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Environnement - Biodiversité : un projet de loi largement enrichi

Après son passage en commission du développement durable, le déjà très touffu projet de loi relatif à la biodiversité ressort notablement enrichi dans de nombreux domaines intéressant les collectivités territoriales : gouvernance, représentation des outre-mers, espaces naturels, gestion de l'érosion côtière, compensation écologique, sites inscrits, lutte contre les pesticides...

La commission du développement durable de l'Assemblée nationale a adopté, le 26 juin, le projet de loi relatif à la biodiversité. Pas moins de six séances ont été nécessaires pour examiner les 688 amendements déposés en commission. Auparavant, l'audition de la ministre de l'Ecologie, Ségolène Royal, le 10 juin dernier, a fait office de discussion générale sur le texte (lire notre article ci-contre). Le vote de plusieurs amendements au titre Ier permet de renouveler la vision de la biodiversité et les principes d’action qui doivent permettre sa protection et sa restauration. Un amendement du groupe écologiste vise ainsi à protéger les "paysages nocturnes" et reconnaît les services écosystémiques rendus par les sols. Un article additionnel (après l'art. 7) intègre en outre "la gestion de la lumière artificielle la nuit" dans le rétablissement de continuités écologiques auquel œuvrent les trames verte et bleue (TVB). Reprenant la composante bleue, le groupe socialiste a quant à lui précisé le lien direct entre la gestion équilibrée et durable de l’eau et la biodiversité (art. additionnel 4 bis). La rapporteure du texte, Geneviève Gaillard, a par ailleurs introduit une définition de la biodiversité conforme à celle figurant dans les conventions internationales (convention sur la Diversité biologique, protocole de Nagoya). Le texte pose également l’obligation de compensation comme "moyen ultime", après l’évitement et la réduction, et détaille les principaux éléments composant la "biodiversité affectée" à savoir les espèces, les habitats naturels et les services écosystémiques. La portée du principe de solidarité écologique est quant à elle circonscrite aux décisions publiques ayant une incidence "notable" sur l'environnement. Un amendement du groupe RRDP inscrit dans la loi le principe "de complémentarité entre l’environnement et l’agriculture" et reconnaît la biodiversité spécifique supportée par les terrains agricoles.

Prise en compte des territoires ultramarins

Le texte consacre "une représentation significative des territoires ultramarins" notamment dans la composition du Comité national de la biodiversité (CNB) et de l'Agence française pour la biodiversité (AFB). Une déclinaison de l'Agence sera créée dans chaque bassin océanique ultramarin. Par ailleurs, dans chaque département et région d’outre-mer sera créé un comité régional de la biodiversité (CRB), "permettant de faire converger dans ces territoires les différentes initiatives menées en faveur de la biodiversité terrestre et marine". Les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution seront en outre consultées lors de la définition des modalités de délivrance des autorisations d’accès et d’utilisation des ressources génétiques (dispositif "APA"). Une attention particulière sera également accordée aux outre-mers lorsque l'AFB procédera à la sélection des projets bénéficiant du retour financier. Le texte garantit en outre l’implication directe des communautés d’habitants détentrices des "connaissances traditionnelles associées". A noter, les agents assermentés des parcs naturels régionaux et des collectivités viennent s'ajouter à la liste des agents habilités pour rechercher et constater les infractions à ce dispositif.

