Prévention et gestion des déchets : le lancinant appel d’Amorce à sortir de l’impasse

Dressant "l’échec monumental" d’une politique de prévention et de gestion des déchets pourtant toujours plus coûteuse, l’association Amorce plaide une énième fois pour remettre le système à plat : réforme de la TGAP, refonte de la gouvernance des REP, révision du cadre de la fiscalité incitative… 

Inlassablement, l’association Amorce alerte sur l’impasse vers laquelle conduit selon elle l’actuelle politique de prévention et de gestion des déchets. Chiffres à l’appui, une nouvelle fois présentés lors d’un colloque sur les déchets résiduels organisé ce 23 mai à Paris. "On vient de battre un record. On a passé les 600 kg [611 kg en 2021 – voir notre article du 1er septembre 2023] de production de déchets ménagers et assimilés par habitant collectés par le service public de gestion des déchets", met notamment en exergue auprès de Localtis Nicolas Garnier, délégué général de l’association. Qui conclut : "La politique de prévention est un monumental échec." Pour preuve encore, il observe que les filières REP, décidément pas à la fête (voir notre article du 29 janvier), "sont probablement les gisements qui contribuent le plus à cette augmentation", désignant particulièrement les emballages, les textiles ou encore la tendance à des meubles qui deviennent "jetables". 

Un succès uniquement… fiscal

Un échec d’autant plus alarmant que Nicolas Garnier estime que non seulement "ces politiques ne rapportent pas de bénéfice environnemental, puisque les performances ne sont pas au rendez-vous", mais qu’en plus, "elles coûtent cher". Et toujours plus cher. "En trois ans, les collectivités locales, qui paient l’addition, ont vu leurs coûts de gestion des déchets augmenter de près d’1,5 milliard d’euros", déplore l’expert. "C’est le meilleur moyen de mobiliser les Français contre la transition écologique", s’inquiète-t-il. Pourtant, performance, il y a bien. Mais fiscale : "L’État a vu ses recettes de TGAP multipliées par deux pour atteindre un milliard d’euros. Cela rappelle la taxe carbone : il y a un discours environnemental, mais à la fin c’est surtout une taxe de rendement." 

Revoir la fiscalité

Pour sortir de l’impasse, Amorce vante infatigablement ses solutions. 

D’abord, appliquer la loi. La loi Agec en particulier, dont la mise en œuvre laisserait toujours à désirer (les députés Véronique Riotton et Stéphane Delautrette présenteront les conclusions de la mission d’évaluation consacrée à cette dernière ce 29 mai).

Ensuite, bâtir une loi "Agec 2", laquelle "pourrait être le projet de loi de finances pour 2025 réformant la TGAP", précise Nicolas Garnier. Pour l’expert, l’actuelle loi Agec est en effet "fondée sur du sable, avec une fiscalité complètement aveugle, inefficace et pas incitative, qui ne s’appuie pas sur les bons acteurs". Il préconise encore et toujours de "taxer les milliers de produits qui ne se recyclent pas et qui finissent en élimination, plutôt que les gens qui gèrent cette dernière" – Amorce se prononce même pour "aller vers l’interdiction de la mise en marché de toute matière qui n’aurait pas de solution de recyclage viable". Entre autres mesures, l’association plaide également pour que le produit de la TGAP soit affecté à la prévention et au recyclage, mais aussi pour une TVA réduite sur les produits issus du réemploi, de la réparation et de la réutilisation, parmi d’autres mesures (voir notre article du 20 octobre 2023). Une dernière recommandation qui risque fort de rester lettre morte à l’heure où l’État cherche à renflouer ses caisses (voir notre article du 17 avril). 

Revoir la gouvernance

Amorce recommande par ailleurs à nouveau de bâtir "de nouvelles formes de gouvernance". "Il faut créer une sorte de marché de quotas de production de déchets des grands metteurs sur le marché, qui doivent être challengés, non pas à moins vendre, mais à vendre différemment, en générant moins de déchets", préconise Nicolas Garnier, qui entend s’inspirer du système des certificats d’économie d’énergie. Un défi, à l’heure de la "shrinkflation", cette tendance marketing qui consiste au contraire à maintenir les prix des produits tout en diminuant les quantités vendues, sans modifier l’emballage. D’où des paquets parfois au tiers vides...

Amorce continue par ailleurs de souhaiter une amélioration du "cadre juridique et administratif de la tarification incitative, afin d’en faire un véritable outil de réduction des déchets, en particulier des emballages" (voir notre article du 17 janvier).

Elle appelle encore à sanctionner les opérateurs défaillants, en créant "un système de pénalité à l’écart à la trajectoire, qui soignera enfin la schizophrénie des éco-organismes" (voir notre article du 12 avril). Nicolas Garnier indique que l’État "vient de mettre sur la table un dispositif totalement novateur" en ce sens, dont il attend beaucoup. Pour peu qu’il voie le jour. Amorce souhaiterait de même que l’augmentation de la dotation des fonds réemploi et réparation soit à l’avenir davantage corrélée avec les objectifs à atteindre. 

Valorisations organique et thermique

Autre proposition, "que le gouvernement assume enfin le développement d’une filière de valorisation énergétique dans le pays, surtout au moment où, après la crise ukrainienne, on manque d’énergie". Amorce demande ainsi la tenue "d’états généraux de la valorisation énergétique des déchets". Elle continue de solliciter par ailleurs un "soutien beaucoup plus massif au développement de la valorisation organique", notamment en réhabilitant les unités de tri mécano-biologique (voir notre article du 28 avril 2023) et en retenant une réglementation "stabilisée" et permettant "la valorisation matière". Entendre le fameux décret socle commun, qui tarde toujours à voir le jour (voir notre article du 6 mai), et dont les dernières versions n’allaient guère dans le sens souhaité par une association qui sait combien il est difficile d’être prophète en son pays.