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Social / Emploi - Prime d'activité : le dérapage budgétaire se précise

Un an après sa mise en place le 1er janvier 2016, où en est la prime d'activité ? Bénéficiant d'une montée en charge plus rapide que prévu et dépassant le taux de recours initialement envisagé, une rallonge budgétaire s'impose dès cette année ainsi qu'une hausse de 5% pour 2017. Pas sûr que le compte y soit...

Dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2017 - que le Sénat a finalement rejeté par une question préalable le 30 novembre -, Philippe Mouiller, sénateur (Les Républicains) des Deux-Sèvres, a remis son rapport, fait au nom de la commission des affaires sociales, sur les crédits du programme "Solidarité, insertion, égalité des chances". Le document s'attarde très longuement sur la situation de la prime d'activité, un an après sa mise en place le 1er janvier 2016.

Retour sur un "succès non escompté"

Après avoir rappelé le contexte et les avancées apportées par cette nouvelle prestation, le rapport revient sur le "succès non escompté" de la prime d'activité. Le coût estimé de cette dernière est basé sur une hypothèse d'un taux de recours à 50%. Ce taux correspond à environ deux millions de foyers et a donné lieu, en loi de finances initiale pour 2016, au vote de crédits de paiement d'un montant de 4,364 milliards d'euros.
Compte tenu de la distribution non homogène de la prime d'activité, le gouvernement prévoyait que les 50% de foyers éligibles à la prestation qui en seraient bénéficiaires concentreraient environ 66% des montants versés. Sur cette base, un taux de recours de 100% correspondrait à un coût budgétaire de 6,612 milliards d'euros.
Or, selon les réponses de la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) au questionnaire budgétaire, 3,7 millions de foyers ont déjà bénéficié - au moins un mois - de la prime d'activité entre janvier et août 2016. Si on raisonne en "stock", le nombre de bénéficiaires s'élevait à 2,4 millions de personnes à la fin de juin 2016. En termes budgétaires, les dépenses constatées de janvier à août 2016 atteignent 2,9 milliards d'euros, soit 66% des dépenses initialement prévues pour l'exercice.
Le taux de recours à la prime d'activité s'établit ainsi à 43% en juin 2016, sur la base des 5,6 millions de bénéficiaires potentiels estimés par l'étude d'impact du projet de loi relatif au dialogue social. Un taux qui se rapproche donc, dès la mi-année, de la cible de 50% prévue pour l'exercice entier.

Une rallonge de 369 millions d'euros dans le PLFR 2016

Première conséquence de cette montée en charge plus rapide que prévue : l'intégration, dans le projet de loi de finances rectificative pour 2016 (adopté en première lecture par l'Assemblée nationale le 7 décembre) d'une rallonge budgétaire de 369 millions d'euros, ce qui conduit à un coût prévisionnel de la prime d'activité pour 2016 de l'ordre de 4,734 milliards d'euros.
Compte tenu de cette "modification substantielle des hypothèses de recours", les crédits prévus pour la prime d'activité s'élèvent à 4,969 milliards d'euro pour l'exercice 2017, soit une nouvelle rallonge de 235 millions d'euros et une hausse de 5% par rapport au niveau exécuté de 2016.
Le rapporteur exprime toutefois "une inquiétude" en constatant que l'hypothèse de recours retenue pour l'exercice 2017 n'est plus de 50%, mais de 90%. Dans de telles conditions, "le chiffre de 4,969 milliards d'euros paraît sous-évalué (d'environ un milliard d'euros) pour un recours estimé à 90%". En se fondant sur les perspectives avancées par la plupart des personnes auditionnées par la commission, le rapporteur estime plus vraisemblable un plafonnement du recours aux environs de 60 à 70% (l'OFCE penchant plutôt, pour sa part, pour un taux de 80 à 90%).
Mais, "même pour des élévations du recours de 10 à 15 points 'seulement', le chiffre avancé au cours de ces auditions pour la rallonge de crédits correspondante était de l'ordre d'un milliard d'euros. Or, le gouvernement, tenu par la maîtrise du budget, n'a pas entendu élever les crédits consacrés à la prime d'activité d'un pareil montant pour 2017".
A noter : le rapport de la commission des affaires sociales du Sénat consacre aussi de longs développements - plus politiques - à "la prime d'activité, un nouveau minimum social aux effets sur l'emploi surestimés" et à une réflexion sur "l'impossibilité de concilier lutte contre la pauvreté et incitation à l'emploi".