Prévention des feux de forêt : l’Assemblée nationale et le Sénat se mettent d’accord sur un texte commun en CMP
La proposition de loi d’origine sénatoriale visant à renforcer tous azimuts la prévention et la lutte contre l'intensification et l'extension du risque incendie, adoptée en première lecture par le Sénat et l’Assemblée, vient de déboucher sur une commission mixte paritaire conclusive. Les incendies hors normes de l’été 2022 et la sécheresse de ces derniers mois représentent autant d’arguments pour permettre la publication rapide du texte, après validation du compromis par les deux chambres.
Alors que le gouvernement se prépare à un été à haut risque, en raison de la sècheresse persistante, sénateurs et députés ont trouvé un terrain d’entente, ce 19 juin, en commission mixte paritaire (CMP), sur la proposition de loi d’initiative sénatoriale visant à renforcer la prévention et la lutte contre l'intensification et l'extension du risque incendie, traduction législative des propositions d'un rapport d’information publié en août dernier. Il appartient maintenant aux deux chambres d’adopter cet accord, les 28 et 29 juin prochains, moyennant quoi ce texte consensuel, qui mobilise notamment plusieurs leviers pour mieux appliquer les obligations légales de débroussaillement et pose l’interdiction de fumer dans les bois pendant la période à risque, devrait être promulgué dans les premiers jours de l’été.
Le président de la commission spéciale constituée pour son examen, Jean Bacci (LR) et les rapporteurs Anne-Catherine Loisier (centriste), Olivier Rietmann (LR) et Pascal Martin (centriste) se sont immédiatement réjouis, dans un communiqué, "des avancées notables" obtenues par le Sénat en CMP. L’essentiel des apports de la Chambre haute sur des "mesures stratégiques et opérationnelles" a ainsi été préservé, à commencer par la mise en place d’une stratégie interministérielle et territoriale de défense des forêts et des surfaces non boisées contre les incendies, objet du titre Ier. Elle sera élaborée dans un délai d'un an à compter de la promulgation da la loi, après concertation des personnes qui y contribuent, dont des représentants des collectivités. Le Sénat se félicite de la mise en place "d’un cadre réglementaire adaptable en continu" pour tenir compte de l’extension du risque incendie à l’ensemble du territoire national. Il relève également "une intégration plus cohérente du risque incendie dans la gestion des forêts et d’une éco-conditionnalité et une conditionnalité 'défense des forêts contre les incendies' pour bénéficier des aides publiques forestières".
De nouveaux outils de régulation entre la forêt et ses interfaces
C’est à quoi devront servir les dispositions de ce texte, et notamment celles du titre II qui traite de la prévention des feux par la gestion des espaces limitrophes entre la forêt, les zones urbaines et les infrastructures, et dont les articles phares portent sur les obligations légales de débroussaillement (OLD). C’est un sujet central, et la CMP a dans l’ensemble conservé les améliorations du Sénat. C’est le cas pour l’annexion plus systématique des OLD aux documents d’urbanisme, leur intégration à l’information acquéreur locataire ou s’agissant d’alourdir les sanctions. Le crédit d’impôt à destination des particuliers pour dépenses de travaux réalisés en application des OLD ne fait en revanche pas partie du compromis trouvé. Sa suppression avait été actée par l’Assemblée en commission. A regret pour le Sénat, qui voyait là "un coup de pouce bienvenu pour les foyers modestes, pour lesquels les travaux de réalisation d’OLD, particulièrement onéreux, représentent un coût particulièrement prohibitif". La création de ce crédit d’impôt aurait permis, selon lui, "de provoquer un véritable électrochoc pour inciter les propriétaires à réaliser leurs OLD, pour préserver nos forêts et protéger les habitations dans un contexte où ce sont seulement 30% des OLD qui sont aujourd’hui respectées".
Un texte qui nécessitera des compléments
Au titre VII qui prévoit de renforcer les moyens opérationnels à la hauteur du risque, l’exonération pour les véhicules des Sdis du paiement de l’assise sur l’essence et les gazoles, que le gouvernement a échoué à écarter lors des débats, est bel et bien conservé. Mais une autre mesure "majeure", à laquelle le Sénat était "fortement attaché", ne figure pas dans l’accord trouvé en CMP, malgré la bataille livrée pour obtenir un compromis aux forceps. Elle concerne le mécanisme de réduction de cotisations patronales accordé en contrepartie de la mise à disposition de sapeurs-pompiers volontaires au profit des services départementaux d’incendie et de secours (Sdis), qui a fait l’objet d’une réécriture globale par le gouvernement, lors du passage de la PPL devant l’Assemblée. L’exonération qui ne touche plus que le secteur privé, sera limitée à 2.000 euros par salarié, et plafonnée à 10.000 euros par employeur. "En n’incluant pas les collectivités, et notamment les communes rurales pour lesquelles une telle mise à disposition constitue une charge non négligeable, la sécurité civile se trouve privée d’un vivier considérable de sapeurs-pompiers volontaires", relève le Sénat. Les quatre rapporteurs déplorent une vision budgétaire "court-termiste", "alors même que les études sur la 'valeur du sauvé' montrent qu’un euro investi dans la prévention et la lutte contre les feux de forêt en rapporte 20 à 25 fois plus".
Le Sénat n’a toutefois pas dit son dernier mot. Le crédit d’impôt pour travaux de débroussaillement pourrait en particulier resurgir lors des débats de l’automne prochain autour du projet de loi de finances.