PLF 2019 - L'Assemblée adopte les crédits de la mission Solidarité, la prime d'activité dérape toujours
Dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2019, l'Assemblée nationale a adopté, le 8 novembre, les crédits de la mission "Solidarité, insertion et égalité des chances", ainsi que ceux de la mission "Santé". Ces deux missions bénéficient d'une forte croissance de leurs crédits : +7% pour la mission Solidarité et +3,5% pour la mission Santé. Pour Agnès Buzyn en effet, ce budget "porte les mêmes priorités" que le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) : "donner aux plus fragiles, agir sur les facteurs du déterminisme social et donner aux salariés modestes pour que le travail paie davantage".
Le budget de l'AAH passe la barre des 10 milliards d'euros
La progression des crédits de ces deux missions tient aussi beaucoup, de façon mécanique, à la concrétisation de deux engagements du chef de l'État, portant sur l'allocation aux adultes handicapés (AAH) et sur la prime d'activité. Ainsi, le programme "Handicap et dépendance" (n°157) voit, pour la première fois, le montant alloué à l'AAH franchir la barre des 10 milliards d'euros, pour atteindre 10,28 milliards (AAH + majoration pour la vie autonome).
Cette progression tient compte de deux revalorisations de la prestation : celle intervenue le 1er novembre 2018 (passage à un montant mensuel de 860 euros pour une allocation à taux plein, soit 41 euros de plus) et celle à venir en novembre 2019, qui portera le taux plein mensuel à 900 euros. Ces hausses représentent un effort de plus de 500 millions d'euros en 2019 et de plus de 2 milliards d'euros sur la durée du quinquennat. Avec l'évolution correspondante des plafonds de ressources, le nombre d'allocataires de l'AAH devrait, pour sa part, augmenter d'environ 60.000 personnes entre 2017 et 2019, pour atteindre un total de 1.192.600 allocataires.
Prime d'activité : taux de recours et revalorisation
La prime d'activité est l'autre prestation qui explique la forte croissance des crédits de la mission Solidarité. Ce poste progresse sous une double influence. D'une part, la hausse continue du nombre d'allocataires en raison de l'amélioration du taux de recours (voir notre article ci-dessous du 1er octobre 2018). D'autre part, la revalorisation du montant forfaitaire de la prime d'activité (permettant de calculer la somme à verser en fonction des revenus), passé de 531,51 euros à 551,51 euros par mois (+20 euros) pour une personne seule sans enfant, le 1er août 2018 (mais appliqué seulement le 1er octobre du fait de la trimestrialisation de la prime).
La revalorisation du montant forfaitaire devrait entraîner une dépense supplémentaire de 32,4 millions d'euros en 2018, mais de 777 millions d'euros en année pleine. Cette hausse est toutefois partiellement compensée par la baisse de la "pente" (la prise en compte des revenus d'activité), qui passe de 62% à 61% (un euro de plus d'activité diminue la prime d'activité de 1 - 0,61 = 39 centimes, au lieu de 38 centimes). Cette baisse de la pente devrait engendrer une économie de 29 millions d'euros en 2018 et de 317 millions en année pleine. Le coût de la revalorisation en année pleine serait ainsi ramené à 777 - 317 = 460 millions d'euros.
Dans ces conditions - et selon les chiffres fournis par la Cnaf -, les dépenses de la prime d'activité s'élèveraient à 5,598 milliards d'euros en 2018. Ce chiffre représente un dérapage de 219,2 millions d'euros (4%) par rapport à la dotation adoptée en loi de finances initiale, nécessitant une ouverture de crédits complémentaire en loi de finances rectificative. Les crédits de la prime d'activité sont ainsi en dérapage depuis la création de la prestation au 1er janvier 2016. Pour 2019, la dotation de la prime d'activité est portée à 6 milliards d'euros, soit environ 183 millions de plus que la prévision de réalisation pour 2018. Pour être complet, il faut ajouter la budgétisation de 480 millions d'euros pour la "prime de Noël" 2019, au bénéfice des allocataires du RSA, de l'allocation de solidarité spécifique (ASS), de l'allocation équivalent retraite (AER) et de l'allocation transitoire de solidarité (ATS).
La prochaine revalorisation de la prime d'activité avancée au 1er avril
Lors de son audition par la commission des affaires sociales de l'Assemblée, le 31 octobre, Agnès Buzyn a annoncé que le gouvernement a décidé d'accélérer la revalorisation de la prime d'activité. La ministre des Solidarités et de la Santé a ainsi indiqué que "la prime d'activité au Smic augmentera de 30 euros supplémentaires dès avril 2019", alors que cette revalorisation devait intervenir seulement en août. Cette nouvelle bonification est créée par l'article 82 du PLF, mais le changement de date d'effet a nécessité un amendement en séance. La prime d'activité augmentera ensuite de 20 euros en avril 2020, puis encore de 20 euros en 2021.
Cette revalorisation de 30 euros avancée à avril aura un impact budgétaire de 140 millions d'euros. Celui-ci sera toutefois pour partie compensé par le gel de l'indexation du montant forfaitaire et de la bonification principale de la prime sur l'évolution des prix (augmentation bloquée à 0,3%). Selon la direction du budget, cette mesure doit engendrer une économie budgétaire de 100 millions d'euros en 2019 et de 400 millions d'euros en 2020.
Au final, l'impact des différentes mesures sur la prime d'activité (dépenses supplémentaires et économies budgétaires), devrait se traduire par un effort budgétaire net supplémentaire de 500 millions d'euros. Un chiffre qui semble assez loin de la marge disponible laissée par l'enveloppe totale de six milliards d'euros...