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Finances - PLFR 2012 : l'Assemblée nationale apporte des ajustements concernant les collectivités

Tout en donnant leur feu vert à la hausse de la TVA, les députés ont ajusté le FCTVA, qui permet le remboursement des collectivités pour leurs investissements. D'autres amendements sont à retenir, comme le report de la date limite des budgets locaux au 15 avril 2012, ou encore la création d'une participation pour l'assainissement collectif.

Les députés se prononceront ce 21 février sur le projet de loi de finances rectificative (PLFR) qui, pour l'essentiel, augmente de 1,6% le taux normal de TVA tout en supprimant ou allégeant les cotisations patronales des entreprises sur les salaires compris entre 1,6 et 2,4 fois le Smic brut dans un objectif de renforcement de la compétitivité des entreprises françaises.
Comme tout collectif budgétaire, celui-ci comporte un certain nombre de mesures concernant directement les collectivités locales. A commencer par la hausse de la TVA, qui fera passer le taux actuel de 19,6% à 21,2% à partir du 1er octobre 2012. Si la hausse de la TVA entraîne une hausse des prix – scénario auquel ne veut pas croire le gouvernement, puisque les cotisations patronales vont baisser, souligne-t-il – les collectivités paieront à un prix plus élevé leurs achats. En effet, la TVA sur leurs dépenses de fonctionnement ne leur est pas remboursée, contrairement à la TVA sur leurs investissements. Ce remboursement de TVA, qui prend la forme du fonds de compensation pour la valeur ajoutée des entreprises (FCTVA), a été estimé dans la loi de finances pour 2012 à 5,5 milliards d'euros.

Ajustement du FCTVA

Non soumis au gel des dotations aux collectivités, ce dispositif va être majoré pour tenir compte de la prochaine hausse de la TVA. En effet, les députés ont adopté dans le consensus un amendement du rapporteur général Gilles Carrez qui ajuste à la hausse le taux du FCTVA en proportion de la hausse de 1,6% de la TVA. Le gouvernement a donné son feu vert à la mesure à condition qu'elle n'entre en vigueur qu'à compter du 1er janvier 2013. Le décalage d'un trimestre entre l'entrée en application du taux de TVA à 21,2% et la majoration du taux forfaitaire du FCTVA aura un coût uniquement pour les intercommunalités, mais celui-ci sera faible, ont relevé des députés de tous bords. En revanche, le coût de la mesure pour l'Etat s'élèvera en rythme de croisière à 440 millions d'euros, a indiqué la ministre du Budget, Valérie Pécresse. "Très soucieux de préserver la capacité d’investissement des collectivités locales, [...] l'Etat fait un geste en direction des collectivités locales", a-t-elle souligné.

Vote des budgets jusqu'au 15 avril 2012

S'agissant des conséquences de la hausse de la TVA sur les prix des carburants, la commission chargée du suivi de l'impact des prix du pétrole présidée par l'inspecteur général des finances et ancien ministre Bruno Durieux fera le point avant le 15 janvier 2013. Dans son rapport, elle se prononcera "sur les conditions dans lesquelles les tarifs de la taxe intérieure de consommation (TIPP) devraient, le cas échéant, être ajustés afin de compenser les effets de la hausse du taux de taxe sur la valeur ajoutée". Au cours de la discussion à l'Assemblée, la ministre du Budget a précisé que seule la part de TIPP revenant à l'Etat pourrait subir une baisse. La part de TIPP modulable accordée aux régions en 2006, et qui a fait l'objet récemment d'une prolongation, de même que la part supplémentaire qui leur a été accordée dans le cadre du Grenelle de l'environnement, ne seraient pas concernées. "Nous sommes très attentifs à la sanctuarisation des recettes des collectivités territoriales ainsi qu’à la libre administration de ces dernières", a déclaré Valérie Pécresse, tout en regrettant que les régions aient porté rapidement à son maximum la fraction modulable de TIPP.
Les députés ont profité de l'occasion fournie par le dernier texte de la législature en matière fiscale pour apporter des ajustements aux finances et à la fiscalité locales. L'une des principales modifications vise à reporter du 30 mars au 15 avril 2012 la date limite de vote des taux et des budgets par les collectivités. Une décision qui est la bienvenue compte tenu des nombreuses incertitudes que connaissent encore cette année les collectivités, en particulier les communes et les groupements, en raison de la mise en oeuvre de la réforme de la fiscalité locale.

