PLF 2024 : ce qu'il faut retenir du volet "dépenses" après le recours au 49-3
Avec notamment l'incorporation de 128 amendements d'origine parlementaire, le volet "dépenses" du projet de loi de finances (PLF) pour 2024, tel que bâti par le gouvernement avec l'usage du 49.3, connaît des évolutions sensibles par rapport au texte initial. Plusieurs des nouveautés, et non des moindres, concernent en particulier les finances publiques locales. Au rang desquelles la généralisation du budget vert à toutes les collectivités de plus de 3.500 habitants et la possibilité pour ces dernières de créer une "dette verte". La généralisation du compte financier unique est aussi enclenchée. Localtis passe en revue ces nouvelles dispositions.
Extension aux collectivités et groupements de plus de 3.500 habitants du "budget vert" initié par l'État à partir de 2020 (article 49 decies). Le budget vert est "un document budgétaire présentant l’impact environnemental des dépenses à partir d'une démarche de cotation", expliquent les députés de la majorité à l'origine de l'amendement. A partir de l'exercice 2024, ce document présentera dans les collectivités concernées "les dépenses d’investissement qui, au sein du budget, contribuent négativement ou positivement, à tout ou partie des objectifs de transition écologique de la France". Le dispositif montera en puissance progressivement. Dans un premier temps, "les principales dépenses d’investissements favorables seront identifiées et quelques ratios les rapporteront à l’ensemble des dépenses, ce qui permettra ainsi de mesurer l’effort de la collectivité en faveur de la transition".
Possibilité à partir de l'an prochain pour les collectivités de plus de 3.500 habitants "d’identifier et isoler" la part de leur endettement consacré à financer des investissements concourant à des objectifs environnementaux ("dette verte"). Concrètement, le budget et le compte administratif des collectivités concernées - ou le compte financier unique pour les collectivités l'ayant adopté - comporteront un état annexé intitulé "État des engagements financiers concourant à la transition écologique" (article 49 undecies). Cet état présentera l’évolution sur l’exercice concerné du montant de la dette consacrée à la couverture des dépenses d’investissement qui, au sein du budget, contribuent positivement, aux objectifs environnementaux. Par ailleurs, il indiquera la part cumulée de cette dette au sein de l’endettement global de la collectivité.
Généralisation progressive, d'ici 2027, à l'ensemble du secteur public local du compte financier unique (CFU), qui fait l'objet cette année d'une expérimentation par près de 1.800 collectivités (article 49 tervicies). Pour rappel, en se substituant au compte administratif de l’ordonnateur et au compte de gestion du comptable public, le CFU permet de regrouper en un document unique l’exécution budgétaire et comptable d’une collectivité sur un exercice. Plusieurs bénéfices sont attendus, dont une amélioration de la qualité des comptes publics locaux et une meilleure information sur la situation budgétaire et comptable des entités publiques locales. Les collectivités ont le choix de passer au CFU pour les comptes de l'exercice 2024, pour ceux de 2025, voire pour ceux de 2026. L'ensemble des collectivités devraient ainsi disposer d'un CFU à l'horizon du premier semestre 2027 (comme la DGFIP l'avait indiqué récemment à Localtis - voir notre article du 29 septembre).
En outre, pour généraliser la mise en œuvre du CFU, le gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance, d'ici mi-2025, "toutes mesures relevant du domaine de la loi", permettant d’adapter les dispositions existantes.
Inscription dans la loi du principe et des modalités de compensation financière du transfert aux maires de la police de la publicité extérieure prévu par la loi "Climat et Résilience" d'août 2021, qui entrera en vigueur le 1er janvier prochain (article 62). La compensation financière de l'État sera effectuée via un concours particulier au sein de la dotation générale de décentralisation (DGD) dédiée au financement de l'établissement et de la mise en oeuvre des documents d'urbanisme.
Modification de la loi de 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine pour permettre, en métropole, l'engagement des crédits "politique de la ville" et ceux de la dotation politique de la ville (DPV) "dès le début d'année 2024", alors que la signature des nouveaux contrats de ville a pris du retard (article 50 D).
Précisions sur le fonctionnement de la nouvelle dotation en faveur des communes nouvelles ne regroupant pas plus de 150.000 habitants (article 60). La dotation sera composée d'une part "garantie" protégeant les communes nouvelles concernées contre toute baisse de DGF et d'une part "amorçage" de 10 euros par habitant qui sera attribuée pendant les trois premières années.
