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Environnement / Transports - PLF 2014 : les députés ont voté la contribution climat énergie et la hausse de la TVA sur la gestion des déchets et les transports

Les députés ont voté le 21 octobre l'instauration d'une contribution climat énergie (CCE) dans le projet de loi de finances pour 2014. "Pour la première fois, nous allons avoir une composante carbone dans notre fiscalité. C'est une avancée", s'est réjoui l'écologiste Denis Baupin dont le parti avait fait du verdissement de la fiscalité une condition pour le vote du budget 2014. Cette taxe carbone revisitée consiste à augmenter progressivement les taxes intérieures sur la consommation des produits énergétiques polluants, les TIC, en fonction de leurs émissions de CO2. La composante carbone intégrée aux TIC sera fixée à 7 euros la tonne, puis atteindra 14,5 euros en 2015 et 22 euros en 2016. En tout, la mesure doit rapporter 340 millions d'euros l'an prochain, avant une montée en puissance à 2,5 milliards en 2015 et 4 milliards en 2016. La TIC sur les carburants et sur le fioul domestique sera cependant globalement maintenue au même niveau l'an prochain. Elle n'augmentera que sur le fioul lourd, le gaz naturel et le charbon.
Selon le rapporteur au budget Christian Eckert (PS), la CCE devrait représenter en 2015 une augmentation d'environ 2,9 centimes par litre pour le gazole. Cela correspondra un surcoût sur l'année de 28 euros pour un célibataire se chauffant au gaz, ou de 1,4 euro s'il se chauffe au fioul domestique. Sur les quatre milliards d'euros attendus en 2016, trois milliards contribueront au financement du crédit d'impôt compétitivité emploi (Cice) tandis qu'un milliard financera l'application du taux réduit de TVA à la rénovation énergétique et au logement social.
"C'est une montée en puissance rapide, juste après les municipales pour combler les déficits", a dit l'UMP Jean-François Lamour. "Il ne s'agit pas d'une taxe à vocation 'calinothérapique' pour les députés de la majorité", a rétorqué le ministre délégué au Budget, Bernard Cazeneuve. Si certains députés eurent préféré que l'affectation du produit aille davantage aux ménages, l'écologiste Eric Alauzet a apprécié "qu'on substitue au coût du travail le coût de l'énergie fossile" comme le font déjà les pays nordiques.
Les députés ont en revanche rejeté plusieurs amendements écologistes qui réclamaient au nom de l'impact sanitaire des particules fines émises par les moteurs diesel une réduction dès l'an prochain de l'avantage fiscal du gazole, beaucoup moins taxé que l'essence. Cette question, qui, de longue date, constitue une des principales pommes de discorde entre le PS et ses alliés écologistes, avait donné lieu à un affrontement au sein de la majorité en septembre. Par ailleurs, la défiscalisation des biocarburants, dont le bilan environnemental est fortement critiqué, sera progressivement supprimée d'ici au 1er janvier 2016, selon un autre article adopté. Les députés ont aussi voté le durcissement du malus automobile
Le projet de loi de finances prévoit aussi d'étendre à sept nouvelles substances la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) dite "air", qui frappe les entreprises rejetant dans l'atmosphère certaines substances nocives, dans le cadre de la lutte pour la qualité de l'air, domaine où la France est régulièrement épinglée par l'UE. Il s'agit du plomb, du zinc, du chrome, du cuivre, du nickel, du cadmium et du vanadium, avec des taux qui iront de 5 à 500 euros par kilogramme rejeté.
Parmi les autres mesures de fiscalité écologique, les députés ont aussi adopté le prélèvement de 210 millions d'euros sur le fonds de roulement des agences de l'eau. Un amendement défendu par Eric Alauzet (EELV, Doubs) précise que ce prélèvement "ne devra pas remettre en cause les programmes de préservation et de reconquête de la biodiversité et l'objectif d'atteinte du bon état des masses d'eau".
Par ailleurs, les députés ont adopté un amendement gouvernemental sur les déchets d'amiante (article 18 bis du texte). "La Cour européenne a reconnu dans un arrêté du 1er décembre 2011 que les déchets d'amiante n'étaient pas des déchets inertes et devaient être réceptionnés dans tout type d'installation de stockage de déchets, a expliqué le ministre délégué au Budget, Bernard Cazeneuve. Actuellement, seules les installations de stockage de déchets exclusivement affectées à l'amiante-ciment sont dispensées de s'acquitter de cette taxe. L'amendement propose d'étendre l'exonération à tous les déchets contenant de l'amiante et donc de dispenser du paiement de la taxe toutes les installations autorisées à recevoir des déchets d'amiante-ciment qu'elles soient ou non exclusivement affectées à cet usage. Cette disposition permettra, en ne soumettant plus à cette taxe la réception des déchets d'amiante, d'éviter tout risque de voir des déchets dangereux entreposés dans des décharges sauvages, en dehors des installations prévues à cet effet".

