PLF 2025 : Amorce promeut ses propositions
À l’occasion de son 38e congrès, et dans l’attente de la présentation imminente du projet de loi de finances pour 2025, l’association Amorce a de nouveau promu ses propositions de recettes et de réorientations budgétaires. L’association veut croire que, comme l’a indiqué le Premier ministre, le gouvernement ne sacrifiera pas la transition écologique sur l’autel de la rigueur budgétaire. Elle semble dans tous les cas prête à en découdre si les collectivités devaient continuer à se "faire dépouiller".
"Nous verrons vendredi avec le projet de loi de finances si le discours du Premier ministre indiquant que la transition écologique ne serait pas sacrifiée sur l’autel de la rigueur budgétaire aura été entendu par ses ministres et leurs services", prévient le délégué général d’Amorce, Nicolas Garnier, en clôture d’une conférence de presse tenue ce 9 octobre à l’occasion du 38e congrès de l’association, qui se tient jusqu'au 11 octobre à Montpellier. Particulièrement attentif aux propos de Michel Barnier, qui n’a de cesse de demander à ce qu’on lui fasse part de propositions pour commencer à combler la faille des déficits et dette publics, l’association s’est employée à suggérer quelques pistes de nouvelles recettes – qu’elle promeut déjà de plus ou moins longue date (voir notre article du 20 octobre 2023) – et d’économies, ou plus sûrement de "réorientations" budgétaires.
RENFORCER LE PRINCIPE POLLUEUR-PAYEUR CÔTÉ RECETTES
C’est en matière de nouveaux prélèvements que l’association se fait la plus productive. Avec un fil rouge : "aller chercher l’acteur économique qui est à l’origine du problème plutôt que le ménage", et notamment "les cancres de l’économie circulaire". Amorce propose ainsi :
En matière de déchets :
• l’introduction d’une "taxe générale sur les activités polluantes (TAGP) amont" ciblant les metteurs en marché de déchets non recyclables ou non-couverts par une filière de responsabilité élargie des producteurs (REP). "Cela peut être un système assez simple, on va dire 5 centimes d’euros par unité, prenant le désormais incontournable exemple du briquet". Amorce estime que la mesure permettrait de dégager 500 millions d’euros, sans compter l’incitation induite "pour passer du bon côté de la force" ;
• des amendes dues, automatiquement, par les éco-organismes lorsqu’ils n’atteignent pas les objectifs fixés dans leurs cahiers des charges, qui pourraient se traduire par des recettes comprises "entre 400 millions d’euros en l’appliquant sur la seule filière emballages et jusqu’à 1, voire 1,5 milliard d’euros, en l’appliquant à l’ensemble des dispositifs REP".
Dans le domaine de l’énergie :
• l’instauration d’un "amortisseur socio-environnemental" sur les prix des énergies fossiles (gaz et essences) afin que ces derniers "ne tombent trop bas comme c’est le cas aujourd’hui avec un prix du gaz en dessous de 40 euros le MWh", de manière, d’une part, "à générer des recettes fiscales et, d’autre part, à ce que les solutions d’énergies renouvelables restent rentables". Amorce en attend environ 1,2 milliard d’euros. En matière d’énergie, elle suggère également d’autres pistes, non chiffrées, comme l’instauration d’une progressivité des taxes sur l’énergie (TICFE et TICGN) au-delà d’un certain seuil de consommation, l’introduction d’une faculté pour les collectivités de moduler (à la hausse, a priori), d’une part, la taxe foncière en fonction du DPE des logements et, d’autre part, la contribution foncière des entreprises soumises à obligation de réaliser un bilan de gaz à effet de serre (GES), en fonction de leurs émissions de GES.
Dans le domaine de l’eau :
• création d’une redevance "micro-polluants" due par les principaux metteurs sur le marché de produits qui en contiennent : industries pharmaceutiques, cosmétique, textile, fabricants d’articles ménagers…, avec une recette attendue de 500 millions d’euros ;
• introduction d’un seuil plancher – et multiplication par 5 des plafonds – de la redevance dite "pollution non domestique" de l’eau, affectée aux agences de l’eau, escomptant en tirer 260 millions d’euros ;
• forte augmentation (par 3 en 2025, par 5 en 2028) des taux de la redevance dite "pollution diffuse", en l’étendant en outre aux engrais et pesticides impactant les ressources en eau, avec l’espoir d’en retirer 385 millions d’euros supplémentaires dans un premier temps ;
• uniformisation, par le haut, des taux plancher de la redevance, qualifiée d’"inique", dite de "prélèvement" à 1,7 centime d’euros le m3. Recettes supplémentaires attendues, affectées aux agences de l’eau : 210 millions d’euros.
ÉCONOMIES : UNE RÉORIENTATION DES DÉPENSES POUR UNE MEILLEURE EFFICACITÉ
Côté économies, Amorce appelle principalement à réorienter les dépenses, notamment vers les collectivités, pour une meilleure efficacité.