Extension aux établissements publics territoriaux (EPT) de la métropole du Grand Paris de la faculté - ouverte actuellement aux communautés de communes, communautés d'agglomération, communautés urbaines et métropoles - de recourir à des fonds de concours pour financer la réalisation ou le fonctionnement d’un équipement (article 56 bis). Par ailleurs, un amendement du gouvernement reporte d'un an le transfert de la cotisation foncière des entreprises (CFE) des EPT vers la métropole du Grand Paris, afin de "ne pas bouleverser les équilibres financiers" avant les Jeux olympiques de 2024 (article 61). Enfin, des ajustements sont décidés pour "soutenir les services de proximité assurés par les EPT".
Augmentation de 3,5 millions d'euros des crédits de la dotation générale de décentralisation (DGD) destinés aux bibliothèques. Ainsi, ces derniers dépasseront un montant de 91 millions d'euros au total, en 2024 (article 35, état B). Cette hausse doit notamment permettre de soutenir les bibliothèques publiques situées en outre-mer, comme annoncé lors du conseil interministériel des Outre-mer du 18 juillet.
Eligibilité des "certifications d’identité" au versement de la dotation pour titres sécurisés (amendement à l'article 58). Ces certifications, qui sont nécessaires au déploiement de l’identité numérique régalienne, feront l'objet d'une expérimentation à partir de février prochain auprès de toutes les communes volontaires.
La motion de censure déposée par le groupe La France insoumise devait être discutée jeudi soir en séance publique. Son probable rejet vaudrait adoption en première lecture de l'ensemble du projet de budget 2024. Un projet de texte qui ira au Sénat. La commission des finances de la Haute assemblée examinera le 15 novembre les articles de la première partie (volet recettes).
Les autres modifications retenuesAménagement du territoireLe gouvernement a retenu deux amendements identiques (Démocrate et Renaissance) visant à abonder de 3 millions d'euros les crédits de l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), Il s'agit de soutenir des projets portés par le Fonds de restructuration pour soutenir l’immobilier commercial et artisanal dans une trentaine de territoires fragiles. Projets stoppés faute de crédits suffisants. Cet abondement "donnera à l’agence un fonds de roulement nécessaire au redémarrage de cette activité, notamment dans le contexte de suites des violences urbaines intervenues en 2023". Une enveloppe de 7 millions d'euros est prévue pour poursuivre le financement des tiers-lieux, en particulier les "manufactures de proximité". De quoi poursuivre en 2024 le dispositif lancé dans le cadre du plan de relance, rappelle cet amendement Renaissance, alors que "62% des tiers-lieux se situent en dehors des 22 métropoles administratives et un tiers en zone rurale" contribuant ainsi au développement territorial. AgricultureLe gouvernement institue un fonds de garantie agricole de 2 milliards d'euros. C'est la première pierre à l'édifice du Pacte d’orientation pour le renouvellement des générations en agriculture (qui doit se traduire par un projet de loi en cours de finalisation) censé répondre à l'enjeu de l'installation des agriculteurs et au renouvellement des générations. Cette initiative vient muscler un précédent fonds baptisé Initiative nationale pour l’agriculture française (Inaf) institué dans le cadre des états généraux de l'alimentation. Ce fonds "viendra couvrir les premières pertes d’un portefeuille de prêts agricoles, toutes filières confondues" et "permettra ainsi de faire des installations des vecteurs d’accélération des indispensables transitions écologiques du secteur agricole, et ce dès 2024". Un décret viendra préciser les modalités de déploiement de ce fonds. Forces de sécuritéUn amendement Renaissance prévoit une enveloppe de 55 millions d'euros pour la rénovation des casernes de gendarmerie, "en complément des moyens du fonds vert qui pourront être fléchés vers les collectivités territoriales souvent propriétaires de nombreuses casernes". Ce renfort intervient au moment du déploiement de 238 brigades supplémentaires. Le gouvernement a prévu une rallonge de 146 millions d'euros en crédits de paiement pour la sécurité civile (240 en autorisations d'engagement). Il s'agira d'accorder des moyens supplémentaires à la lutte contre les feux de forêts, comme prévu par la feuille de route fixée par le chef de l'Etat : renouvellement de la flotte aérienne, revalorisation du remboursement des colonnes de renfort des Sdis, renforcement des moyens capacitaires des Sdis et création d’une 4e unité d’intervention et d’instruction de la sécurité civile (UIISC) à Libourne (Gironde), après celles de Nogent-le-Rotrou (Eure-et-Loir), Corte (Corse) et Brignoles (Var). EmploiLe