Préparation de la stratégie énergie-climat de la France : une centaine de propositions sur la table

Sobriété énergétique, consommation plus efficace de l'énergie, énergies renouvelables, fonds chaleur, biomasse, accompagnement du développement énergétique des territoires insulaires et ultra-marins… Une centaine de propositions pour nourrir la future stratégie énergie-climat de la France ont été remises ce 12 septembre au gouvernement par des groupes de travail qui ont réuni depuis mai parlementaires, élus locaux, experts, associations et représentants des différentes filières.

La préparation de la stratégie énergétique de la France, qui devrait se décliner à travers une loi et des textes réglementaires, est entrée dans sa dernière ligne droite. Le projet de loi devrait être "présenté dans les prochains jours", a indiqué la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher ce 12 septembre, à l'occasion de la restitution des propositions des sept groupes de travail qu'elle avait lancés en mai (lire notre article). Copiloté par un parlementaire et un élu local, chacun était composé d'une dizaine de membres – députés et sénateurs de tous bords politiques, élus locaux, représentants de fédérations professionnelles, de partenaires sociaux, d'associations environnementales...

"Vision à 2030 et 2050"

Ces travaux nourriront les conclusions du prochain conseil de la planification écologique sur la partie énergie - dont la date reste à déterminer -, les projets de programmation pluriannuelle de l'énergie et de stratégie nationale bas carbone qui seront soumis à consultation publique "dans les prochaines semaines", ainsi que les travaux législatifs à venir. "Toutes ces parties prenantes se sont mises d'accord sur un commun qui nous permet de construire une vision à 2030 et 2050", a dit la ministre à la presse. Elles ont aussi mis "en évidence les contraintes" de la transition ou les points de "dissensus" (par exemple sur la capture du carbone), a-t-elle ajouté : "il n'y a pas de recette 'y'a qu'à, faut qu'on' mais des ensembles de solutions qui supposent une mobilisation collective à tous les niveaux". "Nous avons un espace pour avoir une stratégie énergie-climat créatrice d'emplois et au bénéfice des citoyens français en termes de confort et de stabilité des prix de l'énergie".

Objectifs ambitieux pour le solaire

Les propositions s'articulent autour des grands thèmes de la transition énergétique : sobriété, efficacité, production d'électricité, de chaleur, ou encore énergies bas-carbone et territoires insulaires et ultra-marins non connectés (ZNI). Toutes ne seront pas dans la loi. "Il y a des sujets à approfondir", estime aussi la ministre.

Parmi les plus ambitieuses, "porter le rythme de développement du solaire à au moins 5,5 GW/an, en visant 7 GW/an", avec "une répartition équilibrée entre centrales au sol (65 %), grandes toitures (25 %) et résidentiel (10 %)". Objectif : passer de 16 GW de capacités à 75-100 W en 2035. Pour l'éolien terrestre, l'objectif est de passer de 21 GW en 2022 à 40-45 GW en 2035. "Les fourchettes me paraissent raisonnables", a commenté Agnès Pannier-Runacher, tout en appelant à "mettre de la souplesse" dans les objectifs, modifiables si les progrès réels sont plus importants que prévu.

Collectivités : réduire les consommations d'énergies de 1,9% par an

Dans le détail des propositions intéressant directement les collectivités territoriales, on relève au chapitre de la sobriété le même objectif de réduction de leurs consommations énergétiques que pour les services de l'Etat, soit 1,9% par an. Pour développer "massivement" le report vers les modes de transport doux, "l'accompagnement de l'Etat et la collaboration entre l'Etat et les collectivités locales pourraient être renforcé", indique le dossier de présentation des propositions des groupes de travail. En matière d'énergies renouvelables (ENR), il est préconisé d'"accompagner les territoires, et en particulier les maires présidents d'EPCI dans la démarche de planification (…) inscrite dans la loi". Pour "mobiliser de manière durable la biomasse", il est notamment proposé de mieux valoriser les biodéchets issus du tri à la source sur les territoires – qui sera obligatoire à partir du 1er janvier 2024 – "en tenant compte des risques et des contraintes de retour au sol (digestast, compost)".

Solutions d'énergies renouvelables rapidement mobilisables

Plusieurs mesures visent à développer et faire connaître dans les territoires les solutions d'ENR rapidement mobilisables :

  • généralisation du cadastre solaire et des obligations d'étude de faisabilité, pour le solaire thermique ;
  • mise en œuvre du plan national géothermie (structuration de la filière et renforcement de sa capacité de production, développement de l'offre de formations, accompagnement des porteurs de projets et des usagers, sensibilisation des acteurs locaux, simplification de la réglementation, amélioration de la connaissance du sous-sol) ;
  • pour la chaleur fatale, renforcement des obligations réglementaires d'étude de faisabilité sur les sites industriels, lancement d'appels à manifestation d'intérêt pour identifier rapidement les sites volontaires, etc. ;
  • promotion de ces solutions via France Renvo' et renforcement de l'animation territoriale.

