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Le PLF 2020, entre baisses d'impôts et coups de rabot

Le projet de loi de finances pour 2020 a été présenté ce vendredi 27 septembre en conseil des ministres. Principaux choix budgétaires, nouveautés fiscales pour les ménages comme pour les entreprises… Premier retour sur quelques grandes tendances et points saillants de ce PLF par lequel le gouvernement entend principalement favoriser "l'investissement et la consommation". En sachant que les dispositions sur les finances locales - fiscalité et dotations - avaient été dévoilées la veille, sans grande surprise à la clef.

Le gouvernement a dévoilé jeudi 26 septembre à la presse, puis a présenté le lendemain en conseil des ministres, un projet de loi de finances marqué par un soutien au pouvoir d'achat, dans un contexte de ralentissement attendu de la croissance, d'inquiétudes sur l'économie mondiale… et sur fond de post-crise des gilets jaunes. Ces éléments "nous amènent à prendre des décisions qui favorisent l'investissement et la consommation", a défendu le ministre de l'Économie et des Finances, Bruno Le Maire.

Le gouvernement prévoit ainsi plus de 9 milliards d'euros de réductions d'impôts pour les ménages, notamment via la baisse de 5 milliards d'euros de l'impôt sur le revenu qu'avait promise Emmanuel Macron à l'issue du Grand Débat national. En parallèle, la suppression de la taxe d'habitation va se poursuivre et concerner l'an prochain 80% des ménages, soit un gain de plus de 3 milliards d'euros pour les contribuables concernés… et le remue-ménage que l'on sait pour les collectivités.

Les principales dispositions relatives aux finances des collectivités avaient été présentées dès jeudi 26 septembre aux membres du comité des finances locales. Le schéma connu depuis plusieurs mois pour la réforme fiscale liée à la suppression de la taxe d'habitation a bien été confirmé. Avec, pour l'heure, peu de précisions nouvelles. Les montants des concours financiers aux collectivités ont en outre été communiqués, sans grandes surprises là encore (pour le détail, lire notre article du 26 septembre).

Les mesures censées soutenir le pouvoir d'achat doivent aussi permettre d'alimenter une croissance économique menacée par le ralentissement de l'économie mondiale et les incertitudes liées aux tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine et le Brexit. Le gouvernement a d'ailleurs revu à la baisse sa prévision de croissance pour 2020, à 1,3%, contre 1,4% prévu initialement. La France fera ainsi moins bien que cette année, où le produit intérieur brut (PIB) est attendu en hausse de 1,4%. Et globalement, l'équation budgétaire a été compliquée à boucler pour l'exécutif, qui a dû infléchir son effort de baisse du déficit et de réduction des dépenses publiques.

Côté économies, le projet de loi de finances confirme toutefois le quasi-gel de la plupart des prestations sociales : comme l'an dernier, les allocations familiales, les aides personnalisées au logement et les pensions de retraites supérieures à 2.000 euros ne seront revalorisées que de 0,3%, largement moins que l'inflation.  En revanche, après avoir déjà accepté de réindexer sur l'inflation les pensions de retraites de moins de 2.000 euros, le gouvernement a dû abandonner in extremis la réduction d'un avantage pour les seniors qui emploient une aide à domicile.

Dans le même temps, le gouvernement devrait tirer les fruits de la modification du calcul du montant des aides au logement. Le montant perçu sera désormais déterminé par rapport aux revenus de l'année en cours du bénéficiaire et non des revenus enregistrés deux ans plus tôt. C'est ce qu'on appelle la "contemporanéisation" des APL (dont il a beaucoup été question ces derniers jours au congrès de l'Union sociale pour l'habitat). Le gouvernement en attend 1,3 milliard d'euros d'économies en année pleine.

Le gouvernement prévoit également de durcir l'accès aux aides à la rénovation énergétique. Le crédit d'impôt (CITE) va être transformé en prime accessible directement à la fin des travaux mais il sera supprimé pour les 20% de ménages les plus aisés. Pour 2020, seuls les 40% de ménages les plus modestes auront accès à la prime et les 40% suivants pourront encore recourir au CITE. Au total, le gouvernement prévoit d'allouer 800 millions d'euros à ce dispositif, qui doit aussi se substituer aux aides pour travaux simples de l'Agence de l'habitat (Anah).

Par ailleurs, l'organisme Action Logement, l'ex-1% Logement, se voit ponctionné de 500 millions d'euros. Ce prélèvement s'ajoute aux 300 millions d'euros par an que devra verser Action Logement pour compenser la baisse des économies demandées par l'État aux organismes HLM.

De leur côté, les entreprises verront certaines niches fiscales progressivement supprimées. Ainsi, l'exonération partielle de taxe sur le gazole non routier sera supprimée progressivement sur trois ans, avec un premier pas en juillet 2020, pour le secteur du BTP et de la construction. En revanche, l'agriculture et le transport ferroviaire ne seront pas concernés. La mesure devrait rapporter 200 millions d'euros en 2020, 650 millions en 2021 et 870 millions à compter de 2023. Elle sera accompagnée d'"aides", a précisé Bruno Le Maire. Sachant qu'elle pourra avoir un impact indirect pour les acheteurs publics dont les collectivités, il a en outre indiqué que "les travaux d'entretien des réseaux des collectivités locales seront éligibles au FCTVA".