programme "territoires zéro chômeur de longue durée" sera abondé de 11 millions d’euros supplémentaires. Cela porte à 79,63 millions d’euros le total des crédits prévus en 2024 pour cette expérimentation instaurée par la loi du 29 février 2016 et prolongée jusqu’en 2025 par la loi du 14 décembre 2020. Pour rappel, en 2023, la participation de l’État à ce dispositif s’élevait à 44,94 millions d’euros. L’augmentation des crédits a reçu un soutien transpartisan des députés des différents groupes politiques (Horizons, Modem, Liot, Socialistes, Écologiste Nupes) qui ont plaidé la nécessité d’accompagner la montée en puissance du programme et de couvrir l’inflation. Les entreprises d’insertion par le travail indépendant sont prolongées de trois années supplémentaires, c’est-à-dire jusqu’en 2026. Ces structures portant une nouvelle forme d’insertion par l’activité économique ont été créées à la faveur de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel. Le double amendement porté par le Gouvernement et le groupe Renaissance suit les préconisations d’une évaluation de l’Inspection générale des affaires sociales. L’expérimentation des "contrats passerelle" est prolongée de deux années, c’est-à-dire jusqu’en 2025. Ce dispositif issu de la loi du 14 décembre 2020 relative au renforcement de l’inclusion dans l’emploi permet à des salariés en contrat d’insertion depuis au moins quatre mois d’être mis à disposition d’une entreprise utilisatrice pendant leur parcours en SIAE. En 2022 et 2023, seuls 58 dossiers ont été acceptés, ce qui a amené le gouvernement et les autres signataires des amendements à appuyer une prolongation pour mieux évaluer la mesure. FestivalsUn amendement du député Renaissance Jean-René Cazeneuve porte de 10 à 12 millions d'euros les aides aux festivals pour accompagner leur redressement alors que "le secteur essuie encore les dernières conséquences de la crise sanitaire". Feux de forêtsDans la continuité des mesures prises après les incendies dévastateurs de l'été 2022, les crédits à destination du dispositif de Défense des forêts contre les incendies (DFCI) ont été majorés de 3 millions d’euros. Pour rappel les deux axes principaux des actions de la DFCI sont la mise en place d’équipements dans chaque massif pour permettre l’accès et la sécurité des secours et la mise en oeuvre d’un dispositif estival de surveillance et d’alerte. Logement400 millions d’euros d’autorisations d’engagements (AE) et 40 millions d'euros en crédits de paiement (CP) sont inscrits dans le programme 135 "Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat" de la mission "Cohésion des territoires" pour accompagner l’accélération des opérations de rénovation énergétique des logements sociaux. Conformément aux engagements pris lors du congrès HLM à Nantes début octobre, le gouvernement débute le déploiement d'un fonds doté d'1,2 milliard d’euros sur 3 ans dans ce but. Parallèlement, 400 millions d'AE et 40 millions de CP sont retirés du programme 174 "Énergie, climat et après-mines", dans le cadre de la réforme des aides au parc privé. "Compte tenu de la réorientation systématique des maisons individuelles passoires thermiques et des bouquets de travaux les plus ambitieux vers le parcours accompagné, mieux financé, il est attendu mécaniquement une baisse du montant unitaire moyen des dossiers d’aides par geste", a justifié le gouvernement. L’accès au prêt avance rénovation visant à financer des travaux de rénovation énergétique dans les logements est généralisé, les conditions de ressources, considérées comme trop restrictives, étant supprimées. L'impact budgétaire de la réduction de loyer solidarité (RLS), fixé chaque année en loi de finances, est stabilisé en 2024 au même niveau qu'en 2023. Un fonds de 5 millions d'euros est créé pour lutter contre les punaises de lit, dont le coût sanitaire a représenté 83 millions d’euros en 2019, selon l'Anses. Ce fonds doit servir à accompagner les propriétaires modestes, car la loi Elan de 2018 prévoit qu’il est de la responsabilité du propriétaire de lutter contre ces nuisibles pour que le logement soit considéré comme décent. Environnement et risquesLe Fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), dit "fonds Barnier", qui permet de soutenir des mesures de prévention ou de protection des personnes et des biens exposés aux risques naturels majeurs, est abondé de 20 millions d'euros supplémentaires. Son plafond pour 2024 est fixé à 225 millions d'euros. L’expérimentation "Mieux reconstruire après inondations" qui avait été créée par la loi de finances pour 2021 est prolongée de deux ans, jusqu’au 26 septembre 2026. Elle vise à "tester différentes hypothèses (élargir les critères d’éligibilité au fonds, renforcer l’accompagnement des