Prévention des feux de forêt : ce que contient la loi pour intensifier la lutte anti-incendie
La loi visant à renforcer la prévention et la lutte contre l'intensification et l'extension du risque incendie a été promulguée ce 11 juillet. Parmi les principales mesures de ce texte figurent l’aggravation des sanctions, concernant notamment le non‑respect des obligations légales de débroussaillement (OLD), et l’interdiction de fumer dans les bois pendant la période à risque.
Alors que le Canada est en proie à des mégafeux historiques, l’Hexagone toujours frappé par la sécheresse se prépare également à un été à haut risque. Des arguments de poids justifiant la publication rapide de la loi visant à renforcer la prévention et la lutte contre l'intensification et l'extension du risque incendie, après validation fin juin du compromis trouvé par les deux chambres. Traduction législative des propositions d'un rapport d’information du Sénat, le texte ambitionne notamment de mieux réguler les interfaces forêt-zones urbaines, et mobilise plusieurs leviers pour mieux appliquer les obligations de débroussaillement. À gauche, il n’a toutefois pas totalement convaincu les élus de l'opposition, faute d’ambition à la hauteur de l’enjeu. Passer des paroles aux actes, c’est également le message transmis au gouvernement dans un nouveau rapport spécial du Sénat dédié à la flotte d’aéronefs bombardiers de la sécurité civile, qui pointe en la matière un défaut d’anticipation.
Une stratégie nationale de défense contre les incendies
Élaborer une stratégie nationale et interministérielle de défense des forêts et des surfaces non boisées contre les incendies, dans un délai d'un an, tel est l’objet du titre Ier (articles 1 à 10). Elle sera le fruit d'une collaboration entre de nombreux acteurs (représentants de la protection civile, collectivités territoriales, organisations professionnelles et syndicales, chambres d’agriculture, associations de protection de l’environnement, etc.),
Le texte renvoie à l’arrêté plutôt qu’à la loi l’établissement de la liste des territoires dont les bois et forêts sont particulièrement exposés aux risques d’incendie. Il étend aux départements particulièrement exposés au risque d’incendie la possibilité de constituer des associations syndicales libres de propriétaires (après consultation du Centre national de la propriété forestière).
Dans les départements dont les bois et forêts sont classés à risque d'incendie, un plan de protection des forêts contre les incendies (PPFCI) devra être élaboré dans un délai de deux ans à compter de ce classement, et décliné pour chaque massif forestier.
Le texte (art.5) étend la politique de défense des forêts contre les incendies aux surfaces de végétation et aux surfaces agricoles en les incluant dans le périmètre des PPFCI. Il vise aussi à intégrer systématiquement le risque incendie dans les schémas départementaux d'analyse et de couverture des risques (SDACR).
L’article 7 permet quant à lui le transfert à un EPCI de la compétence de règlementation en matière de défense extérieure contre l’incendie.
L'article 8 autorise la création de délégations à la protection de la forêt, placées auprès du préfet de zone de défense et de sécurité. La prise en compte du risque incendie par les plans de gestion des espaces protégés y est aussi assurée.
Des obligations légales de débroussaillement renforcées
Le titre II (articles 11 à 27) vise à mieux réguler les interfaces forêt-zones urbaines pour réduire les départs de feux et la vulnérabilité des personnes et des biens.
Pour ce faire, il comprend plusieurs articles visant à mieux faire appliquer les obligations légales de débroussaillement (OLD). C’est le cas à l’article 11 qui prévoit une annexion plus systématique des OLD aux documents d’urbanisme, afin d’améliorer leur articulation avec les autres obligations de construction. C’est aussi le cas des articles 22 (la mutation d’un terrain concerné par une OLD est subordonnée au respect de cette obligation) et 23 (intégration des OLD à l’information acquéreur locataire) ou s’agissant d’alourdir les sanctions en cas de non-respect des OLD (art. 25). Dans le même esprit, le texte crée autour des campings une zone d'OLD de 50 mètres, voire de 100 mètres sur décision du maire (art. 21) et de 100 mètres (voire 200 mètres) pour les sites Seveso.
Il y est aussi question de clarifier les règles en cas de superposition avec les OLD applicables aux infrastructures routières ou ferrées (art.12), simplifier les travaux de débroussaillement des sites classés (art.15), répartir la charge en cas de superposition des obligations de débroussaillement sur la parcelle d’un tiers non soumis à l’obligation (art.14) - chaque obligé débroussaillera les parties de la tierce parcelle les plus proches des limites de sa propre propriété - et faire peser l'évacuation des rémanents issus des coupes de bois sur le propriétaire (art.18). L’article 13 prévoit d’élargir les OLD incombant au gestionnaire le long des voies ferrées, par décision du préfet. L’article 16 facilite également la mutualisation des obligations en créant une procédure d’accord simplifié pour la réalisation des travaux sur la parcelle d’un tiers, et en substituant, à la demande préalable des propriétaires, leur accord pour la réalisation des obligations par les communes, les EPCI et les syndicats mixtes.
