L’Assemblée adopte à son tour le texte de lutte contre les feux de forêts
La proposition de loi d’origine sénatoriale visant à renforcer la prévention et la lutte contre l'intensification et l'extension du risque incendie a été adoptée à l’unanimité, en première lecture, par les députés, ce 17 mai. Parmi les principales mesures votées l’aggravation des sanctions, et notamment s’agissant du non‑respect des obligations légales de débroussaillement (OLD), et l’interdiction de fumer dans les bois pendant la période à risque.
L’Assemblée nationale a adopté, en première lecture, ce 17 mai, (par 197 voix pour, 0 contre et 30 abstentions) la proposition de loi visant à renforcer la prévention et la lutte contre l'intensification et l'extension du risque incendie, déjà votée à l’unanimité par le Sénat, à l'initiative de ce texte fruit d’un rapport d’information. Son passage en commissions a aussi permis d’en conforter les grandes lignes très positivement accueillies par les acteurs concernés (lire notre article du 15 mai 2023). Députés et sénateurs devraient à présent trouver sans trop de difficultés un accord en commission mixte paritaire sur ce texte consensuel avec l’objectif d’une adoption définitive d’ici l’été où sont craints de gigantesques feux comme en 2022.
La ministre chargée des Collectivités territoriales et de la Ruralité, Dominique Faure, a salué "des évolutions plus que bienvenues" et "des clarifications et des simplifications utiles et attendues" en particulier sur la mise en œuvre des obligations légales de débroussaillement. Le gouvernement, qui s’est opposé en vain à la proposition faite à l’article 32 d’exonérer totalement les véhicules des Sdis de taxe sur les carburants (ex-TICPE), a tracé une ligne rouge : le texte "ne doit traiter que de la prévention et de la lutte contre les incendies", les enjeux de la gestion forestière, ainsi que tous ceux qui touchent plus généralement à l’adaptation des forêts au changement climatique, ne devant pas y être abordés.
A regret pour les élus de gauche déplorant "un manque d’ambition" du texte, et les députés Insoumis qui y voient une "politique du pansement sur une jambe de bois". Le groupe LFI, qui s’est d'ailleurs abstenu lors du vote, a notamment échoué avec les Ecologistes dans la tentative de limiter la pratique controversée des "coupes rases".
Une stratégie nationale de défense contre les incendies
La stratégie nationale de défense des forêts et des surfaces non boisées contre les incendies objet du titre Ier (articles 1er à 7 ter) sera élaborée "dans un délai d'un an à compter de la promulgation de la présente loi", après "concertation" des personnes qui y contribuent (dont des représentants des collectivités). Le groupe GDR a en effet souhaité revenir au texte initial, s’opposant au principe d'une consultation formalisée dans un avis simple et non contraignant introduit en commission. En séance publique, ont également été ajoutés à la définition de cette stratégie les élus des communes forestières, des représentants de la Fédération nationale et des fédérations départementales des chasseurs, ainsi que ceux des comités de bassins, syndicats de rivières et des parcs naturels régionaux. L’état des lieux des moyens humains, financiers et technologiques sera décliné par région en détaillant le matériel mis à disposition pour la lutte contre les incendies de façon à identifier les zones où un manque existe et d’envisager l’allocation de moyens supplémentaires.
À l’article 2, qui renvoie à un arrêté l’établissement de la liste des territoires particulièrement exposés aux risques d’incendie, le rapporteur Anthony Brosse a proposé de revenir à une consultation des conseils départementaux, "mais pas à un pouvoir lié". Sur les plans de protection des forêts contre les incendies (PPFCI) - article 3 -, il est en outre précisé que l’élaboration se fait "à l’échelle du département" avant leur déclinaison "pour chaque massif forestier", comme le prévoit également l'article 21.
Un amendement du groupe LFI introduit - à l’article 7 - la prise en compte de la biodiversité dans la recherche appliquée sur la forêt et le bois.
A l’initiative du groupe GDR, un nouvel article 7 bis A prévoit la réalisation d’un inventaire exhaustif des points d’eau incendie dans chaque département par les Sdis, avec une actualisation au minimum tous les 2 ans. Il est intégré dans les plans de gestion de la ressource en eau et annexé aux documents d’urbanisme.
Un nouvel article 7 ter A (amendement LR) acte également la possibilité pour la politique de défense des forêts contre les incendies d’avoir recours aux moyens du service public de défense extérieure contre les incendies (réserves d’eau type poteaux et bouches d’incendie, cours d’eau, mares, étangs, retenues d’eau, puits, forages ou réserves), aujourd’hui à la charge des communes.
