Social / Emploi - Prime d'activité : 67 euros de pouvoir d'achat par mois
La commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale examine ces 19 et 20 mai - avant sa discussion en séance publique du 26 au 29 mai - le projet de loi relatif au dialogue social et à l'emploi. Celui-ci prévoit notamment la mise en place de la prime d'activité, qui doit se substituer, dès 2016, à la fois au RSA activité et à la prime pour l'emploi (PPE).
Valoriser la reprise ou l'augmentation d'activité
Quelques jours avant l'examen en commission, François Rebsamen et Marisol Touraine étaient auditionnés sur le projet de loi par cette même commission des affaires sociales. Pour la ministre des Affaires sociales - qui défendra le chapitre relatif à la prime d'activité - cette présentation et les questions des députés ont été l'occasion d'apporter des précisions sur le contenu du dispositif.
Elle est notamment revenue sur les deux objectifs de la réforme. Le premier est connu et correspond d'ailleurs à l'esprit du RSA activité : "donner du pouvoir d'achat à des Français qui ont parfois le sentiment qu'ils n'ont droit à rien parce qu'ils gagnent trop pour bénéficier d'aides sociales, mais pas assez pour être concernés par les baisses d'impôts qui bénéficieront à neuf millions de foyers fiscaux dès la rentrée prochaine". Le second, sur lequel la ministre a insisté, consiste à "valoriser, y compris sur le plan financier, la reprise ou l'augmentation d'activité, qui peuvent se traduire par des coûts supplémentaires pour les salariés" (perte du bénéfice de certaines aides sociales ou dépenses supplémentaires comme celles liées aux modes de garde et aux frais de déplacement). Marisol Touraine a clairement affirmé que la prime d'activité "n'est donc pas un mécanisme de lutte contre la pauvreté", rôle dévolu aux mesures du Plan de lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale.
Un gain maximum entre 80% et un peu plus du Smic
Elle a d'ailleurs indiqué que "c'est entre 80% du Smic et un peu plus du Smic que le gain sera le plus important par rapport à aujourd'hui". La ministre a ainsi pris l'exemple d'un travailleur célibataire et sans enfant percevant le Smic à temps plein. Celui-ci devrait percevoir une prime d'environ 130 euros par mois, "ce qui représentera un gain de 67 euros de pouvoir d'achat par rapport à ce qu'il perçoit à l'heure actuelle en aides diverses".
Marisol Touraine a également apporté des précisions sur un aspect très attendu du dispositif : son ouverture aux étudiants et aux apprentis. Elle a notamment précisé que le bénéfice de la prime d'activité leur serait ouvert à compter de 78% du Smic, montant qui correspond à la fois à la rémunération garantie d'un apprenti d'au moins 21 ans en troisième année de formation et au niveau de ressources individuelles à partir duquel le jeune travailleur est considéré non plus comme à la charge de ses parents pour les prestations sociales, mais comme un actif autonome.
En répondant aux questions des différents orateurs, Marisol Touraine a ensuite apporté des précisions supplémentaires, en particulier sur le contenu des futurs décrets d'application. Elle a ainsi précisé que la composition du foyer sera prise en compte selon une logique assez proche de celle du RSA activité. Le montant forfaitaire retenu pour le calcul de la prestation sera majoré en fonction du nombre d'enfants et, le cas échéant, du statut de parent isolé.
800.000 perdants "assumés" par le gouvernement
Autre précision importante : pour éviter d'étendre le dispositif aux jobs d'été, la ministre des affaires sociales a indiqué qu'"on pourrait imaginer une durée minimale de trois mois correspondant à la durée du versement de la prime, puisque celle-ci prend en compte les revenus des trois mois précédents, et est réactualisée sous les trois mois".
Sur les gagnants et les perdants de la réforme, elle a indiqué que "certains" (sans précision de chiffres), qui n'ont droit aujourd'hui ni à la PPE ni au RSA, bénéficieront de la prime d'activité. En revanche, environ 800.000 personnes devraient perdre le bénéfice des dispositifs existants - essentiellement de la PPE -, sans percevoir pour autant la prime d'activité. Mais les sommes perçues aujourd'hui par ces futurs perdants sont très faibles (de l'ordre de quinze euros pour la PPE) et le dispositif actuel crée, en outre, un avantage injustifié pour les concubins, au détriment des couples mariés. Dans ces conditions, le gouvernement "peut assumer qu'il y a des perdants".
Un objectif de 50% de demandeurs et dix euros en moins pour financer les étudiants
Enfin, sur la question délicate du financement de l'extension aux étudiants et aux apprentis - sachant que le coût de la prime d'activité ne devra pas dépasser celui du RSA activité et de la PPE cumulés -, Marisol Touraine a été claire. Elle a tout d'abord expliqué que la population cible de la prime d'activité était estimée à 5,6 millions de personnes. Mais, "sachant qu'une prestation connaissant 100% de taux de recours, cela n'existe pas, nous formons l'hypothèse, au regard de ce qui se pratique, que le taux de recours sera de l'ordre de 50% - il nous appartiendra d'ailleurs de l'améliorer". Un objectif certes supérieur aux 30% actuels du RSA activité, mais qui semble relativement modeste, sachant qu'une bonne partie de cette cible perçoit déjà le RSA activité ou la PPE - et veillera donc à conserver une prestation si elle y a droit - et que le dispositif devrait être à la fois plus lisible et moins "stigmatisant", du fait de sa déconnexion des aides sociales (d'où l'instance de la ministre sur les objectifs de la prime d'activité).
Dans ce cadre, il faudra donc se serrer pour faire de la place aux étudiants : "En gros, si l'on baisse de 10 euros les prestations envisagées, on doit pouvoir verser la prime aux étudiants. Le barème pourra faire l'objet de discussions dans l'hémicycle mais, dans la mesure où il s'agit de dispositions relevant du domaine réglementaire, nous souhaitons surtout organiser une concertation et agir de la façon la plus transparente qui soit".
La question ne devrait pas se poser en revanche pour les apprentis puisqu'"ils figurent dans le cadre de financement initialement prévu", ce qui peut surprendre compte tenu du caractère tardif de l'arbitrage sur la question.
Jean-Noël Escudié / PCA
Références : projet de loi relatif au dialogue social et à l'emploi (examiné en première lecture à l'Assemblée nationale du 26 au 29 mai 2015).