Programme Leader : les porteurs de projets confrontés au mur du silence
Avec seulement 4,5% de demandes traitées et réglées, 13% des fonds engagés, et 5.000 dossiers en attente, le programme Leader est toujours à l'arrêt. Pour limiter le risque du dégagement d'office (le remboursement des fonds alloués par l'Europe), Leader France, la fédération des porteurs de projets, demande une coordination nationale de gestion et des moyens humains pour l'instruction des dossiers. Elle réclame aussi la création d'un groupe de prospective pour anticiper la mise en place du programme dans sa version post-2020.
Les difficultés concernant le programme Leader (Liaisons entre actions de développement de l'économie rurale) se poursuivent. "A l'heure actuelle, 5.000 dossiers attendent d'être instruits, 4,5% ont été payés et 13% des fonds sont engagés, c'est une situation catastrophique." Le président de la fédération Leader France, Thibaut Guignard, également président du groupe d'action local (GAL) du Pays de Saint-Brieuc (Bretagne), est particulièrement inquiet de l'évolution du programme européen de développement rural. Ce programme est un des axes du fonds européen agricole pour le développement rural (Feader). Il est mis en œuvre par des acteurs locaux regroupés dans un groupe d'action locale (GAL) et permet de cofinancer des projets publics ou privés d'investissement ou de fonctionnement pour favoriser le développement des zones rurales. 700 millions d'euros ont été alloués à la France entre 2014 et 2020.
Les acteurs concernés alertent depuis des mois sur les retards de paiement et les difficultés que traversent les porteurs de projets. À l'issue de l'audition du président de Leader France du 26 septembre 2018 par les membres du groupe d’étude Enjeux de la ruralité de l’Assemblée nationale, 183 députés ont adressé une lettre à Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires, pour soutenir la demande de "plan de sauvetage du programme" qui avait été faite en mars 2018 et réitérée dans une tribune publiée sur les réseaux sociaux le 10 décembre 2018. Mais peine perdue. Pour le moment, ni les régions, qui sont les autorités de gestion de ces fonds de 2014, ni l'Etat, n'ont réagi à la situation actuelle.
"Tous les pays européens, sauf la Slovénie, font mieux que nous !"
"Nous rencontrons les régions, l'association Régions de France, mais nous n'avons pas le sentiment qu'il y ait une véritable prise de conscience sur les risques et la situation des porteurs de projets, s'insurge ainsi Thibaut Guignard, pourtant certains d'entre eux ont déposé leur projet en 2015 et ne sont toujours pas payés". S'en suivent des abandons de projets, encore minoritaires pour le moment, des mises en attente de certains d'entre eux, mais aussi et surtout des difficultés financières pour les porteurs de projets qui ont souvent dû contracter des prêts et doivent payer les intérêts. "Personne ne se rend compte de la situation, car Leader ne représente que 5% du Feader, ce n'est pas la priorité des régions qui calculent le taux de consommation sur l'ensemble du Feader, soupire le président de Leader France, mais tous les pays européens, sauf la Slovénie, font mieux que nous en matière de consommation et de paiement des fonds de ce programme alors qu'on en est à l'initiative !" Et au bout du compte, le risque majeur réside dans le dégagement d'office, c'est-à-dire le remboursement de la part de la France des fonds qui n'auraient pas été consommés. Une hypothèse qui n'est pour le moment pas du tout à l'ordre du jour, d'après l'Association nationale des pôles d'équilibre territoriaux et ruraux et des pays (ANPP).
Un groupe de prospective et des moyens humains
Les conséquences sont aussi importantes dans le cadre de la négociation européenne actuelle en vue de la programmation post 2020. "La France a une voix affaiblie car elle n'arrive déjà pas à faire fonctionner ses programmes, assure Thibaut Guignard, nous n'avons jamais su capitaliser d'un programme à l'autre, car à chaque fois c'est une instance différente qui gère les fonds. Les régions restant cette fois-ci autorités de gestion, nous pourrions travailler sur le sujet dès maintenant". Dans ce cadre, Leader France demande la mise en place d'un groupe de prospective dès maintenant, pour éviter que le programmation 2020-2024 ne subisse pas le même sort. L'association réitère ses autres demandes : une coordination nationale de gestion, le déploiement du logiciel Osiris, qui permet d'instruire les dossiers, et des moyens humains pour l'instruction au niveau des régions.
L'association doit rencontrer en février les ministères concernés : d'un côté le ministère de l'Agriculture, dont dépend le fonds, de l'autre, le ministère de la Cohésion des territoires et des relations avec les collectivités, responsable de la cohésion des territoires, avec une question centrale : "Cinq ans après le démarrage du programme, avec 4,5% de demandes traitées seulement et 13% de fonds engagés, qu'est-ce qu'on fait ?"