bénéficiaires, simplifier les procédures d’instruction et des délais…)". Les modalités de l’expérimentation seront fixées par arrêté du ministre chargé de la prévention des risques naturels. L'action " Prévention des risques et des pollutions" du programme "Prévention des risques" est abondée de 10 millions d'euros en AE et en CP pour la prévention des risques liés à la pollution aux substances chimiques PFAS ou "polluants éternels". TransportsLe plafond d’emplois du programme Infrastructures et Services de transport du ministère de la Transition écologique est porté à 5.171 ETPT avec 20 ETPT au bénéfice de la Société du Grand Paris (SGP) pour permettre la mobilisation de cet opérateur dans le cadre du déploiement du programme des Services express régionaux métropolitains (Serm). EnergieLe gouvernement se donne "la faculté" de mettre en œuvre le bouclier tarifaire pour l’électricité pour les microentreprises ou petites collectivités éligibles aux tarifs réglementés de vente de l’électricité comme cela est déjà prévu pour les clients résidentiels. Il prévoit également la possibilité de prolonger le dispositif d’amortisseur électricité en 2024, le champ des clients éligibles devant être défini par voie réglementaire. Le dispositif prévoit que l’État prendra en charge, pour chaque client éligible, une quote-part de l’écart entre le coût de l’approvisionnement du client et un approvisionnement à un prix de référence, cette quote-part et ce prix de référence étant définis par voie réglementaire. Outre-merCréé pour répondre à la crise sanitaire dans les territoires ultramarins, le "fonds outre-mer" (géré par l'Agence française de développement) est abondé de 10 millions d'euros en autorisations d'engagements (soit un doublement) pour permettre à l'AFD de "recourir aux experts recrutés par Expertise France, pour renforcer les aides à l’ingénierie". Le fonds de secours outre-mer est abondé de 5 millions d'euros par un amendement Liot. Ce fonds sert à couvrir les dommages causés aux particuliers, agriculteurs et collectivités en cas de catastrophes naturelles. Un amendement Liot instaure un fonds de soutien dédié aux jeunes entrepreneurs ultramarins doté de 2 millions d'euros afin "d’inverser les tendances actuelles constatées dans nos territoires ultramarins, à savoir retenir ou faire revenir sur leur territoire d’origine les jeunes après leurs études". Un amendement socialiste abonde de 2,5 millions d'euros (soit 10 millions d'euros au total) la subvention pour charges de service public de l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité. De quoi financer de nouveaux dispositifs de continuité territoriale. Sur proposition des députés Liot, les associations ultramarines du secteur sanitaire et social bénéficieront d'une rallonge de 2 millions d'euros de subventions pour répondre aux graves difficultés sociales accentuées par les crises actuelles. Le gouvernement reporte d'un an la signature des nouveaux contrats de ville en outre-mer par rapport à ce que prévoyait la loi 21 février 2014 de programmation pour la ville et la cohésion urbaine (soit le 31 décembre 2024 au lieu du 31 décembre 2023) "afin de permettre un travail approfondi de concertation à partir des préconisations d’une mission inter-inspections sur le zonage et la gouvernance de la politique de la ville en outre-mer". "Ces contrats de ville Engagements Quartiers 2030 seront négociés sur la base de cette géographie révisée dès l’automne 2023 et pourront être signés jusqu’au 31 mars 2024 en métropole et jusqu’au 31 décembre 2024 en outre-mer", rappelle l'amendement. Les agences pour la mise en valeur des espaces urbains de la zone dite "des cinquante pas géométriques" sont rendues éligibles au fonds de prévention des risques naturels majeurs ou fonds Barnier. Les agences pourront notamment verser l’aide financière aux occupants sans droit ni titre de biens à usage d’habitation exposés à une menace grave pour les vies humaines. 700.000 euros (en AE et CP) sont attribués au programme 123 "Condition de vie Outre mer", et retirés du programme 138 "Emploi outre mer" pour permettre au gouvernement de Nouvelle-Calédonie de réunir les éléments scientifiques nécessaires à l’élaboration d’un schéma d’adaptation au réchauffement climatique (élaboration d’une carte globale de l’évolution du trait de côte, priorisation d’opérations d’aménagement et programmation pluriannuelle d’actions auprès des populations et des collectivités locales). Le périmètre d’intervention d’Action Logement est étendu à Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon. La prime de transition énergétique est ouverte aux propriétaires d’un logement situé à Saint-Pierre-et-Miquelon afin de permettre l’atteinte des objectifs de rénovation énergétique sur ce territoire. |