Environnement - Politique de l'eau : Ségolène Royal annonce un flot de mesures
Un objectif : accélérer les actions sur l'eau et remettre à plat les priorités de la politique de l'eau, dont le bilan reste jusque-là mitigé. Tel fut le propos de la ministre de l'Ecologie, ce 23 juillet, en Conseil des ministres. Cette communication intervient une semaine après que les préfets coordonnateurs de bassin, directeurs régionaux de l'environnement (Dreal) et directeurs d'agence de l'eau se sont réunis à sa demande. Une réunion dont il est ressorti quatre chantiers à consolider. Et autant de priorités sur lesquelles les agences de l'eau sont conviées à se recentrer, en y concentrant leurs financements.
3.800 communes en zone vulnérable
Coûte que coûte, il faut sortir du contentieux nitrates. A fortiori au lendemain du jugement rendu par la cour administrative d'appel de Nantes qui, pour la première fois, a tenu l'Etat pour responsable des conséquences sanitaires de la prolifération sur le littoral d'algues vertes (causées par les nitrates agricoles). "Lutter contre ces pollutions par les pesticides et les nitrates est notre priorité", souligne-t-on au cabinet de la ministre. Pour renforcer la prévention, l'espoir est mis sur la méthanisation, avec des crédits spécifiquement prévus par l'Ademe et l'agence de l'eau Loire-Bretagne pour aider les collectivités à accueillir des méthaniseurs, une vingtaine dans les huit bassins versants identifiés il y a quatre ans comme prioritaires pour réduire les flux de nitrate.
Pour satisfaire Bruxelles, la procédure de classement de territoires en zones vulnérables, où il s'ensuit la réalisation de programmes d'actions, va s'élargir. Et plutôt massivement. En effet, ce ne sont pas moins de 3.800 communes supplémentaires qui ont été identifiées pour être ainsi classées. A la rentrée débutera, en ce sens, une consultation afin de les lister plus en détail et d'être clairement fixé sur leur sort en fin d'année. "Dans ces zones, nous serons très attentifs à l'accompagnement des éleveurs, sur qui vont peser des contraintes de mise aux normes et de valorisation des effluents", précise-t-on au cabinet. "Dans ces zones vulnérables aux nitrates d'origine agricole, des programmes d'action sont prévus pour prévenir la pollution.
Des déclassements sont possibles
"Au niveau régional, les programmes de la cinquième génération en cours de finalisation seront à adapter à l'arrivée de ces nouvelles communes classées", éclaire Laurent Roy, directeur de l'eau et de la biodiversité au ministère de l'Ecologie. Et d'ajouter, en guise de note optimiste, qu'une fois des progrès réalisés dans ces zones et les teneurs en nitrates stabilisées pour les eaux superficielles, des déclassements sont possibles bien qu'encore rares. Exemple l'an dernier, dans le bassin Artois-Picardie, où le classement de 60 nouvelles communes a été "contrebalancé" par le déclassement de 85 d'entre elles dans l'Avesnois, château d'eau stratégique de la région. "En Bretagne aussi, d'autres déclassements sont espérés, après de bons résultats obtenus sur quatre des neuf bassins versants concernés par le contentieux", motive Laurent Roy.
Passer de 500 à 1.000 captages prioritaires
L'élargissement de la procédure "captage Grenelle" à 1.000 captages prioritaires est issu de la dernière conférence environnementale. Aux 500 "captages Grenelle" des Sdage 2010-2015 s'en ajouteront autant dans les Sdage 2016-2021. L'expérience acquise sur les uns devrait ainsi profiter aux autres, généralement proches géographiquement, comme pour en renforcer le maillage. Leur identification est bien avancée, les listes paraîtront à la rentrée et figureront au menu des prochains Sdage soumis à consultation en fin d'année. Les collectivités propriétaires de ces points d'eau concentrant trop de nitrates ou de pesticides bénéficieront de l'appui des services de l'Etat pour y lancer des études et bâtir un programme hiérarchisé d'actions de prévention.
Des micropolluants aux eaux de pluie
L'accent est aussi mis sur un nouvel enjeu, la lutte contre les micropolluants issus par exemple de résidus de médicaments ou de cosmétiques. Un volet y sera consacré dans le prochain plan national Santé Environnement (PNSE) 2014-2018, attendu pour la prochaine conférence environnementale, qui aura lieu à la rentrée. Pour mobiliser les collectivités et leurs partenaires sur le sujet et "créer une dynamique de réseau entre collectivités innovantes", un appel à projets lancé par le gouvernement vient d'aboutir. Treize projets en partie portés par des collectivités et acteurs locaux seront soutenus via une enveloppe d'aide globale de 10 millions d'euros. Ils ne visent pas que les résidus des particuliers difficilement traités en station d'épuration mais aussi les rejets hospitaliers. Par exemple sur le site expérimental de Bellecombe, en Haute-Savoie, où un travail est déjà mené depuis trois ans avec un centre hospitalier sur la caractérisation de ces effluents, un projet lauréat porte sur les risques et leviers d'actions propres à cet enjeu. Quatre autres projets sont liés à la gestion intégrée de ces micropolluants dans les réseaux d'assainissement et trois autres à leur drainage par temps de pluie, notamment sur les ouvrages autoroutiers (Roulépur, à Paris) ou des voiries de différentes dimensions (Micromegas, à Lyon).
Le levier de la redevance prélèvement
Pour lutter contre le gaspillage de la ressource en eau et inciter les collectivités à réaliser des diagnostics de leurs réseaux en lançant à temps des travaux, le ministère fait un geste et leur "laisse une dernière chance" avant de doubler la redevance prélèvement qu'ils doivent aux agences de l'eau, et qui est donc reportée d'un an (2015). "Les financements des diagnostics existent auprès des agences de l'eau et ceux des travaux via des prêts de la Caisse des Dépôts", insiste-on au cabinet de la ministre. En ajoutant que les prochains contrats de plan Etat-région seront aussi l'occasion de soutenir les investissements des collectivités sur leurs réseaux d'eau. Enfin, pour améliorer la gestion des milieux aquatiques, de nouvelles compétences sont attendues d'ici 2016 dans les communes suite à la loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (Maptam) et à son volet Gemapi (gestion des milieux aquatiques et de prévention contre les inondations). Une taxe affectée est prévue pour que les communes interviennent sur l'entretien et la gestion des cours d'eau. Et le décret sur l'appui qui sera fourni à celles prenant en main cette responsabilité est très prochainement attendu.