L’article 19 explicite quant à lui le statut d’intérêt général des travaux de débroussaillement, dont un arrêté ministériel fixe l’articulation avec les principes de la biodiversité. Des clarifications sont en outre apportées à l’articulation juridique entre le débroussaillement, le défrichement et la coupe de bois (art.20).
Par souci de simplification, le texte (art. 24) supprime l’obligation de notification préalable d'un mois avant le contrôle de la mise en oeuvre des OLD par le maire.
L’article 17 prévoit que la prise en charge des opérations de débroussaillement par une commune donne lieu au remboursement des frais engagés par les propriétaires concernés.
Notons toutefois que la création d’un crédit d’impôt pour les dépenses de travaux réalisés en application des OLD a dû être retiré du texte final, face à l’opposition de l’Assemblée nationale.
Création d’une procédure d’identification de zones de danger
La loi (art. 26) prévoit la création d'un régime simplifié de plan de prévention des risques d'incendies de forêt (PPRif), qui permettra d'élaborer plus rapidement les documents de protection des collectivités face au risque d’incendie. Ce dispositif repose sur une procédure en trois temps : l’élaboration par les ministres compétents, d’une carte identifiant la sensibilité au danger prévisible de feux de forêt et de végétation du territoire européen de la France ; à partir de cette cartographie nationale, un arrêté interministériel établit une liste de communes exposées à un danger élevé à très élevé de feux de forêt et de végétation, après consultation des associations représentant les communes ; enfin, dans les communes listées et non couvertes par un PPRif approuvé, le préfet peut délimiter des zones de danger pour lesquelles s’appliquent des règles d’urbanisme visant à limiter l’exposition des personnes et des biens au risque d’incendie.
Le texte (art. 27) prévoit également l'envoi de recommandations techniques permettant de réduire la vulnérabilité des constructions, adressées par le préfet aux communes ou à leurs groupements dans l'ensemble des territoires exposés au risque incendie et particulièrement exposés au risque incendie.
Consacrer le rôle préventif des forestiers et des agriculteurs
Au titre III (articles 28 à 35), la loi ajoute au sein des schémas régionaux de gestion sylvicole (SRGS) des orientations spécifiques relatives au risque d’incendie. Elle modifie également la composition des commissions régionales de la forêt et du bois pour assurer une représentation des services départementaux d’incendie et de secours (Sdis) et des associations syndicales de défense de la forêt contre l’incendie (DFCI) et leurs fédérations régionales. L’article 30 vise à abaisser le seuil minimal d’obligation d’élaboration des documents de gestion durable de vingt-cinq à vingt hectares. Des dispositions fiscales ont été prolongées (de deux ans), comme le dispositif d’encouragement fiscal à l’investissement en forêt (art. 34) et le taux réduit de TVA à 10% sur les travaux sylvicoles (art. 35).
Un nouveau droit de préemption DFCI
Au titre IV (articles 36 à 40), la principale disposition est d’instaurer un nouveau droit de préemption "DFCI" des parcelles forestières sans document de gestion durable au bénéfice des communes (art. 37). On y relève aussi (art. 40) une disposition pour sécuriser les servitudes établies pour les pistes de DFCI. Pour mieux adapter la gestion du risque aux réalités territoriales et assurer une meilleure association des élus locaux à la politique de DFCI, le texte (art. 36) prévoit explicitement la déclinaison des PPFCI en "plans de massif". L’objectif de préserver la ressource en bois des incendies est quant à lui introduit dans les stratégies locales de développement forestier (art. 38). Afin de favoriser les synergies entre voies d'accès à la forêt et pistes DFCI, l’article 39 prévoit l'élaboration d'un cahier des charges commun par les acteurs locaux.
Consacrer le rôle des agriculteurs en matière de risque incendie
Au titre V (articles 41 à 46 ), le régime juridique du défrichement est simplifié (art. 42), afin que les friches récentes y échappent et retrouvent facilement une vocation agricole. Déjà exonérées de la compensation en cas de défrichement, les parcelles boisées depuis moins de quarante ans en zone de montagne, ne seront ainsi plus soumises à autorisation. Notons que les défrichements seront interdits dès lors que les bois en question sont classés au titre d’un plan de prévention des risques naturels (PPRN).
