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Environnement - Le projet de loi sur la biodiversité adopté en Conseil des ministres

Le ministre de l'Ecologie, Philippe Martin, a présenté ce 26 mars le projet de loi sur la biodiversité dont la mesure phare est la création d'une nouvelle Agence française pour la biodiversité. Elle devrait voir le jour en 2015 et venir en appui des acteurs locaux pour améliorer la protection des espèces et des espaces naturels.

Initialement prévu pour la rentrée 2013, le projet de loi sur la biodiversité a finalement été adopté en Conseil des ministres ce 26 mars. Il sera examiné "probablement" fin juin au Parlement, a précisé Philippe Martin lors d'une conférence de presse à son ministère. "Cela fait 38 ans que notre pays n'a pas rénové sa législation sur la nature", a rappelé le ministre de l'Ecologie, en saluant l'étape franchie par la "première des trois grandes lois" prévues par son ministère, avec les futures réformes du Code minier et la loi de programmation sur la transition énergétique. Face aux multiples risques pesant sur la biodiversité - destruction et dégradation des habitats, pollution à répétition, surexploitation et introduction d'espèces exotiques envahissantes, le tout renforcé par les effets du changement climatique -, il est urgent d'"agir pour corriger cette trajectoire inquiétante", a souligné Philippe Martin, en rappelant que 11.000 espèces et un mammifère sur quatre sont menacés d'extinction.
Le projet de loi a été "élaboré en s'appuyant sur l'organisation de débats régionaux et en associant les acteurs concernés à travers le comité de suivi de la stratégie nationale pour la biodiversité et les membres du conseil national de la transition écologique", a insisté le ministre.
Le texte, qui comprend six titres et 72 articles, entend d'abord faire "évoluer les grands principes qui structurent la politique de conservation de la biodiversité, a expliqué Philippe Martin. Il introduit une vision plus dynamique des écosystèmes, en tenant compte de leur capacité d'évolution et en substitution d'une vision immobile des milieux naturels" et "reconnaît plus clairement les interactions entre activités humaines et biodiversité, notamment à travers les services écosytémiques". Le texte introduit ainsi de nouveaux principes dans le code de l'environnement comme la "solidarité écologique", autrement dit l'interdépendance des êtres vivants entre eux (l'homme en faisant partie) et leur interdépendance avec les milieux naturels ou aménagés, la démarche qui doit conduire les aménageurs à définir les mesures adaptées pour éviter, réduire et, lorsque c'est nécessaire et possible, compenser leurs impacts négatifs significatifs sur l'environnement, ou encore le concept de continuités écologiques, qui trouve sa traduction concrète dans les schémas régionaux de cohérence écologique, par exemple.
Le projet de loi entend aussi renouveler la gouvernance de la biodiversité. Au niveau national, il propose une simplification des instances administratives, avec la création du Conseil national de protection de la nature, qui deviendra l'instance d'expertise scientifique et technique du ministère, et du Comité national de la biodiversité, associant toutes les parties prenantes, pour échanger sur les orientations stratégiques. A l'échelon régional, les comités régionaux "trames verte et bleue" seront transformés en comités régionaux de la biodiversité.

