Programme Leader : 950 porteurs de projets "en péril"
L'association Leader France a remis au ministre de l'Agriculture, le 11 avril, un rapport sur la sous-consommation des crédits du programme de développement local Leader. A ce jour, 5,75% de ces crédits ont été payés aux porteurs de projets. L'association formule 10 recommandations pour sortir de l'impasse. 85% des groupes d'action locale se disent favorables à une régionalisation totale.
Sur les 14.500 dossiers déposés au titre du programme européen de développement local Leader, seulement 1.120 ont été payés, plus de quatre ans après le lancement de la programmation 2014-2020. Et 4.000 sont en attente d’instruction (que ce soit au stade de la programmation ou du paiement). C’est le constat accablant d’une enquête de l’association Leader France remise au ministre de l’Agriculture et de l’Alimentation, le 11 avril. Des chiffres qui ne sont pas exhaustifs (puisque 296 des 340 groupes d’action locale 'GAL', les territoires de projets chargés d’instruire les dossiers, ont répondu à l’enquête de l’association), mais qui "donnent une idée de l’avancement du programme : seuls 7,72% des dossiers ont passé toutes les étapes de l’instruction, de la programmation et du paiement", dénonce l’association qui fédère les GAL en France, dans un communiqué.
Sur la période 2014-2020, la France s’est vu allouer une enveloppe de 687 millions d’euros. Mais les premiers versements n’ont eu lieu qu’en 2018 ! A ce jour, seulement 17,93% des crédits ont été programmés et 5,45% payés, soit 37 millions. La France se situe ainsi à l’avant dernière place en Europe, derrière la Slovaquie.
Dans son rapport Leader France repère les nombreuses défaillances, notamment la régionalisation de la gestion des fonds européens au moment de la réforme territoriale (certaines d’entre elles ayant eu, du jour au lendemain, à gérer trois programmes de développement rural). Plus grave sont les griefs faits aux régions qui sont autoritées de gestion. Le rapport dénonce le "manque d’intérêt" pour ce programme, qui ne constitue qu’une faible part du fonds Feader (deuxième pilier de la PAC), "l’alourdissement des procédures", voire leur "incompréhension" de l’esprit de Leader qui donne l’initiative aux territoires, et enfin "l’absence d’anticipation" des moyens humains nécessaires… Le rapport souligne aussi la difficulté pour l’Agence des services de paiement et Régions de France à se mettre d’accord sur "le niveau d’instrumentation" de Leader.
1.000 projets abandonnés
Conséquence de cette situation: 950 porteurs de projets sont "en péril" pour un montant estimé à 20 millions d’euros. Déjà 1.000 projets ont été abandonnés. Le rapport constate aussi le "départ des techniciens des GAL" inquiets pour leur avenir professionnel. Leader France craint une "dégradation de l’image de la France auprès de la Commission", alors que notre pays est à l’origine du programme en 1991, et une "perte de crédibilité" au moment de la négociation des politiques européennes post-2020.
Toutefois, les crédits ne seront pas perdus ou renvoyés à Bruxelles, contrairement à ce que le ministre de l’Agriculture avait lui-même pu laisser entendre, il y a quelques semaines. Les régions peuvent en effet activer un levier d’un règlement européen permettant un délai supplémentaire de trois ans (article 65 du règlement 1303/2013). Mais "un plan de sauvetage est toujours nécessaire", estime Leader France qui fournit 10 recommandations. Alors qu’après bien des déboires, le logiciel Osiris est désormais fourni, le rapport préconise d’augmenter le nombre d’instructeurs en région et de simplifier les procédures de gestion et de cofinancements. Il propose la création d’un fonds unique (avec un seul dossier d’instruction) pour les cofinancements de projets soutenus par Leader, en y introduisant des crédits de la DETR (Dotation d’équipement des territoires ruraux) ou du FSIL (Fonds de soutien à l’investissement local).
Leader France regarde aussi la prochaine programmation et souhaite que soit mis fin au croisement des responsabilités entre les régions chargées de l’instruction et l’Etat via l’Agence des services de paiements (chargée du paiement et du contrôle). 85% des GAL se disent favorables à une régionalisation totale.