Périmètre de l'Agence pour la biodiversité

La rapporteure a souhaité revenir sur la division en quatre collèges, "source de lourdeur et de complexité", du conseil d'administration de l'Agence pour la biodiversité (AFB), tout en conservant à l'Etat une forte prépondérance, puisqu'il dispose de 12 sièges sur 39, contre cinq représentants des collectivités. Un rapport gouvernemental devra faire un point sur le périmètre de l'AFB et "sur l'opportunité d'y inclure d'autres établissements publics nationaux", notamment l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS), selon un amendement du président de la commission, Jean-Paul Chanteguet. La rapporteure a souhaité adapter la gouvernance de l’ONCFS, désormais sous la double tutelle des ministres de l’Agriculture et de l’Ecologie, en introduisant des représentants, au nombre de trois, de chaque niveau de collectivités territoriales.
Le texte s'est par ailleurs enrichi d'un article additionnel (après l'art. 16) introduit par le gouvernement afin de prévoir un décret précisant les modalités de saisie - et de mise à disposition du public - des données dans le système d’information sur les services publics d’eau et d’assainissement (SISPEA) mis en place par l’Onema, qui sera désormais géré par l'AFB. Il s'agit d’aller vers une dématérialisation du rapport annuel sur la qualité et le prix des services d’eau et d’assainissement "qui simplifiera les missions des maires tout en favorisant l’accès à l’information par les citoyens".

Renforcement des capacités d’action des parcs régionaux

Les syndicats mixtes des parcs naturels régionaux (PNR) se voient reconnaître, en tant que partenaires privilégiés de l’État, des collectivités territoriales et des EPCI à fiscalité propre concernés dans le domaine de la biodiversité et des paysages. Egalement à l'initiative de la rapporteure, un article additionnel (après l'art. 27), comblant une lacune de la loi "Alur", permet, comme pour les chartes PNR, au schéma de cohérence territoriale (Scot) d'inscrire les dispositions pertinentes des chartes des parcs nationaux et leurs délimitations cartographiques à une échelle appropriée, afin de permettre leur déclinaison dans les plans locaux d’urbanisme (PLU). Les collectivités territoriales, leurs groupements ainsi que les établissements publics nationaux à caractère administratif des parcs pourront par ailleurs mettre en œuvre une "réserve de biosphère". Le texte institue également un droit de préemption au titre des espaces naturels sensibles (ENS) au profit de l’Agence des espaces naturels de la région Ile-de-France, "lui permettant d’acquérir directement, pour le compte de la région, des espaces naturels sur des périmètres qu’elle aura elle-même créés afin d’assurer leur protection" (art. additionnel après l'art. 32). Les établissements publics de coopération environnementale (EPCE) apporteront quant à eux "un concours scientifique et technique auprès des pouvoirs publics". Le texte rend également possible la gestion des terrains relevant du domaine public de l’Etat aux conservatoires régionaux d’espaces naturels agréés (art. additionnel après art. 36).

Exonération de la taxe sur le foncier non-bâti en zones humides

Le texte rétablit (art. additionnel après l'art 51) l’exonération à concurrence de 50% de la part communale et intercommunale de la taxe foncière sur les propriétés non-bâties, pour une durée de 5 ans "sous réserve que les terrains figurent sur une liste dressée par le maire sur proposition de la commission communale des impôts directs et qu’un engagement de gestion soit souscrit par le propriétaire", et ce moyennant une compensation versée aux collectivités. A l'initiative de la rapporteure, le texte précise le rôle direct sur la préservation et la restauration de la biodiversité des établissements publics territoriaux de bassin (art. additionnel après l'art. 32). De même, prévoit-il d’inscrire dans le Code de l’environnement que les instruments de protection des zones humides d’importance internationale (au nombre de 43) constituent des espaces naturels susceptibles d'être classés comme parc national, réserve naturelle et parc naturel marin. Les "zones soumises à contraintes environnementales" mises en place à l'article 34 sont rebaptisées "zones prioritaires pour la biodiversité". Un article additionnel (après l'art. 36) instaure un outil complémentaire de protection des espaces naturels et des espèces : "les espaces de continuités écologiques" (ECE). Il s'agit d'offrir aux collectivités volontaires un nouvel outil pour protéger la biodiversité dans le cadre de l’élaboration d’un PLU/PLUI, permettant d’empêcher la destruction d’autres formations végétales que les milieux boisés (zones humides, milieux ouverts…). Si le droit de l’urbanisme actuel est en effet bien adapté pour maîtriser l’urbanisation et l’artificialisation du territoire, "il révèle très rapidement ses limites lorsqu’il s’agit de s’intéresser à la dimension fonctionnelle de la TVB", relève la rapporteure. Un autre article additionnel (après l'art. 51) intègre dans le Code de l’environnement plusieurs dispositions relatives à la gestion de l’érosion côtière, permettant à l'Etat et aux collectivités d’agir de manière coordonnée et d'établir des stratégies locales de gestion du trait de côte.

