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Territoires - Agriculture biologique : ces collectivités qui se jettent à l'eau

Alors que l'agriculture est responsable de 60% de la pollution de l'eau, un guide méthodologique propose d'aider les collectivités à développer l'agriculture biologique autour des zones de captage.

Un milliard d'euros. C'est le coût annuel des dépollutions des cours d'eau liées aux activités agricoles chiffré en 2011 par le commissariat général au développement durable. Alors que la France se fait régulièrement épingler par Bruxelles pour ses nitrates, la Fnab (Fédération nationale d'agriculture biologique), l'Association des maires de France (AMF) et l'Onema (Office national de l'eau et des milieux aquatiques) lancent un appel aux collectivités pour qu'elles dynamisent l'agriculture biologique à proximité des zones de captage, au moment où bon nombre d'équipes municipales viennent d'être renouvelées. A un an de l'échéance fixée pour atteindre les objectifs de la directive-cadre sur l'eau, les trois partenaires ont présenté, vendredi 4 juillet, dans les locaux d'Eau de Paris, un guide méthodologique à l'usage des collectivités regroupant 9 expériences de terrain - communes, communautés de commune ou parcs naturels régionaux – dont celle d'Eau de Paris, elle-même, développée dans la vallée de la Vanne, qui assure entre 15 et 20% de l'eau potable de la capitale. Expérience qui a permis de multiplier par six les surfaces cultivées en agriculture biologique en six ans.

Manque de dialogue territorial

L'agriculture représente "un peu plus de 60% de la pollution de l'eau […] Il faut changer les habitudes", a plaidé à cette occasion Raoul Leturcq, un agriculteur converti en bio à la fin des années 1990. Aujourd'hui, il s'engage au sein de la Fnab en tant que référent Eau. L'enjeu est de taille : un millier de captages sur les 35.000 existants en France font aujourd'hui l'objet d'une attention toute particulière.
"12% des factures d'eau sont allouées chaque année à la réparation des dommages" liés aux pollutions, a renchéri Sylvain Roumeau, chargé de mission Eau à la Fnab. La dépollution due à l'agriculture conventionnelle représenterait ainsi entre 800 et 2.400 euros par hectare et par an. Mais selon lui, "il y a un manque de dialogue territorial entre agriculteurs, acteurs de l'eau et collectivités territoriales", les uns et les autres se regardant toujours en chiens de faïence.
Ce dialogue, c'est pourtant ce qui a permis à la ville de Munich d'être érigée en exemple. Depuis 1991, elle a développé un programme de développement de l'agriculture biologique à proximité des zones de captage. Ce programme a permis de baisser les teneurs en nitrates de son eau potable de 43% et celle des produits phytosanitaires de 54% en 14 ans. A Munich, on estime que le développement du bio autour des captages revient 27 fois cher que les coûts engendrés par le traitement des nitrates de l'eau.

20% des plats servis dans la restauration collective

Aujourd'hui, grâce à un réseau de 12 sites pilotes animés depuis 2010 par la Fnab, la France n'est plus en reste, qui possède ses "petits Munich". C'est le cas de Niort et ses alentours, qui figurent dans le guide méthodologique. Dès 2007, un plan d'action a été lancé dans les bassins de captages du Vivier et de la Courance. Les collectivités ont alors recruté un "animateur agricole". Résultat : en deux ans, la surface agricole utile (SAU) en bio est passé de 3,7 à 6%, soit les objectifs fixés par le Grenelle de l'environnement, sachant que la SAU en bio est aujourd'hui de 4% au niveau national. Dans le bassin de la Courance, les résultats sont encore plus spectaculaires, puisqu'on est passé de 1% à 9% de la surface agricole en bio.
Même constat dans la vallée de la Vanne : "On est à plus de 6% de la SAU en bio aujourd'hui, soit une multiplication par six en six ans, avec 23 agriculteurs engagés", s'est félicitée Célia Blauel, adjointe à la mairie de Paris et présidente d'Eau de Paris, sachant que la part de la SAU en bio en Ile-de-France est inférieure à 2%. "Cela a permis de clouer le bec à ceux qui disaient que produire en bio dans les bassins de captage n'était pas faisable", insiste Sylvain Roumeau.
En dehors de la protection des zones de captages, ces programmes permettent d'approvisionner la restauration collective en produits locaux bio, alors que, souvent, l'offre n'arrive pas à suivre la demande. A Niort par exemple, les produits issus de l'agriculture biologiques représentent désormais plus de 20% des plats servis dans les restaurants scolaires. La Fnab anime un réseau de 25 plateformes de producteurs bio livrant la restauration scolaire, couvrant 70% du territoire national. Pour Sylvain Roumeau, l'agriculture biologique doit être vue comme "un levier pour l'action publique territoriale" : "Comment développer l'attractivité ? Comment créer de l'emploi local ? Comment renforcer la cohésion sociale ?" C'est à toutes ces questions que le guide se propose de répondre en 33 fiches.