L’article 41 permet d’exempter entièrement de la procédure d’autorisation de défrichement les opérations de coupure agricole ayant pour effet de renforcer la défense incendies, dans le cadre d'un contrat de mise en valeur agricole ou pastorale.
Les chambres départementales et régionales d’agriculture auront le soin de sensibiliser agriculteurs et propriétaires fonciers au risque incendie, notamment lorsqu’ils pratiquent l’écobuage (art. 44). La loi (art. 45) habilite explicitement le préfet à interdire la réalisation de travaux agricoles sur les plages horaires les plus à risque. Elle consacre le rôle des agriculteurs en matière de lutte contre les incendies et précise leur indemnisation. Il reviendra au préfet d'établir en amont une liste des acteurs mobilisables - dont les agriculteurs disponibles et volontaires et leurs citernes d’eau - et de prévoir leurs conditions d'intervention. Le préfet pourra ordonner, dans les zones particulièrement exposées au risque d’incendie, des coupures de combustibles à l’interface entre une terre agricole et une parcelle forestière (art. 46).
Sensibiliser les populations au risque incendie
Au titre VI (articles 47 à 49), l’article 49 consacre au niveau législatif l'interdiction de fumer dans les bois et forêts et jusqu'à un périmètre de 200 mètres autour de ceux-ci pendant la période à risque d'incendie définie par arrêté préfectoral. Il ajoute le jet de mégot parmi les causes d’incendie involontaire pouvant faire l’objet d’une sanction pénale et valorise le rôle de vigie des gardes-champêtres. Pour les cas les plus graves ayant entraîné la mort d'une ou plusieurs personnes, les sanctions pénales pourraient atteindre dix ans d'emprisonnement et 150.000 euros d'amende.
L’article 48 consacre dans la loi l’organisation de la journée nationale de la résilience, qui a lieu le 13 octobre, depuis cinq ans. Et l’article 47 prévoit quant à lui de s'appuyer sur la filière de responsabilité élargie du producteur (REP) pour financer des actions de communication.
Renforcer les moyens opérationnels
Au titre VII (articles 50 à 57), qui prévoit d’équiper la lutte incendie à la hauteur du risque, le gouvernement a échoué dans sa tentative de supprimer l'article 50, qui permet d’exonérer totalement du paiement de l’accise sur l’essence et les gazoles, c’est-à-dire l’ancienne taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), l’ensemble des véhicules des Sdis. En revanche, les collectivités demeurent exclues du dispositif de réduction de cotisations patronales accordé en contrepartie de la mise à disposition d’employés sapeurs-pompiers volontaires pour les services d’incendie (art. 52). L’article 51 exonère de malus écologique les véhicules hors route dans le cadre des missions opérationnelles de prévention, de surveillance et de lutte contre les incendies.
L’article 53 permet aux établissements d'enseignement supérieur de prévoir des aménagements d'études en faveur des étudiants sapeurs-pompiers volontaires. La loi reconnaît le caractère dangereux du métier et des missions exercées par les personnels navigants de la sécurité civile (art. 55). On relève également (art. 56) la consécration de la possibilité, pour les sapeurs-pompiers, de réaliser des coupes tactiques pour limiter la propagation des feux.
Enfin, au titre VIII (articles 58 à 62), qui vise à financer la reconstitution de forêts plus résilientes après l’incendie, l’article 58 consacre la défense des forêts contre les incendies parmi les orientations générales auxquelles l’État veille dans le cadre de sa politique forestière et des financements de celle-ci. L’article 59 porte sur la conditionnalité des aides publiques à certains objectifs. L'article 60 confie au Centre national de la propriété forestière (CNPF) la mission de promouvoir l’assurance contre les risques de tempête et d’incendie. L’article 61 relatif au compte d'investissement forestier et d’assurance a lui aussi été conservé. Enfin, la remise d’un rapport est prévue sur l’élaboration d’un état des lieux des freins à l’engagement des sapeurs-pompiers volontaires (art. 62).
Marc Fesneau, ministre de l'Agriculture, et Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique, ont officiellement lancé ce 10 juillet l'Observatoire des forêts françaises dont la création avait été décidée en mars 2022 lors des Assises de la forêt et du bois. Porté par l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN), l’Office national des forêts (ONF), le Centre national de la propriété forestière (CNPF), France Bois Forêt et l’Office français de la biodiversité (OFB), sous l’égide des deux ministères, ce nouvel outil, qui rassemble les expertises et les connaissances sur la forêt, a été conçu comme un centre de partage et de production de données pour le pilotage des forêts dans le contexte du changement climatique et entend proposer en un lieu unique une information de référence sur les grands enjeux actuels, ainsi que des cartes et des services innovants pour la connaissance et la gestion des forêts à l’échelle des territoires. Anne Lenormand / Localtis |