Médicosocial - Pour la Cour des comptes, il est urgent de réformer - vraiment - la tarification des Ehpad
A l'issue de la procédure contradictoire, la Cour des comptes a publié, le 24 novembre, un référé sur le financement des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), mais aussi - de façon assez marginale - sur celui de certains établissements pour adultes handicapés (rapprochement qui nuit d'ailleurs à la cohérence du référé). Ce document de quelques pages aborde cinq points : la "réforme inaboutie" de la tarification, la contractualisation, les référentiels de coûts opposables, les cofinancements et, enfin, la prise en charge des dépenses d'hébergement par l'aide sociale des départements. Le tout assorti de six recommandations adressées à la ministre des Affaires sociales et de la Santé.
Revoir le processus d'allocation des ressources
Sur la réforme de la tarification - dont l'enjeu porte sur les 11 milliards d'euros annuels de crédits publics pour les Ehpad et les 13 milliards d'euros pour les établissements pour adultes handicapés -, la Cour des comptes relève la forte progression des dépenses de 2008 à 2012 (respectivement +27% et +20%), sous l'effet des programmes de création de places. Face à cette évolution rapide - mais aussi aux tensions croissantes sur l'Ondam médicosocial (objectif national des dépenses d'assurance maladie) et sur les budgets des départements -, le référé constate que "pour autant, les modalités de tarification de ces établissements n'ont pas évolué".
La réforme de la tarification est pourtant officiellement engagée depuis la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2009, avec la mise en place de ressources forfaitaires pour les soins et l'hébergement. Celle-ci aurait dû se traduire concrètement dans le projet de loi relatif à l'adaptation de la société au vieillissement, en cours d'examen au Parlement. Mais la décision du gouvernement de renvoyer à une loi ultérieure les dispositions relatives aux Ehpad laisse peser un sérieux doute sur la mise en œuvre effective de la réforme de la tarification avant la fin de la législature. A défaut de cette réforme, la Cour juge néanmoins "nécessaire de définir, sans attendre, les voies et moyens permettant de créer dès maintenant, en s'appuyant sur la réglementation existante, les conditions d'un processus d'allocation des ressources plus dynamique et plus objectif".
Des conventions tripartites plus "musclées" et des référentiels opposables
Dans le même esprit, le référé juge souhaitable de généraliser les conventions tripartites - ce qui est déjà très largement engagé -, mais aussi et surtout de revoir le contenu de ces conventions qui, aujourd'hui, "ne permettent ni d'asseoir une tarification pluriannuelle, ni de promouvoir des performances de gestion, ni de valoriser les mutualisations de moyens". En outre, la Cour estime que la question de la contractualisation s'étend, dans le secteur médicosocial, bien au-delà des seuls Ehpad. Elle plaide pour "un dispositif plus volontariste et plus contraignant, qui n'exclut pas - mais, au contraire, organise - la montée en charge progressive des contrats, en visant en priorité les organismes gestionnaires les mieux implantés localement".
La réforme de la tarification, comme le développement de la contractualisation, supposent de disposer de référentiels de coûts opposables, ce qui est encore loin d'être le cas aux yeux de la Cour. Celle-ci propose donc de lancer une "mission d'expertise, d'information et d'animation", sous l'égide de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA).
Le référé propose également de simplifier la pratique des co-financements, avec deux exemples précis en ligne de mire : d'une part, la "fongibilité" des crédits des foyers d'accueil médicalisés (FAM) pour handicapés - avec la récupération des excédents par les ARS - et, d'autre part, la répartition du financement des postes des aides-soignants et des aides médico-psychologiques (AMP) dans les Ehpad, à 70% sur la section des soins (assurance maladie) et à 30% sur celle de la dépendance (départements). Le référé estime en effet que "les co-financements de structures compliquent le dispositif d'allocation des ressources et la gestion des établissements concernés".
Enfin, et vis-à-vis des départements, la Cour des comptes plaide en faveur d'une mise en œuvre rapide de "la possibilité de moduler les tarifs des résidents selon leur prise en charge ou non au titre de l'aide sociale".