Des obligations légales de débroussaillement renforcées
Le dispositif phare du titre II (articles 8 à 14), qui vise à mieux réguler les zones limites entre la forêt et les zones urbaines, a été entériné. C’est le cas de l’article 8 qui prévoit une annexion plus systématique des obligations légales de débroussaillement (OLD) aux documents d’urbanisme, 9 bis A (intégration des OLD à l’information acquéreur locataire) ou s’agissant d’alourdir les sanctions en cas de non-respect des OLD (art. 9 bis), tous trois adoptés conformes. En commission, les améliorations ont notamment porté sur la mutualisation des travaux, afin d’en faciliter la réalisation, et sur l’ajout de règles de débroussaillement spécifiques pour les sites Seveso (art. 8 quinquies), pour lesquelles des précisions ont également été apportées en séance à l’initiative du gouvernement. Un nouvel article 8 ter AA (amendements identiques du gouvernement et de la rapporteure Sophie Panonacle) prévoit d’élargir les OLD incombant au gestionnaire le long des voies ferrées, par décision du préfet. La procédure simplifiée de mise en œuvre des OLD par l’Etat et les collectivités sur les parcelles tierces (art. 8 quater A) est aussi étendue aux gestionnaires d’infrastructures publiques (SNCF Réseau par exemple).
A l’article 8 ter, des compléments ont été introduits pour éviter les arasements inconsidérés sur les chemins ruraux, sans l’autorisation de l’autorité communale propriétaire du chemin (amendements RN et Emmanuelle Ménard non inscrite).
Un nouvel article 8 quater B (amendement Socialistes) prévoit que la prise en charge des opérations de débroussaillement par une commune donne lieu au paiement d’une redevance par les propriétaires concernés, sur décision de la collectivité. Les modalités en seront fixées par décret, en prenant en compte la nature des terrains et des travaux.
A l'article 8 sexies, le texte (amendement RN) hiérarchise l'intervention des pouvoirs publics compétents en matière de travaux de débroussaillement d’office, afin de laisser en priorité la main aux municipalités concernées.
Un nouvel article 9 bis BA (amendement LR) accroît l’information des acquéreurs de parcelles concernées sur les OLD.
L’article 9 ter, introduit en commission, qui permettait le recours à des drones par des agents assermentés des collectivités pour le contrôle des OLD n’a en revanche pas été adopté.
Le crédit d’impôt pour les dépenses engagées pour des travaux de débroussaillement (art. 10) supprimé au stade de la commission n’a pas été réintroduit. Idem pour l’article 11 sur la création d’une surfranchise d’assurance en cas de non-respect des OLD également retranché du texte.
Cartographie des zones à risque
La carte d'aléa prévue à l’article 13, analysant la sensibilité au danger prévisible des feux de forêt et de végétation du territoire européen de la France, sera soumise à l’avis de la direction départementale des territoires et de la chambre départementale d’agriculture (amendement Modem). Les recommandations techniques, adressées par le préfet aux collectivités pour réduire la vulnérabilité des constructions aux incendies de forêts (art. 14) devront veiller autant que possible à préserver la faune et la flore locales (amendement Ecologistes).
Consacrer le rôle préventif des forestiers et des agriculteurs
Au titre III (articles 15 à 19), le texte ajoute au sein des schémas régionaux de gestion sylvicole (SRGS), l’indication enjeux de diversification des essences de bois, de préservation de la qualité du sol et de l’eau et de préservation de la biodiversité (amendement Renaissance sous-amendé par le rapporteur Luc Lamirault). Des objectifs également intégrés dans les plans simples de gestion (PSG).
A l’article 16, qui abaisse à 20 hectares l’obligation de disposer d’un PSG, la proposition de régionaliser la possibilité d’abaisser ce seuil au-delà de cette limite, en transférant cette compétence, actuellement exercée par le ministre en charge des forêts, au préfet de région, après avis de la commission régionale de la forêt et du bois, a été retranchée du texte par un amendement du gouvernement. La ministre a insisté sur l’importance de "garantir l’homogénéité de traitement sur le territoire et d’obligation devant la loi".
L’article 15 bis relatif à la prise en compte des enjeux de défense des forêts contre les incendies au sein de certains documents de gestion durable de la forêt a été adopté conforme.
A l’article 19, les forestiers-sapeurs et les exploitants forestiers intègrent la liste des acteurs consultés par le Centre national de la propriété forestière (CNPF) pour la création d’un réseau de référents défense des forêts contre l’incendie (DFCI).
Pour rappel, les deux derniers articles du titre : l’article 20 sur la pérennisation et l'élargissement du dispositif d’encouragement fiscal à l’investissement en forêt (DEFI forêt) ; et l’article 20 bis qui tendait à proroger un taux réduit de TVA à hauteur de 10% concernant certains travaux agricoles ont été supprimés en commission.