Des accrocs sur la TVA

Concernant le "verdissement" de la TVA, les députés ont adopté avec un large consensus la baisse à 5,5% du taux de TVA sur les travaux de rénovation thermique des logements de plus de deux ans, éligibles au crédit d'impôt pour le développement durable. D'un coût de l'ordre de 500 millions d'euros pour l'Etat, cette mesure a été introduite via un amendement socialiste qui était soutenu par le gouvernement. Autre geste de verdissement : la TVA sur les engrais sera portée à 20%, à l'exception de celle sur les produits utilisables en agriculture biologique, taxés au taux intermédiaire de 10% à compter de début 2014. En revanche, les demandes des écologistes mais aussi du Front de gauche ou de l'UMP de baisser de 10% à 5,5% la TVA s'appliquant à la gestion des déchets, à l'eau et aux transports sont restées vaines, ce qui n'a pas manqué de faire réagir les associations d'élus. A l'occasion du congrès national d'Amorce, les élus locaux en charge de la collecte et du traitement des déchets ont défilé le 17 octobre jusqu'à la préfecture de Bastia pour exprimer leur mécontentement. Amorce dénonce une taxation "antisociale " s'appliquant à un "service public de première nécessité et de salubrité publique". Elle serait "identique à celle des œuvres d'art ou des fast food quand le chocolat ou le cinéma seront bientôt assujettis à 5,5% et alors que les déchets ménagers coûtent déjà 7 milliards d'euros aux Français, soit plus de 100 euros par habitant". Amorce y voit aussi une taxation "anti-écologique", "quelques semaines après que la conférence environnementale ait (sic) porté au rang de priorité nationale le développement des collectes sélectives, du recyclage et de la valorisation des déchets" et "une taxation anti-économique alors la collecte et le traitement des déchets représentent plus de 150.000 emplois en France, un potentiel important de ressources en matériaux (verre, plastique, acier, aluminium, papier…) et en énergie pour le pays". L'association des maires de France (AMF) est aussi montée au créneau pour demander le maintien du taux réduit de TVA pour les services locaux de première nécessité. Dans un communiqué, elle cite le cas du service de gestion et de valorisation des déchets qui a déjà connu une augmentation de 5,5% à 7% de son taux de TVA en 2012. Une nouvelle hausse, "qui aboutirait à un quasi-doublement de la charge de TVA, se traduira inéluctablement par une augmentation du coût du service pour les habitants", met en garde l'AMF, qui demande le maintien du taux de 5,5%, de même que pour les cantines scolaires. "Si la fourniture de repas bénéficie d'une exonération de TVA lorsqu'elle est faite directement par la commune ou l'EPCI, elle relève actuellement du taux de 5,5 % lorsqu'elle est effectuée par un prestataire extérieur, explique l'association qui dit accorder " la plus grande importance à ce que l'application du taux réduit soit conservée afin de ne pas augmenter le coût des repas pour les familles concernées."
Le groupement des autorités responsables de transport (Gart) a lui aussi réclamé une nouvelle fois "le classement des transports du quotidien comme service de première nécessité". Le président de la SNCF, Guillaume Pepy, s'est aussi élevé contre l'augmentation de TVA prévue au 1er janvier 2014, qu'il qualifie d'"impôt sur les billets de train" et a demandé à ce que "les transports de la vie quotidienne" en soient exemptés. Mais Bernard Cazeneuve a confirmé la hausse ce 22 octobre devant les députés. Il a expliqué que "pour des raisons qui tiennent à la réglementation européenne, il n'était pas possible (...) de prendre une mesure qui n'aurait concerné que les transports en régie". "Nous ne voulons pas, après avoir soldé un certain nombre de contentieux européens, en ouvrir de nouveaux", a-t-il argumenté. Par ailleurs, "nous avons décidé d'aider le secteur des transports à travers le programme d'investissements d'avenir", a-t-il ajouté.
Le relèvement de la TVA, de 7 à 10% au 1er janvier 2014, doit permettre de financer le crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE), qui doit soutenir les entreprises et qui correspond à l'équivalent de 4% de la masse salariale reversée aux entreprises. Selon le ministre, le secteur des transports "est bénéficiaire net des deux mesures à hauteur de 20 millions d'euros".