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Près de trois millions de personnes n'ont accès qu'à une eau du robinet polluée

Si près de 96% des consommateurs peuvent boire sans crainte l'eau du robinet, 2,8 millions de personnes n'ont accès qu'à une eau polluée notamment par des pesticides, des nitrates ou du plomb, selon une étude de l'UFC-Que Choisir présentée le 26 janvier. Une carte interactive sur le site de l'association permet à chacun de connaître la qualité de l'eau potable qu'il consomme.

A partir des résultats officiels du ministère de la Santé, l'UFC-Que choisir a passé au peigne fin, dans une étude présentée ce 26 janvier, les réseaux de distribution des quelque 36.000 communes de France, pour la totalité des 50 critères réglementaires. "Le résultat global se révèle très satisfaisant puisque l'eau distribuée à 95,6% des consommateurs français respecte haut la main la totalité des limites réglementaires et ce tout au long de l'année", estime l'association de consommateurs qui fonde son analyse sur la période allant de février 2014 à août 2016. Mais 2,8 millions de personnes, essentiellement des habitants de petites communes rurales, "reçoivent une eau non conforme", déplore-t-elle. Elle n'est pas forcément impropre à la consommation, "cela dépend de la nature de la molécule, du niveau du dépassement et de sa fréquence", a précisé à l'AFP Olivier Andrault, chargé de mission à l'UFC-Que Choisir qui a dirigé l'étude.

Les pesticides, première cause de pollution

Les pesticides, détectés dans 5% des réseaux de distribution (2.271 communes concernées) sont "de loin" la première cause de non–conformité, souligne l'étude. Ils contaminent l'eau de 2 millions de consommateurs, principalement ruraux, dans les régions d'agriculture intensive. Mais ils affectent également les réseaux de certaines villes. C'est le cas notamment de Tremblay-en-France, en Seine-Saint-Denis (2 des 3 réseaux de distribution touchés), de Sens (3 des 4 réseaux de distribution), de Lens, de Tarbes ou d'Auch. "Les molécules retrouvées sont essentiellement des herbicides", comme l'atrazine, un herbicide "désormais interdit mais (...) particulièrement rémanent dans l'environnement", précise l'UFC.
Les nitrates sont la deuxième cause de pollution (0,8% des réseaux contaminés dans 370 communes). Près de 200.000 consommateurs sont concernés, en particulier dans le Loiret, la Seine-et-Marne, l'Yonne, l'Aube, la Marne, le Pas-de-Calais et la Somme.
Troisième source de pollution : les "contaminations bactériennes dues aux défauts de surveillance ou à la vétusté des installations" (0,7% des réseaux dans 253 communes). Elles concernent environ 200.000 personnes et touchent surtout les petites communes rurales de montagne (Alpes, Massif central, Pyrénées). L'étude fait aussi état d'une pollution naturelle, l'arsenic, présent dans l'eau de quelques petites communes rurales du Massif central, des Alpes et des Vosges notamment.

Alerte sur les composants toxiques dans les canalisations

L'UFC-Que Choisir alerte également sur la présence de "composants toxiques" dans les canalisations. "Sur l'ensemble de la France, 3% des analyses réalisées dans les logements font apparaître la présence de plomb, de cuivre de nickel ou de chlorure de vinyle relargués par des canalisations vétustes ou corrodées", note-t-elle. Dans le cas du plomb, ce sont les logements situés dans les centres anciens qui sont concernés (Nice, Toulon, Dijon, Avignon, Créteil, La Rochelle, Albi, Saint-Brieuc…). Mais cette pollution reste la plus mal mesurée, du fait d'"un très faible nombre de prélèvements" (15 en moyenne par ville pour les communes citées, sur une période de deux ans et demi), qui "ne permettent pas de connaître l'exposition réelle des consommateurs".
L'association juge ces pollutions "d'autant moins acceptables que l'alerte est donnée depuis longtemps et que les bons remèdes ne sont toujours pas appliqués". "Si l'eau de 97% des consommateurs échappe aux pesticides par exemple, ce n'est pas parce que l'agriculture aurait amendé ses pratiques" mais à cause d'une "coûteuse dépollution financée à 87% par les consommateurs et seulement à 6% par les agriculteurs", affirme-t-elle. Un principe du "pollué-payeur", dénonce-t-elle.
L'UFC-Que choisir réclame donc à l'inverse l'application du principe "pollueur-payeur" dans le calcul des redevances de l'eau par une augmentation de la taxation des pesticides et des engrais azotés et par un "soutien financier aux agricultures biologiques et intégrées". Elle souhaite aussi que soit réalisé "un audit national" des composants toxiques des canalisations pour estimer le niveau d'exposition des consommateurs" et milite pour une aide aux particuliers qui remplacent leurs canalisations en cas de pollution au plomb.
Les consommateurs peuvent se renseigner sur la qualité de l'eau de leur robinet en consultant une carte interactive sur le site de l'UFC-Que choisir. "Un Français sur cinq n'a pas confiance en l'eau du robinet (...) et un sur deux privilégie l'eau en bouteille", a déploré le président de l'association, Alain Bazot, au cours d'une conférence de presse téléphonique. Pourtant, "la qualité de l'eau est très largement au rendez-vous", a-t-il souligné. En outre, selon l'association, à 0,4 centime d'euro le litre, l'eau du robinet est 65 fois moins chère en moyenne que celle en bouteille. La fabrication des bouteilles en plastique génère, elle, 360 fois plus de gaz à effet de serre. Elles parcourent en moyenne 300 km avant d'arriver sur nos tables et génèrent 150.000 tonnes de déchets d'emballages par an, selon l'UFC-Que Choisir.