Handicap - Le nombre de bénéficiaires de l'AAH a doublé depuis 1990
Alors que ce réunissait le 25 octobre le comité interministériel du handicap (lire notre article), la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) des ministères sociaux publie une étude sur l'évolution du nombre et le profil des bénéficiaires de l'allocation aux adultes handicapés (AAH) depuis 1990. Elle montre que ce nombre a plus que doublé, passant de 537.600 en 1990 à 1.129.300 au 31 décembre 2017, au point de faire de l'AAH le principal minimum social derrière le RSA.
Contrairement à d'autres minima sociaux et prestations, cette progression est loin de ralentir, mais tend au contraire à s'accélérer depuis une décennie. Le nombre d'allocataires de l'AAH1 (taux d'incapacité d'au moins 80%) a progressé de 12,8% depuis 2006, soit en une décennie. Mais surtout, celui des allocataires de l'AAH2 (taux compris entre 50% et 79%) a doublé sur la même période. L'AAH2 représente aujourd'hui 44,4% du nombre total d'allocataires de la prestation.
L'étude avance plusieurs explications pour justifier cette évolution. Entre 1990 et 2005, la croissance des effectifs de l'AAH - de l'ordre de 2,7% par an - a été portée par la démographie, et plus précisément les effets du "baby boom". C'est en effet dans cette période que les générations du "baby boom" arrivent à un âge compris entre 45 et 60 ans, qui est la tranche d'âge présentant la plus forte prévalence de l'AAH. A partir de 2006-2007, les "baby-boomers" atteignent l'âge de 60 ans, qui voit les bénéficiaires basculer sur la retraite (le recul de l'âge de départ à la retraite figure d'ailleurs parmi les facteurs d'explication). A partir de cette date - et dans le prolongement de la loi Handicap du 11 février 2005 -, ce sont les relèvements successifs des plafonds d'accès et du montant de la prestation qui expliquent la forte croissance du nombre d'allocataires (s'agissant d'une allocation différentielle, toute revalorisation accroît le plafond de ressources et donc le nombre d'allocataires). Une tendance qui va se poursuivre avec la nouvelle revalorisation de 100 euros par mois prévue sur la durée du quinquennat d'Emmanuel Macron. En relevant au passage la décision du comité interministériel du 25 octobre de permettre l’attribution de "droits à vie" aux personnes "dont le handicap n’est pas susceptible d’évoluer favorablement", parmi lesquelles les bénéficiaires de l'AAH1.
Handicapés en couple : le Sénat rejette une proposition de loi
Les sénateurs ont rejeté le 24 octobre une proposition de loi du groupe CRCE (à majorité communiste) visant à supprimer la prise en compte des revenus du conjoint dans le calcul de l'AAH. La sénatrice Eliane Assassi a souligné que le même texte avait été porté à l'Assemblée nationale par Marie-George Buffet, "cosigné par des députés issus de groupes allant des Républicains à la France insoumise, en passant par La République en marche". "Notre objectif est avant tout d'envoyer un signe positif aux personnes handicapées", a-t-elle plaidé dans l'hémicycle, rappelant que le montant de l'AAH est "dégressif" dès que les revenus du conjoint atteignent "1.126 euros" et qu'elle n'est plus versée au-delà de "2.200 euros". "L'invalidité, ce n'est pas le conjoint qui la supporte, mais bien la personne handicapée", a-t-elle fait valoir.
Le débat a porté sur la nature de l'AAH. Pour l'auteure de la proposition de loi, Laurence Cohen, l'AAH a vocation à être "une allocation de compensation, et non une aide temporaire à l'instar des minima sociaux". "L'AAH est un minimum social", a au contraire défendu Sophie Cluzel, secrétaire d'Etat chargée des Personnes handicapées. Elle "s'articule avec la solidarité entre époux, principe de base de notre modèle social", a-t-elle ajouté. Disant "comprendre l'inspiration de cette proposition de loi", Arnaud Bazin, rapporteur spécial LR de la commission des Finances, a noté "qu'aujourd'hui elle n'est absolument pas financée".
Avec AFP