Le titre IV (article 21 à 24), dont la proposition essentielle est d’instaurer un nouveau droit de préemption "DFCI" des parcelles forestières sans document de gestion durable au bénéfice des communes (art. 22), a très peu évolué. On y relève toutefois l’ajout d’un nouvel article 24 bis - introduit par le gouvernement - pour sécuriser les servitudes établies pour les pistes de DFCI. Il interdit de modifier la continuité des ouvrages et traite aussi des cas (par exemple dans les Landes de Gascogne) de pistes existantes pour lesquelles les servitudes conformes au code forestier n’ont jamais été établies.
Au titre V (articles 25 à 29), le gouvernement a introduit un article 25 bis. L’objectif est de simplifier le régime juridique du défrichement, afin que les friches récentes y échappent et retrouvent facilement une vocation agricole. Déjà exonérées de la compensation en cas de défrichement, les parcelles boisées depuis moins de quarante ans en zone de montagne, ne seraient ainsi plus soumises à autorisation. Notons que les défrichements seront interdits dès lors que les bois en question sont classés au titre d’un plan de prévention des risques naturels (PPRN).
Les articles 27 et 28 ont fait l’objet d’une réécriture globale. Le premier pour doter les chambres d’agriculture d’une véritable compétence d’évaluation des besoins et de suivi des pratiques des communes en matière d’écobuage, via une commission spécialisée, qui désigne un référent agricole par commune. Le second pour consacrer le rôle des agriculteurs en matière de lutte contre les incendies et préciser leur indemnisation. Il reviendra au préfet d'établir en amont une liste des acteurs mobilisables - dont les agriculteurs disponibles et volontaires et leurs citernes d’eau - et de prévoir leurs conditions d'intervention.
Sensibiliser les populations au risque incendie
Au titre VI (articles 30 et 31), le gouvernement a souhaité rendre plus efficace la journée nationale de la résilience créée à l’article 30 bis, en prévoyant une sensibilisation aux risques majeurs et aux conduites à tenir, organisée par les employeurs publics et privés et responsables d’établissements au moins une fois par an. A l’article 31, à l’initiative du rapporteur, Anthony Brosse, l'interdiction de fumer est élargie à l'ensemble des bois et forêts du territoire national, et jusqu’à 200 mètres pendant une période à risque définie par arrêté du préfet, et non seulement aux territoires, bois et forêts les plus exposés.
Renforcer les moyens opérationnels
Au titre VII (articles 32 à 34 ter), qui prévoit d’équiper la lutte incendie à la hauteur du risque, le gouvernement a échoué dans sa tentative de supprimer l'article 32, qui permet d’exonérer totalement du paiement de l’accise sur l’essence et les gazoles, c’est-à-dire l’ancienne taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), l’ensemble des véhicules des Sdis. L'amendement de suppression a été largement repoussé (avec 134 voix contre 4) non seulement par les oppositions mais également par la plupart des députés de la majorité présents.
L’article 34 afférent au nouveau dispositif d’exonération de cotisations patronales pour faciliter la mise à disposition de sapeurs-pompiers volontaires en vue de la réalisation de missions opérationnelles a quant à lui fait l’objet d’une réécriture globale par le gouvernement. L’exonération pourra s’élever jusqu’à 2.000 euros par salarié et ce dans la limite de 10.000 euros par employeur. Ce montant est imputé sur les allègements généraux de cotisations patronales et n’est pas cumulable avec d’autres dispositifs spécifiques. Le texte conditionne en outre le bénéfice de la réduction à la réalisation effective de missions opérationnelles par les sapeurs-pompiers volontaires, qui doivent par ailleurs être employés par une entreprise du secteur privé (les employeurs publics ayant été exclus du dispositif). La réduction sera applicable jusqu’au 31 décembre 2026 et donnera lieu à une évaluation finale.
Un nouvel article 34 bis AAA prévoit de créer - sur proposition du groupe LR - une autorisation légale d’absence pour les sapeurs-pompiers volontaires en cas de crise, à l’instar de celle qui existe déjà dans la réserve opérationnelle.
Enfin au titre VIII (articles 35 A à 37), on relève une batterie de rapports supplémentaires : sur la possibilité d’installer une base pour les Canadair à l’aéroport de Bastia Poretta (art. 37 bis), sur la fiscalité du carburant des Sdis (art. 37 ter) et enfin, l’élaboration d’un état des lieux des freins à l’engagement des sapeurs-pompiers volontaires (37 quater).