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AAH et prime d'activité : des hausses, des baisses et au final toujours un dérapage

Les crédits consommés en 2018 pour l'allocation aux adultes handicapés (5,6 milliards d'euros) et pour la prime d'activité (9,69 milliards d'euros) ont été impactés par diverses réformes ou mesures.

Dans le cadre du rapport sur le projet de loi de règlement du budget et d'approbation des comptes de l'année 2018, les rapporteurs spéciaux Arnaud Bazin, sénateur (LR) du Val d'Oise, et Éric Bocquet, sénateur (PC) du Nord, se sont penchés sur l'exécution des crédits de la mission "Solidarité, insertion et égalité des chances". Celle-ci a bénéficié, dans la loi de finances initiale pour 2018, d'une dotation de 19,65 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) comme en crédits de paiement (CP). Les crédits consommés pour l'allocation aux adultes handicapés (5,6 milliards d'euros) et pour la prime d'activité (9,69 milliards d'euros) représentent près de 80% des crédits affectés à l'ensemble de la mission.

Dégel de la réserve budgétaire et ouverture de crédits

Comme cela est fréquent sur cette mission, les crédits exécutés se sont révélés supérieurs à la dotation initiale, avec respectivement 19,83 milliards d'euros en AE et 19,85 milliards d'euros en CP, soit un dérapage budgétaire d'environ 200 millions d'euros. Ce dépassement d'environ 1% est toutefois inférieur à celui des années précédentes, traduisant ainsi une amélioration de la fiabilité des prévisions budgétaires.

Si le dérapage est nul sur les crédits du programme 157 "Handicap et dépendance" (-0,1%) – dont l'AAH ne constitue toutefois qu'une partie –, il est en revanche significatif sur ceux du programme 304 "Inclusion sociale et protection des personnes" (+3,2%). Pour les rapporteurs spéciaux, l'exécution 2018 de la mission Insertion est "marquée par le dynamisme des dépenses d'intervention, notamment de la prime d'activité et de l'AAH". Ils estiment en effet que "les dépenses d'intervention financées par cette mission [...] sont structurellement orientées à la hausse, en raison des évolutions démographiques, avec le vieillissement de la population, et notamment le faible taux de sortie du dispositif de l'AAH".

Ce nouveau dépassement a nécessité le dégel quasi-total des crédits de la réserve de précaution (98,7% des crédits gelés finalement débloqués). Mais il a fallu aussi procéder à des ouvertures de crédits en loi de finances rectificative, "d'un montant toutefois plus limité que les années précédentes". Au total, 261,45 millions d'euros de crédits supplémentaires ont dû être ouverts en loi de finances rectificative sur le programme 304 pour le financement de la prime d'activité (contre 1,2 milliard d'euros de crédits supplémentaires en 2017).

Un exemple à méditer pour le revenu universel d'activité ?

Le plus intéressant du rapport réside toutefois dans l'analyse de l'impact des réformes intervenues en 2018 sur ces deux prestations. Les deux rapporteurs spéciaux font en effet la somme des réformes se traduisant par une hausse de la dépense et de celles, quasi simultanées, ayant vocation à la contenir.

Ainsi, ces prestations ont bénéficié de deux mesures de revalorisation en 2018 : la hausse de 20 euros du montant forfaitaire de la prime d'activité au 1er septembre 2018 (pour un coût 2018 de 239 millions d'euros) et la revalorisation de l'AAH à 860 euros par mois au 1er décembre 2018 (pour un coût 2018 de 40 millions d'euros).

A l'inverse, pas moins de quatre mesures ont tenté de freiner la dépense sur ces deux prestations. L'une d'entre elles concerne l'AAH et a d'ailleurs été très critiquée par les associations. Il s'agit de l'abaissement de 2,0 à 1,8 Smic du plafond de revenus pour les couples bénéficiaires de l'AAH (13 millions d'euros d'économies attendus en 2018).

Les trois autres mesures d'économie concernent la prime d'activité : la suppression de la prise en compte des rentes accident du travail/maladie professionnelle (AT/MP) et des pensions d'invalidité dans le calcul de la prime d'activité (20 millions d'euros d'économie attendus sur 2018), la diminution de 62% à 61% de la "pente" autrement dit de l'abattement sur les revenus d'activité pris en compte dans le calcul de la prime d'activité (70,7 millions d'euros) et, enfin, l'impact de la baisse des cotisations, qui a pour effet d'augmenter le revenu professionnel des personnes en emploi et donc de diminuer le montant dû au titre de la prime d'activité (70 millions d'euros)

Sur la prime d'activité, les économies réalisées en 2018 (161 millions d'euros) couvrent une bonne part de la dépense supplémentaire résultant de la revalorisation de la prestation (239 millions d'euros). Pourtant, cela n'a pas suffi à empêcher le dérapage de cette prestation, tirée essentiellement par l'amélioration du taux de recours. Un enseignement qui devrait forcément resurgir lors de la discussion sur le revenu universel d'activité et sur la possibilité ou non de mener cette réforme à enveloppe constante, alors que l'un de ses principaux objectifs est précisément de lutter contre le non recours aux droits...

 

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