Innovation - Pôles de compétitivité : y a-t-il une vie après le label ?
Le 11 mai dernier, le Comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire (Ciadt) labellisait six nouveaux pôles de compétitivité. Parallèlement, il retirait leur label à six des 71 pôles existants : Sporaltec (sport et loisirs, à Saint-Etienne), MTA (mobilité transports avancés, à Poitiers), Pôle enfant (produits et services pour enfants, à Cholet), InnoViandes (viandes et produits carnés, à Clermont-Ferrand), Prod'Innov (nutrition et santé, à Bordeaux) et Génie vivil écoconstruction (BTP, à Nantes). Que sont devenus ces pôles déchus ? Ont-ils pu rebondir, privés de la reconnaissance de l'Etat, des subventions et des crédits y afférents ?
Pour certains, la décision du Ciadt était attendue. Ainsi le pôle MTA, centré sur les véhicules hybrides et installé sur le site du Futuroscope, n'avait pas réussi à attirer suffisamment d'entreprises ni à créer assez d'emplois. Au début de l'année, il avait déjà reçu un sérieux avertissement, avec l'annulation d'une subvention de 250.000 euros par le conseil général de la Vienne. "Aussi avions-nous déjà opéré un rapprochement avec le pôle Mov'eo, consacré à la recherche & développement automobile, en Normandie. Aujourd'hui, Mov'eo nous absorbe intégralement", indique un responsable de MTA. D'autres pôles espéraient sans trop y croire. "La taille de nos entreprises, assez réduite, et notre domaine d'activité, les équipements de sport et de loisirs, paraissaient peut-être en décalage par rapport à une logique de grands projets technologiques. Mais nous avions pour nous une dynamique assez forte", remarque Séverine Sabot, assistante du délégué général de Sporaltec, lequel vient de démissionner. Aujourd'hui, l'avenir du pôle stéphanois semble suspendu à sa sélection dans le dispositif des grappes d'entreprises, financièrement soutenu par la Datar (Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale).
Pour d'autres, au contraire, la "délabellisation" a été vécue comme un soulagement. "Tout sauf une mauvaise nouvelle. Depuis plus d'un an, je me dis que les contraintes liées aux pôles de compétitivité, notamment l'obligation de mener des recherches technologiques lourdes, sont trop fortes pour Pôle enfant. On s'épuisait à vouloir entrer dans les critères", rappelle Patrick Blondeau, le directeur du pôle. La structure choletaise n'a rien perdu au change : l'Etat lui a taillé un label sur mesure - "Institut européen de l'enfant" - et continuera de la subventionner pendant trois ans.
Enfin, pour certains de ces pôles privés de label, le déclassement du Ciadt a fait l'effet d'un coup de massue. "Nous ne nous y attendions pas du tout. Nous sommes l'un des rares pôles spécialisés dans la performance environnementale des bâtiments, un thème très mobilisateur, en phase avec le Grenelle de l'environnement. Nous réunissons aujourd'hui 70 entreprises et à la fin 2009 nous avions lancé 42 projets pour un investissement total de 68 millions d'euros. Le Ciadt a reconnu lui-même, dans son communiqué, leur caractère très innovant. Aujourd'hui, nous n'avons toujours pas reçu d'explication", souligne José Caire, directeur du pôle Génie civil écoconstruction, actuellement en pourparlers avec la région Pays-de-la-Loire et le ministère de l'Ecologie pour obtenir un complément de financement.
Au total, trois pôles (Pôle enfant, InnoViandes, Prod'Innov), installés de longue date et/ou fortement soutenus par les collectivités locales, devraient poursuivre sans problème leur activité. Un autre (Génie civil écoconstruction) paraît sur le point de rebondir. Un cinquième (Sporaltec) traverse une période délicate. Et le sixième (MTA) a été absorbé.
Paul Arguin