Le financement de l'assainissement collectif préservé

En outre, l'Assemblée nationale a donné son feu vert à la possibilité pour les communes et leurs groupements d'instaurer une participation pour le financement de l'assainissement collectif. Ce qui était très attendu par les intéressés. La loi de finances rectificative pour 2010 qui a institué la taxe d'aménagement en remplacement de plusieurs taxes d'urbanisme prévoit en effet, à compter de 2015, la fusion de la participation pour raccordement à l'égout avec la taxe d'aménagement. Les collectivités ont souligné les difficultés que pose cette fusion. L'amendement adopté vise à y répondre. Le redevable de la nouvelle participation (PAC) sera le propriétaire au moment où son local sera raccordé au réseau public de collecte des eaux usées. Une disposition de ce type avait été adoptée par le Sénat en décembre dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances pour 2012 (lire note article du 19 décembre 2011 : "Le Sénat crée une participation pour le financement de l'assainissement collectif"). Mais les députés l'avaient supprimée en nouvelle lecture.

De multiples corrections

Dans le cadre de la discussion, les députés ont apporté beaucoup d'autres corrections aux finances et à la fiscalité locales. Ainsi ont-ils créé un mécanisme de "neutralisation" empêchant une hausse des taux de taxe d'habitation dans les communautés issues d'une fusion entre un EPCI à fiscalité additionnelle ou sans fiscalité et un EPCI à fiscalité professionnelle unique (voir l'amendement). Ils ont aussi réparé une erreur concernant le calcul du coefficient d'intégration fiscale des EPCI d'outre-mer. Ils ont corrigé "à la marge" la réforme du fonds de solidarité des communes de la région d’Ile-de-France adoptée dans la loi de finances pour 2012. "Dans un souci de simplification", les députés ont supprimé la taxe de pavage dont le produit est limité à un million d'euros par an au profit de quelques communes.
S'agissant de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA), ils ont actualisé les critères d'attribution des concours alloués aux départements par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, afin de tenir compte de la disparition définitive du RMI en 2011.

Des spécificités corses maintenues

L'Assemblée nationale a reconduit deux dispositifs fiscaux en faveur de la Corse. En premier lieu, elle a maintenu le taux de TVA de 2,10% sur les repas servis dans les cantines des écoles, collèges et lycées publics et privés de Corse (contre une TVA de 5,5% dans les autres régions). Les députés ont aussi prévu que les communes corses et leurs groupements devront apporter au moins 10% du financement de certains de leurs projets d'investissement lorsqu'ils en sont les maîtres d'ouvrage (dans les autres régions, ce taux est de 20% en application de la loi de réforme des collectivités).
L'examen du projet de loi débutera le 22 février au Sénat.

Thomas Beurey / Projets publics

Une mesure de lutte contre la rétention foncière

Au cours de l'examen du PLFR 2012, les députés ont adopté un amendement présenté par une vingtaine de députés, dont Michel Piron (UMP, Maine-et-Loire) et François Scellier (UMP, Val-d'Oise), visant à faciliter la mise sur le marché de terrains sur lesquels construire des logements.
L'idée, qui a fait consensus au sein des groupes de travail sur l'urbanisme de projet en 2011, est de revisiter le dispositif de majoration de la taxe foncière sur les propriétés non bâties introduit par la loi Engagement national pour le logement en 2006 pour réveiller les propriétaires "dormants" et pénaliser les comportements spéculatifs. Instituée par un nombre réduit de communes (environ 200 aujourd'hui), cette majoration "peut être renforcée et mieux ciblée sur les terrains à bâtir en priorité dans les zones tendues", estiment les auteurs de l'amendement. Selon eux, cette disposition, qui "vise à sensibiliser les propriétaires à l'utilité sociale de leurs terrains", a le mérite d'intervenir "sur le stock des terrains à bâtir et pas seulement sur les nouveaux terrains ouverts à l'urbanisation".
Pour renforcer l'efficacité du dispositif aujourd'hui prévu par l'article 1396 du Code général des impôts, qui permet de majorer la valeur locative des terrains d'une valeur forfaitaire comprise entre 0 et 3 euros/m2, l'amendement adopté vise quatre objectifs. Il permet d'abord d'étendre la majoration actuellement prévue pour les zones urbaines aux zones à urbaniser et de rendre la majoration obligatoire là où les tensions immobilières sont les plus fortes, sauf délibération contraire des communes ou EPCI compétents. Cette zone, qui serait définie par arrêté, correspondrait au périmètre des zones A et B1 applicable pour les plafonds de loyers de certains investissements immobiliers.
L'amendement prévoit aussi de renforcer la majoration en deux temps pour lui donner un caractère progressif tout en laissant du temps aux collectivités pour alerter les propriétaires et délibérer sur son application. Enfin, il propose d'abaisser de 1.000 m2 à 200 m2 l'abattement dont bénéficient les parcelles concernées par la majoration.

Anne Lenormand