Opérateurs de compensation écologique

Une nouvelle section est consacrée aux obligations de compensation écologique. A l'initiative de la rapporteure, le texte (art. additionnel avant l'art. 33) encourage la création d’"opérateurs de compensation écologique" et rend obligatoire le recours à l’un de ces opérateurs pour les maîtres d’ouvrage qui manifesteraient leur incapacité à compenser. Il propose également la généralisation des "réserves d’actifs naturels", agréées par l'Etat, à titre de mécanisme de compensation, permettant aux maîtres d’ouvrage soumis à des opérations de compensations écologiques, de se libérer de ces obligations en contribuant financièrement à ces opérations.

Interdiction des pesticides dans les espaces verts dès 2016

Trois mesures visant à lutter contre les pesticides, portées par la ministre de l'Ecologie, ont également été adoptées. La première accélère l’objectif "zéro pesticide" pour les collectivités dans les produits d’entretien de leurs espaces publics, à compter du 1er mai 2016, au lieu du 1er janvier 2020 comme le prévoyait la loi Labbé du 6 février 2014. "Cette anticipation est techniquement réalisable car elle ne porte que sur les espaces verts et les promenades ouvertes au public, surfaces pour lesquelles il existe des solutions alternatives à l’emploi des pesticides chimiques", a justifié la ministre. Pour anticiper leurs futures obligations, les communes pourront compter sur les agences de l’eau et sur un partenariat avec les régions. La ministre a par ailleurs fait inscrire dans le texte la notion de "préparation naturelle peu préoccupante", ciblant notamment le purin d’ortie. Enfin, un amendement interdit définitivement tout épandage aérien de pesticides pour les cultures qui pouvaient jusqu’à présent bénéficier d’une dérogation.

Interdiction des sacs plastiques

Ségolène Royal a également fait adopter l’interdiction du rejet en mer des eaux de ballast sans traitement (issues des cuves des bateaux), dans les eaux territoriales et sur le plateau continental. Cette mesure complète la décision d’interdire, à compter du 1er janvier 2016, l'utilisation de sacs plastiques non-réutilisables, "qui bien souvent se retrouvent dans l’environnement et menacent en particulier la vie marine", précise un communiqué. Ne seront toutefois pas concernés les sacs compostables et constitués pour tout ou partie de matières biosourcées.

Maintien de la procédure d'inscription des sites

Le texte revient enfin sur la suppression de la procédure d'inscription de monuments naturels ou de sites. Il s’agit de redonner aux sites inscrits "leur fonction initiale d’antichambre du classement", en prévoyant pour cela que, dès lors qu’une procédure de classement ne serait pas engagée dans un délai de 10 ans, le site inscrit cesse de produire ses effets, a précisé la rapporteure. Par ailleurs, il y a lieu de raccourcir, à 2025, "le délai dans lequel les sites inscrits à la date de promulgation de la loi  - le "stock - devront faire l'objet soit d'une mesure de classement, soit d'un décret mettant fin à leur inscription", a-t-elle indiqué. Concernant l'instruction des autorisations de travaux sur les immeubles situés en site classé et protégé au titre des monuments historiques, le texte institue le principe de l'autorisation unique. A relever également, l'adoption d'un amendement gouvernemental visant à généraliser "l’expérimentation d’une autorisation unique pour les installations, ouvrages, travaux et activités soumis à autorisation au titre de l’article L. 214-3 du Code de l’environnement".

 

 

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