Moyens du fonds chaleur à rehausser

Les groupes de travail ont aussi proposé de renforcer les obligations d'études de de faisabilité de diverses solutions d'approvisionnement en énergie, chaleur et rafraîchissement des bâtiments neufs, ainsi que les compétences d'ingénierie des collectivités. Ils préconisent d'inciter les collectivités locales à réaliser des schémas territoriaux chaleur et froid et de renforcer à court terme les financements pour tenir les objectifs de déploiement. Le fonds chaleur géré par l'Ademe pourrait ainsi viser un milliard d'euros par an dès 2024 pour atteindre 2,4 milliards d'euros d'ici 2030. Le fonds économie circulaire pourrait également être renforcé, notamment pour le développement des projets à base de combustibles solides de récupération.

Les collectivités et leurs groupements - autorités organisatrices de la distribution d'énergie (AODE) – auront aussi un rôle à jouer pour conduire les innovations en lien avec l'aménagement du territoire à travers notamment le développement et le déploiement des dispositifs de pilotage de la demande, a souligné le groupe de travail en charge consacré aux technologies innovantes.

Mix électrique 100% énergies renouvelables dans les territoires insulaires et ultra-marins d'ici 2030

Enfin, pour accompagner le développement énergétique des territoires insulaires et ultra-marins, le groupe de travail dédié a fixé deux "caps" - confirmer l’objectif commun d’un mix électrique 100% énergies renouvelables d’ici 2030  et clarifier l’objectif d’autonomie énergétique en fixant son atteinte à l’horizon 2050 - et une "boussole" pour les atteindre : formaliser pour chaque zone non interconnectée (ZNI) un document d’orientation stratégique spécifique (Futurs énergétiques 2050 ZNI) proposant des scénarios techniquement et économiquement viables aux exécutifs régionaux. Il préconise aussi un renforcement des moyens humains de l’État en appui direct à la transition énergétique des ZNI et la création d’une task force de l’État pour construire les documents d’orientation stratégique.

 

Energie : commerces et bureaux doivent consommer moins et mieux, prône un rapport de la CRE

Les bâtiments tertiaires (commerces et bureaux) de France représentent un énorme levier d'économies d'énergie et le déploiement de systèmes de pilotage de l'énergie permettrait d'adapter le pays au déploiement des énergies renouvelables, selon un rapport de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) publié ce 11 septembre.

"Aujourd'hui, seulement 6% des bâtiments tertiaires de plus de 1.000 m2 sont équipés d'un système de pilotage de l'énergie et les bâtiments équipés n'utilisent pas systématiquement le potentiel de ces systèmes", selon ce rapport "copiloté" par le groupe Schneider Electric.

Alors que l'électrification des usages progresse, le déploiement des énergies renouvelables comme l'éolien et le solaire, par essence aléatoires, "modifie la disponibilité structurelle de l'électricité décarbonée", souligne le rapport. D'où la nécessité de pouvoir décaler et moduler certains usages comme le chauffage, la ventilation, le traitement d'air ou la recharge des véhicules électriques. L'enjeu est de taille : un jour d'hiver, ces bâtiments tertiaires et le secteur résidentiel représentent au total 70% de la consommation électrique française, selon RTE, le gestionnaire du réseau de haute tension.

Un décret paru en 2020 avait fixé pour objectif "d'équiper tous les bâtiments tertiaires existants et neufs de systèmes d'automatisation et de contrôle d'ici le 1er janvier 2025", pour les plus vastes, soit les bâtiments de plus de 2.000 mètres carrés. Un objectif élargi en avril par un nouveau décret, aux bâtiments plus petits, d'environ 1.000 m2, qui devront s'équiper avant 2027.

Mais la mise en oeuvre de ce décret "semble à ce jour limitée", alors que le déploiement de ces solutions de pilotage "pourrait représenter jusqu'à 6 GW en période de pointe pour les bâtiments tertiaires. Une marge de manoeuvre appréciable, au regard du dernier hiver, au cours duquel les autorités ont craint que le réseau électrique ne tienne pas, contraint par un parc nucléaire amoindri.

Parmi les principales recommandations formulées, une meilleure information des professionnels : "il est nécessaire de diffuser la culture de la gestion de l'énergie dans l'ensemble de la filière afin d'accélérer et de fluidifier la mise en place et l'utilisation des systèmes de pilotage", indique le rapport. Il prône par ailleurs un renforcement des aides financières notamment via les certificats d'économies d'énergie (CEE), qui obligent les énergéticiens à financer des opérations d'économies, dans ce cas en "soutenant l'installation des systèmes de gestion technique des bâtiments (GTB), qui permettent d'optimiser par l'informatique la consommation d'énergie. Le rapport recommande également une "valorisation économique" de la flexibilité dans les contrats des opérateurs. AFP