement rural européen. "Je ne vais absolument pas vous rassurer parce que la situation n'est pas rassurante", a-t-il déclaré en réponse aux inquiétudes de la sénatrice des Hautes-Pyrénées Maryse Carrère (PRG). "Effectivement, la France, c'est absolument un drame, va perdre plusieurs millions, voire plusieurs centaines de millions liés à l'Europe, ce n'est pas acceptable", a-t-il ajouté. Selon la sénatrice, seulement 4% des 700 millions d'euros de l’enveloppe du programme pour la période 2014-2020 ont été versés à ce jour, soit moins de 28 millions d’euros. Cela fait des mois que le président de Leader France, qui fédère les 340 groupes d’action locale (GAL) - les territoires porteurs de projets -, alerte sur la situation et sur le risque de "dégagement d’office", c’est-à-dire le retour à Bruxelles des crédits non consommés dans les temps. "Comme depuis le début, malgré le fait que d'autres associations n'avaient jusque-là pas pris la mesure de la situation, nous restons avec nos partenaires plus que jamais mobilisés pour débloquer la situation", a réagi Leader France, sur les réseaux sociaux, lundi 11 mars, annonçant que ses responsables doivent rencontrer le ministre de l’Agriculture cette semaine "pour porter la voix des 340 territoires engagés dans la démarche". La rencontre ne figurait pas cependant dans l'agenda hebdomadaire du ministre ce lundi. En décembre, Leader France et d'autres associations (l'Unadel, l'AMRF...) avaient déjà réclamé un "plan de sauvegarde".
Travail engagé avec les régions et la Commission
Le ministre a rappelé que les crédits Leader doivent passer par les GAL "qui sont en relation avec les communes et les intercommunalités, elles-mêmes en lien avec les régions". "Aujourd'hui, comme c'était le cas déjà avant, tous les dossiers ont été présentés, mais très peu de dossiers sont apurés et donc ont pu être payés", a-t-il reconnu. Quelque 7.500 dossiers seraient en attente... "Depuis plusieurs années maintenant, ce sont les régions qui sont responsables de ces projets et - j'en ai parlé avec Hervé Morin, président de Régions de France - il faut absolument que, dans le cadre de la future politique agricole commune, nous avancions vers un décroisement total des aides, une simplification et une clarification."
Le ministre a aussi indiqué que la France intervenait auprès de l'Europe "pour que les choses puissent s'accélérer" et que le ministère travaillait avec Hervé Morin pour "voir comment nous pourrions régler le problème de façon plus rapide". La Commission européenne pourrait reculer d’un an la date butoir de versement des crédits afin de sauver le plus de projets possibles. Mais au regard des taux d’exécution des autres pays (bien meilleurs), la complexité bruxelloise n’est pour rien dans la situation française où se télescopent une passation mal préparée de la gestion du fonds Feader (dont le programme Leader représente à peu près 6% des crédits) aux régions et les défaillances du logiciel de gestion et de suivi des projets Osiris livré par l’Agence des services de paiement. Depuis plusieurs années, État et régions se renvoient la balle sur le sujet. Au moins Didier Guillaume n'est-il pas dans le déni de son prédécesseur Stéphane Travert qui, il y a tout juste un an, devant cette même assemblée, s'était félicité de "la capacité de l’État, des conseils régionaux et de l’ASP à se mobiliser collectivement", espérant "un rattrapage de l’exécution budgétaire dans les mois à venir, puisque les outils sont presque tous opérationnels et leurs services totalement mobilisés sur ce sujet".
Dans son intervention, Maryse Carrère a aussi demandé au ministre si "à l'heure de la négociation du cadre financier pluriannuel 2021-2027", il pouvait apporter des gages "sur le maintien de l'enveloppe actuellement octroyée dans le cadre du dispositif Leader". Question restée sans réponse.