Logement / Urbanisme - Pour libérer le foncier outre-mer, un rapport du Sénat veut sortir du "fléau endémique" de l'indivision
Depuis toujours, la question du foncier constitue le premier frein au développement du logement outre-mer et notamment du logement social. La difficulté tient moins à la rareté du foncier qu'à l'imbroglio juridique qui entoure la question. La délégation sénatoriale à l'Outre-mer vient donc de remettre son rapport d'information sur le sujet, intitulé "Une sécurisation du lien à la terre respectueuse des identités foncières : trente propositions au service du développement des territoires". Les travaux ont été menés par Thani Mohamed Soilihi, député de Mayotte (Socialiste), Mathieu Darnaud, député de l'Ardèche (Les Républicains) et Robert Laufoaulu, député de Wallis-et-Futuna (Les Républicains).
Résorber les imbroglios juridiques
Le rapport commence par rappeler que "la terre, pivot de l'organisation économique et sociale des sociétés ultramarines, voit son mode de gouvernance dominé par les principes de la solidarité et du consensus". Or, "la confrontation au cadre civiliste formaliste et l'irruption des logiques de profit du monde moderne ont progressivement fait passer l'individu au premier plan et ont ébranlé les fondements traditionnels de la sécurité juridique".
Il s'agit donc de résorber les imbroglios juridiques qui grèvent certains territoires. Une démarche qui devra s'entourer de nombreuses précautions car le sujet est très sensible, avec "dans certains cas, une période de transition et en tous cas des solutions audacieuses pour apurer les situations inextricables".
Le problème numéro un à surmonter est celui de l'indivision, "un fléau endémique largement répandu outre-mer et qui aboutit à un gel du foncier. Le rapport indique ainsi qu'en Martinique, 26% du foncier privé est géré en indivision, tandis que 14% supplémentaires correspondent à des successions ouvertes. A Mayotte, le territoire de certaines communes se trouve presque entièrement en indivision. En Polynésie française, certaines indivisions comptent plusieurs centaines d'indivisaires...
L'indivision est souvent vécue comme une protection contre la dislocation du patrimoine familial. Elle permet également aux familles, aux revenus souvent modestes, d'échapper aux impôts fonciers et aux droits de succession, du moins pour les indivisaires non identifiés.
Mesures générales pour l'outre-mer et mesures spécifiques pour les COM
Dans les DOM soumis au droit commun (Guadeloupe, Guyane, Martinique, La Réunion), le rapport propose deux mesures pour sortir de l'impasse. D'une part, clarifier, dans le Code de procédure civile, les modalités de recours à l'expert pour évaluer les immeubles indivis, afin de faciliter l'action du notaire et d'éviter l'intervention du juge, mais aussi faciliter la désignation d'un représentant des ayants droit défaillants (prévue par le Code), en dressant une liste de personnes susceptibles de remplir cette fonction.
D'autre part, et pour les indivisions dont la gestion est paralysée par le nombre pléthorique des indivisaires et l'incapacité à identifier l'ensemble des ayants droit, prévoir des règles de majorité allégée et une caducité du droit de recours en annulation des indivisaires n'ayant pas pris part aux actes de gestion. Cette seconde mesure vaut pour les DOM comme pour les collectivités d'outre-mer.
Par ailleurs, le rapport prévoit de nombreuses dispositions spécifiques (28 sur les 30 préconisées) pour les cas de Mayotte – qui "reste très imprégnée des règles traditionnelles héritées de coutumes africaines et du droit musulman" -, pour Wallis-et-Futuna - où les terres sont intégralement régies par la coutume et la transmission orale – et pour la Nouvelle-Calédonie. Sans entrer dans le détail de ces propositions, la mesure n°12 surprend quelque peu en semblant s'éloigner du sujet. Elle préconise en effet de "soumettre à un régime de déclaration préalable la construction des bangas [petites maisons aux murs colorés, à l'entrée des villages, ndlr], par dérogation à l'article R.421-2 du Code de l'urbanisme, afin de faciliter l'intervention des forces de l'ordre dans la lutte contre les occupations illicites et, au-delà, contre l'immigration clandestine".