• Ainsi Amorce propose d’affecter les recettes de la TGAP déchets à l’Ademe, et préconise en outre un "meilleur fléchage des aides de l’Ademe" dans le domaine des déchets. Concrètement, Amorce propose notamment de réorienter les aides aujourd’hui "majoritairement affectées aux entreprises" vers les collectivités, en particulier pour déployer le tri à la source des biodéchets. Un juste retour des choses, juge Nicolas Garnier, en indiquant que "sur le 1,1 milliard d’euros généré par la TGAP, 850 millions d’euros sont payés par les seules collectivités sur les déchets ménagers". Amorce en attend un "gain pour l’économie circulaire de 550 millions d’euros".
• Même calcul dans le secteur de l’énergie, "domaine dans lequel la plupart des aides ont été développées sans une véritable réflexion sur leur coût-bénéfice, à l’exception du fonds chaleur". Et Nicolas Garnier de prendre l’exemple de "l’aide apportée pendant trop longtemps aux pompes à chaleur air-air de mauvaise qualité qui ont inondé le marché avec des résultats catastrophiques : des performances absolument pas au rendez-vous, la question des gaz frigorifiques lors de leur démantèlement… Un carnage". Amorce propose ainsi : "de fixer les aides sur la base d’un ratio coût/bénéfice en tonne de CO2 évitée et en MWh économisé", en prenant en modèle le fonds chaleur ; de revoir MaPrimeRénov’ afin que l’aide aux outils de chauffage ne puisse être accordée qu’aux logements énergétiquement performants (classés de A à D), et de réserver l’aide à la rénovation aux logements les moins performants (E, F et G) ; de revoir la pertinence de certaines aides, comme celle sur les pompes à chaleur "qui se développent naturellement".
• Dans le domaine de l’eau, Nicolas Garnier plaide de même pour "rerouter au moins 50% des aides des agences de l’eau vers les collectivités", véritables "vaches à eau du système" selon lui. Alors qu’elles "ne représentent que 17% des prélèvements, elles assurent 80% de son financement tout en ne bénéficiant que de 30% des aides", regrette-t-il. Et de conclure : "On se fait dépouiller".
DES DISPOSITIFS À SACRALISER
Enfin, Amorce insiste sur la nécessité de préserver un certain nombre de dispositifs.
• Ainsi du fonds vert, particulièrement menacé. "Avec 1 milliard d’euros, on n’ira nulle part. Il en faudra probablement 2", estime Nicolas Garnier, en concédant qu’"on peut aussi faire des économies en regardant ce qui a fonctionné et ce qui n’a pas fonctionné, ce qui est nécessaire au déclenchement de projets et ce qui l’est moins". Mais de préconiser de "ne surtout pas baisser l’aide à la rénovation des bâtiments publics", ou celle visant le traitement des biodéchets.
• Ainsi également du fonds chaleur. Si Nicolas Garnier espère que la coupe ne soit pas aussi brutale qu’initialement annoncée, il relève que toute baisse serait particulièrement préjudiciable : "Même si l’on restait à 800 millions d’euros, comme on a déjà 500 millions dans les cartons, cela signifierait qu’il ne resterait que 300 millions pour le développement de nouveau réseaux, alors que la vitesse de déploiement des réseaux de chaleur est déjà inférieure de moitié à celle qui est prévue dans la stratégie française pour l’énergie et le climat. Il faut au moins 1 à 1,5 milliard". Amorce observe en effet que les 820 millions d’euros prévus pour 2024 sont d’ores et déjà consommés, et qu’il manque près de 500 millions d’euros pour financer tous les projets prévus.
• De même avec le fonds économie circulaire, pour lequel "il faut au moins 3,5 milliards d’euros", Nicolas Garnier espérant "un rééquilibrage" par rapport aux premières annonces. Déplorant par ailleurs qu’à peine un tiers de ce fonds soit redirigé vers les collectivités, Amorce n'oublie pas de rappeler ses propositions de réforme de la TGAP pour dégager des marges de manœuvre aux collectivités, via une réfaction portant sur la part des déchets résiduels inévitables et une réfaction liée à la performance des collectivités en matière d’économie circulaire, à la réalisation d’investissements pour la généralisation du tri à la source des biodéchets ou d’un crédit d’impôt lié à des investissements en faveur de l’économie circulaire.
• Enfin, le délégué général insiste sur la nécessité de "mettre en œuvre le fonds territorial climat que nous avions obtenu – 250 millions d’euros rabattus à 200 millions –, qui permettait à toute collectivité qui adoptait un plan climat de bénéficier de 4 euros par habitant pendant trois ans pour financer l’ingénierie territoriale nécessaire à sa mise en œuvre". Et de souligner : "Un fonds voté en 2024, mais qui n’a jamais été mis en œuvre. C’est tout simplement scandaleux". Si le fonds avait effectivement été voté par le Sénat dans le PLF 2024, il n’apparaissait toutefois plus dans le texte considéré comme adopté par l’Assemblée en lecture définitive, en dépit du lobbying de plusieurs associations, dont Amorce.
D’ailleurs, lasse de prêcher dans le désert et de voir les collectivités jouer les victimes expiatoires, Amorce entend désormais montrer les dents : "On va réfléchir à mener des actions", prévient, sibyllin, son président, Gilles Vincent. "Si le plaidoyer ne marche pas, si le recours aux médias ne marche pas, on va utiliser une autre méthode, parce qu’on ne va pas continuer à se laisser saigner comme ça", lui fait écho Nicolas Garnier.