Pourquoi tant de non-recours à la prime d'activité ?
Une étude très complète de la Cnaf décortique les motifs du non-recours à la prime d'activité en fonction des parcours : méconnaissance de la prestation, représentation erronée des conditions d'éligibilité, complexité supposée, rapport aux institutions... et, à partir de là, préconise un certain nombre d'actions à mettre en oeuvre.
La Cnaf (Caisse nationale des allocations familiales) publie, dans ses "Dossiers d'étude", une analyse très fouillée (250 pages) sur le non-recours à la prime d'activité. Il s'agit en l'occurrence d'une étude qualitative, reposant sur une quarantaine d'entretiens avec des entrants et des sortants de cette prestation (donc des personnes qui ont eu accès à la prime). Cette étude s'appuie néanmoins aussi sur les résultats d'une étude quantitative récurrente menée régulièrement auprès des bénéficiaires de la prime d'activité.
Trois grandes catégories de parcours dans la prime d'activité
L'étude montre qu'il existe "une très grande diversité de parcours dans la prestation dans lesquels la ou les périodes de non?recours peuvent occuper une place plus ou moins importante". Il en ressort néanmoins trois grandes catégories. Tout d'abord, les parcours marqués par une entrée tardive dans la prime d'activité. Ces situations de "non-demande initiale" s'expliquent avant tout par une méconnaissance de la prime d'activité et d'un manque d'information. L'élément déclencheur du recours est alors le plus souvent une information apportée par l'entourage (qu'il soit personnel ou professionnel). Cette catégorie regroupe principalement les moins de 30 ans, les foyers isolés et les actifs travaillant à temps plein avec une certaine stabilité de statut d'emploi et de ressources au cours de leur parcours dans la prime d'activité.
Seconde catégorie : les parcours marqués par des allers?retours dans la prime d'activité, qui recouvrent à la fois des non-recours épisodiques (parcours relativement stable dans la prestation, marqué par un voire deux épisodes de non?recours de courte durée) et des non-recours répétitifs (parcours plus "chaotiques" dans la prime d'activité, marqués par plus de deux épisodes de non?recours, de plus longue durée et de plus forte récurrence). Dans le premier cas, c'est principalement une représentation erronée de l'éligibilité qui joue. Dans le second cas, ce sont plutôt les modalités de fonctionnement de la prestation qui expliquent ces épisodes. Dans les deux cas, le principal facteur réside dans des "changements de situations professionnelles et/ou personnelles entraînent une nouvelle appréhension de leurs besoins". Cette seconde catégorie de non-recours est plus spécialement présente chez d'anciens bénéficiaires du RSA activité et chez des allocataires ayant connu des changements de situation familiale et/ou professionnelle.
Enfin, la troisième catégorie regroupe les parcours marqués par des sorties prématurées de la prime d'activité. Il s'agit d'allocataires qui ne bénéficient plus de la prime alors qu'ils y sont éligibles. Contrairement aux deux catégories précédentes, les raisons du non-recours sont multiples : mauvaise représentation de l'éligibilité, démarches de demande de la prime d'activité perçues comme particulièrement complexes, non-perception de sa situation et/ou de son besoin...
Des facteurs et des freins
De tous ces éléments, l'étude tire un certain nombre de facteurs explicatifs récurrents, sur lesquels il conviendrait de travailler. Le premier d'entre eux est bien sûr la méconnaissance de la prestation. Sur ce point, la communication assurée par les CAF sur la prime est très largement ignorée des personnes interrogées. Viennent ensuite la représentation erronée de l'éligibilité (sentiment de ne pas avoir droit à la prime d'activité), suivie de la complexité supposée de la prestation. De la même façon, la dématérialisation de ces démarches peut constituer un frein, de même que la méconnaissance du mécanisme des DTR (déclarations trimestrielles de ressources) et celle du mode de calcul de la prestation.
Au-delà des éléments, l'étude pointe aussi l'existence d'un certain nombre de freins chez les allocataires. Ceux-ci peuvent être liés aux caractéristiques des allocataires potentiels et à leur comportement vis?à?vis de la prestation (âge, isolement, précarité, cadre de valeurs...). Ces freins peuvent aussi être liés aux représentations et aux expériences que les allocataires ont des institutions.
Un "enjeu majeur" en matière d'information
Il existe donc très clairement "un enjeu majeur en matière d'accès à un premier niveau d'information pour les allocataires, mais également d'identification d'intermédiaires pouvant délivrer une information pertinente" (famille, entourage professionnel...).
Des actions de communications ciblées seraient également bienvenues à destination certains publics comme les jeunes actifs, mais aussi vers certaines branches professionnelles "repérées au fil des investigations". Enfin, "le simulateur de droits, lorsqu'il est bien utilisé, apparaît décisif dans l'accès à une information rapide et simple concernant l'éligibilité et le niveau de prime d'activité". Face à la fracture numérique, l'étude rappelle toutefois qu'il convient de maintenir une attention particulière vis-à-vis des allocataires les plus précaires et les publics les plus éloignés des outils numériques.