Une agence intégrée

Le projet de loi crée également la très attendue Agence française pour la biodiversité. Promise en septembre 2012 par le président François Hollande pour "venir en appui des collectivités locales, des entreprises, comme des associations" dans le domaine de la protection de la nature, sur le modèle de ce que fait l'Ademe pour l'énergie et les déchets, la future agence, qui devrait être opérationnelle en 2015, regroupera l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (Onema), l'établissement public Parcs nationaux de France, l'Agence des aires marines protégées et le groupement d'intérêt public "Atelier technique des espaces naturels". Elle réunira environ 1.200 agents (dont 800 de l'Onema) et devrait être dotée d'un budget d'environ 220 millions d'euros. Celui-ci correspond à l'addition des opérateurs inclus mais le ministère de l'Ecologie compte aussi sur des crédits issus du programme d'investissements d'avenir. Elle "regroupera, organisera et diffusera la connaissance en matière de biodiversité, et sensibilisera nos concitoyens et participera à la formation des acteurs, a détaillé Philippe martin. L'agence sera également appelée à intervenir en appui aux services de l'Etat en matière de suivi et de préparation des positions de la France dans les instances internationales et européennes, de gestion d'espaces naturels et de police de l'eau et des milieux aquatiques. Elle apportera un soutien méthodologique et financier aux porteurs de projets de reconquête de la biodiversité".
"Le choix fait a été, plutôt que de recréer ex-nihilo, de regrouper des opérateurs existants. C'est assez logique sauf qu'il y a une grosse incongruité : c'est d'avoir laissé en dehors l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS)", un organisme spécialisé sur l'étude de la faune sauvage mais aussi le contrôle de la chasse, regrette Christophe Aubel, directeur de l'association Humanité et Biodiversité, qui voit dans cette absence une volonté de ne pas braquer les chasseurs. "Théoriquement, cette agence doit recouvrir toute la biodiversité, aquatique, marine comme terrestre, mais il y a une impression de déséquilibre", ajoute-t-il. Le ministre de l'Ecologie, Philippe Martin justifie l'absence de l'ONCFS, comme celle de l'Office national des forêts (ONF), par le fait que ces opérateurs ont des missions qui "vont au-delà de ce qu'est la vocation de l'Agence pour la biodiversité". Pour autant, il juge "nécessaire" une "collaboration étroite" entre ces organismes et la nouvelle agence sur les sujets biodiversité.
Le projet de loi transpose par ailleurs le protocole de Nagoya "en introduisant un régime d'accès aux ressources génétiques et de partage des avantages découlant de leur utilisation, afin de lutter contre la biopiraterie, de garantir un partage des bénéfices tirés de l'exploitation économique des ressources génétiques et d'assurer la sécurité des transactions à l'export", a expliqué Philippe Martin. "Ce texte, d'une certaine façon, affirme que la nature ne saurait être l'éternelle bénévole de l'humanité, et que si nous voulons la préserver, la valoriser, elle doit être, en quelque sorte, payée de retour", a-t-il insisté.

Des outils de protection modernisés

Le texte entend aussi moderniser les moyens de protection des espaces naturels et des espèces sauvages. Il doit ainsi permettre de renforcer la lutte contre le trafic d'espèces en aggravant les sanctions encourues. Il supprime également un certain nombre d'outils jugés obsolètes (inventaires départementaux du patrimoine naturel, orientations régionales de gestion de la faune sauvage et de ses habitats, dispositions relatives aux mares insalubres…) et propose une palette d'outils gradués en fonction des enjeux pour renforcer les capacités d'action des acteurs publics. C'est le cas des parcs naturels régionaux qui se voient consacrés comme "porteurs de projets globaux de développement durable territoriaux". Le conservatoire du littoral voit aussi son action facilitée. Le texte prévoit également des moyens spécifiques pour le milieu marin – création d'une zone de conservation halieutique, contrôle des activités dans la zone économique exclusive (au-delà des eaux territoriales), avec l'instauration d'une redevance pour les activités économiques qui pourrait concerner l'éolien ou l'extraction de granulats mais pas la pêche, selon le ministre. Le projet de loi comprend aussi de nouveaux outils pour mettre en œuvre des mesures de protection et de gestion de la biodiversité, notamment en milieu agricole, sans nécessiter d'acquisition (zones soumises à contraintes environnementales, contrats créant des obligations réelles, assolement en commun et aménagements fonciers environnementaux).
Enfin, le texte entend replacer les paysages du quotidien au centre de la politique du paysage, et concentrer l'action patrimoniale de l'Etat sur les sites classés. Le projet de loi propose ainsi de modifier les dispositions législatives relatives aux sites inscrits en supprimant la procédure d'inscription pour le futur et en organisant l'évolution pour les sites inscrits existants. Trois options seront donc possibles dans les 10 ans : conduire les sites inscrits existants à forte valeur patrimoniale vers le classement pour les plus remarquables ou vers des mesures de protection du code du patrimoine pour les secteurs bâtis ; mettre fin à l'inscription, par une procédure adaptée, des sites dont la dégradation est irréversible ou qui sont couverts par d'autres protections au moins équivalentes ; maintenir, par arrêté ministériel, les sites inscrits qui ont fait preuve de leur efficacité et qui n'ont pas vocation à être classés.