Entreprises toujours, la déduction forfaitaire spécifique, qui consiste en un abattement de charges patronales dans certains secteurs comme le BTP, l'aviation ou le nettoyage, sera elle réduite de 400 millions d'euros. L'impôt sur les sociétés va bien baisser, mais moins vite que prévu. Le projet de budget 2020 acte aussi des rabots sur le forfait de fonctionnement lié au crédit d'impôt recherche et les incitations au mécénat d'entreprise (sauf pour les dons aux associations d'aide aux démunis), mais leur mise en application attendra 2021.

Au total, les entreprises contribueront à hauteur de 1,3 milliard d'euros aux économies, mais elles verront globalement leurs prélèvements se contracter d'un milliard d'euros, a assuré Bercy. En réponse aux critiques du patronat sur ces mesures, Bruno Le Maire a défendu la "constance" du gouvernement dans son soutien à la compétitivité des entreprises.

La fonction publique d'État sera elle finalement moins mise à contribution, avec des effectifs quasi stables pour l'ensemble des agents de l'État et des opérateurs ayant mission de service public. Mais les évolutions sont très variables d'un ministère à l'autre, l'Intérieur et la Justice étant les grands gagnants et la Transition écologique et la Cohésion des territoires les grands perdants. Au cours du quinquennat, 10.500 postes seront supprimés, loin des 50.000 prévus dans le programme présidentiel, a annoncé le ministre des Comptes publics, Gérald Darmanin.

Conséquence : le déficit va bien baisser l'an prochain, après le pic atteint cette année (3,1%), mais il se situera à 2,2% du PIB, contre 2% initialement prévu par le gouvernement. Surtout, le déficit structurel (hors éléments exceptionnels et évolution de la conjoncture) restera stable, et la dette publique va à peine baisser à 98,7% du PIB, après un bond à 98,8% cette année. Une situation pointée par le Haut Conseil des finances publiques qui, dans un avis, regrette un effort "pratiquement nul" pour respecter la trajectoire initiale du déficit structurel.

Bruno Le Maire a défendu les choix du gouvernement : "Vous faites un budget en fonction de priorités économiques et d'une situation économique et sociale", a-t-il insisté, défendant un "acte politique" qui répond à la "crise sociale". Il a aussi assuré que le rétablissement des finances publiques restait la "ligne stratégique" du gouvernement et "donne des résultats".

Quelques points à relever également...

Agence nationale de la cohésion des territoires
L’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) qui doit entrer en service au 1er janvier 2020 se voit dotée d’un budget d’amorçage de 50 millions d’euros dont 10 consacrés à l’ingénierie. On est assez loin des 150 à 200 millions d’euros préconisés par la mission Agenda rural. L’agence (dont le décret n’est toujours pas publié) déploiera "les programmes d’appui partenariaux qui impactent la vie quotidienne des Français, et qui soutiennent la redynamisation des territoires, en partant des projets des territoires (Agenda rural, Action cœur de ville, France Services, Territoires d’industrie, etc.)", précise Bercy. On sait depuis la semaine dernière que l’un de ses premiers chantiers sera la mise en œuvre du nouveau programme de revitalisation des centres de petites villes "Petites Villes de demain", dans la foulée des élections municipales.

Exonérations commerciales
S’agissant de la feuille de route de l’Agenda rural dévoilée par le Premier ministre, la semaine dernière à Eppe-Sauvage (Nord), certaines annonces vont se concrétiser comme la création de zones d’exonérations commerciales pour les petites communes. Il s’agira de permettre aux communes qui le souhaitent des exonérations pour les derniers petits commerces (entreprises de moins de 11 salariés et de moins de 2 millions de chiffre d’affaires annuel), et ce pour trois types d’impôts de production : cotisation foncière des entreprises (CFE), la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) et la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). La compensation de l’État sera de 33%. L’objectif est de "mobiliser un outil d’incitation fiscale pour maintenir les derniers commerces de proximité (commerces de bouche, épicerie, restaurants, cafés…) et encourager la réinstallation de commerces dans ces territoires", avait précisé Matignon la semaine dernière, évoquant un seuil de 3.500 habitants. Bercy ne reprend pas ce seuil mais mentionne explicitement "les territoires ruraux (petites communes ayant encore moins de dix commerces et non intégrées à une aire urbaine)" et "les zones d’intervention des communes ayant signé une convention ORT (opération de revitalisation de territoire, ndlr) et dont le revenu médian par unité de consommation est inférieur à la médiane nationale".

Grand Plan d’investissement
Le Grand Plan d’investissement de 57 milliards d’euros sur la durée du quinquennat (qui a pris la suite du programme d’investissements d’avenir lancé sous Nicolas Sarkozy puis repris par François Hollande) se poursuit pour la troisième année avec une enveloppe de 6 milliards d’euros sur le budget de l’État (d’autres opérateurs comme la Caisse des Dépôts et Bpifrance y contribuent également). Il permettra notamment la poursuite du Plan d’investissement dans les compétences (PIC). Une enveloppe de 245 millions d’euros financera l’innovation dans le secteur agricole.

Réseaux consulaires
Le projet de budget poursuit cure d’amaigrissement des réseaux consulaires avec une nouvelle baisse de 100 millions d’euros sur la taxe pour frais de chambres des CCI (soit une baisse équivalente sur la fiscalité des entreprises) ; la trajectoire est d’une réduction de 400 millions sur quatre ans. Les chambres d’agriculture, elles aussi engagées dans un mouvement de transformation et de mutualisation verront le niveau de la taxe additionnelle à la taxe sur le foncier non bâti (TA-TFNB) ramené à 247 millions d’euros, soit une baisse de 45 millions d’euros sur l’année.

 

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