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Environnement / Transports - Plan anti-pollution à Paris : restrictions de circulation et nouvelles mesures incitatives au menu

Après plusieurs années de tergiversations, la mairie de Paris a dévoilé le 28 janvier les mesures de son plan antipollution. "Comme l'ont déjà fait près de 200 villes européennes, nous allons mettre en place une 'zone à basse émission' dont nous allons progressivement interdire l'accès aux véhicules polluants, diesel comme essence", a déclaré Anne Hidalgo dans une interview au Monde.fr. Premiers concernés : les "cars et (les) poids lourds les plus polluants", dont la maire de Paris (PS) souhaite interdire la circulation "dès le premier juillet 2015".
La mesure devrait s'appliquer aux véhicules construits avant le 1er octobre 2001, de 8h00 à 20h00 et sept jours sur sept, sur tout le territoire parisien à l'exception du périphérique et des bois de Vincennes et Boulogne, précise l'adjoint aux transports Christophe Najdovski (EELV). Des discussions sont toutefois en cours "avec l'Etat pour voir si la mesure entre bien" dans le cadre légal actuel, a expliqué un porte-parole à l'AFP. Ensuite, à partir du "1er juillet 2016, cette interdiction s'appliquera à tous les véhicules les plus polluants", annonce encore Anne Hidalgo dans Le Monde. Les véhicules concernés seront les voitures et camionnettes de plus de 19 ans, les deux-roues de plus de 16 ans. Poids lourds et camions seront alors interdits de façon permanente, les autres les jours ouvrés.
La mesure aura vocation à s'appliquer "à l'échelle du Grand Paris, avec toutes les collectivités qui le souhaitent", dans le cadre de la loi transition énergétique et de la construction de la métropole du Grand Paris. Entre 2017 et 2020, la mairie souhaite étendre progressivement la mesure aux véhicules deux, trois et quatre étoiles (sur une échelle de cinq). Elle entend également "éradiquer" le diesel à l'horizon 2020, même si "le cadre légal ne le permet actuellement pas", selon Christophe Najdovski.
"La lutte contre la pollution aux particules fines, liée notamment à la diésélisation du parc automobile, est un enjeu de santé publique majeur", souligne Anne Hidalgo. Ces particules fines, déclarées "cancérogènes certains" par l'Organisation mondiale de la santé, sont à l'origine de 42.000 décès prématurés en France chaque année, selon une estimation publiée dans un rapport de la Commission européenne.

Retour des Zapa ? 

Ces restrictions de circulation s'accompagneront d'un plan d'aides diverses de cinq millions d'euros, voté au Conseil de Paris des 9 et 10 février : abonnement gratuit à Autolib pour les jeunes venant d'obtenir leur permis, remboursement pendant un an du Passe Navigo pour les Parisiens renonçant à leur véhicule, accompagnement des copropriétés pour installer des points de recharge pour les véhicules électriques, aide financière pour les professionnels de Paris et de la petite couronne faisant l'achat d'un véhicule propre.
Présidente du groupe UMP au Conseil de Paris, Nathalie Kosciusko-Morizet a fustigé des mesures trop "tardives", mises en place sans moyens suffisants pour accompagner la transition et sans concertation avec les communes de la métropole. "Cette zone à basse émission, c'est quasiment la même chose que les Zapa (zones d'action prioritaire pour l'air, ndlr), que Mme Hidalgo voulait zapper (pendant la campagne des municipales)", a tempêté auprès de l'AFP l'ex-ministre de l'Ecologie, qui avait présidé à leur définition.
L'interdiction de circuler dans le coeur des agglomérations, mise en oeuvre dans de nombreuses villes européennes, est un serpent de mer dans l'Hexagone. L'ex-maire de Paris Bertrand Delanoë avait lui-même appelé en novembre 2012 à la mise en place d'une Zapa "sur un territoire étendu jusqu'à l'A86", mesure qu'il voulait accompagner d'une nouvelle "prime à la casse" pour aider les ménages à se défaire de leurs véhicules polluants. Faute d'enthousiasme de la part de l'Etat et des collectivités de la métropole, Anne Hidalgo s'est résolue à restreindre dans un premier temps la mesure au territoire parisien : "Paris ne peut pas attendre que tout le monde bouge pour avancer. La ville doit jouer un rôle d'éclaireur, de pionnier", a-t-elle dit au Monde.
Salué par les associations de défense de l'environnement, le plan de la maire de Paris a été vivement critiqué par l'association 40 millions d'automobilistes. Les uns et les autres s'accordent sur un point, "la pollution ne s'arrête pas aux portes de Paris", et appellent à trouver des solutions à l'échelle métropolitaine.

Source AFP

Zones à circulation restreinte : l'Ademe rappelle le retard de la France
Les "zones à circulation restreinte" existent dans près de 200 villes en Europe, mais toujours pas en France, a rappelé l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (Ademe) le 28 janvier. Alors que la maire de Paris a annoncé sa volonté d'instaurer prochainement une "zone à basse émission" dans la capitale et que le projet de loi relatif à la transition énergétique donne la possibilité aux villes et agglomérations de plus de 100.000 habitants concernées par un plan de protection de l'atmosphère d'instaurer des zones de restriction de la circulation (ZRC) pour les véhicules les plus polluants, une étude de l'Agence, actualisée en juin dernier, souligne le retard des villes françaises en la matière. La Suède a été la première à expérimenter le dispositif des "low emission zones" (LEZ) ou zones à basses émissions, dès 1996. Le principe de ces zones est d'interdire l’accès à une ville ou partie de ville pour les véhicules dont les moteurs ne répondent pas à certaines normes d’émissions ou d’équipement (normes Euro et/ou présence d’un filtre à particules). L'Allemagne et le Royaume-Uni ont suivi l'exemple suédois à partir de 2008. A la mi-2014, environ 194 zones à faibles émissions étaient recensées dans neuf pays européens et ces chiffres sont appelés à progresser. En Allemagne chaque année plusieurs villes inaugurent une zone à faibles émissions et dans d'autres pays plusieurs projets seront bientôt opérationnels (Anvers, en Belgique, aura une LEZ en 2016). Le dimensionnement de la zone dépend du contexte local : elle peut concerner uniquement une petite partie du centre-ville - Illsfeld, en Allemagne, a une zone de 2 km2 - ou la totalité d'une agglomération (1.500 km2 pour le Grand Londres). Il arrive aussi que plusieurs communes se regroupent pour former une zone unique - c'est le cas dans la Ruhr, avec une LEZ de 800 km2. Les véhicules concernés ne sont pas non plus tous identiques d'un pays à l'autre. Dans la plupart des cas, il s'agit majoritairement des poids lourds et des bus et autocars. Mais en Allemagne et en Italie, qui concentrent 85% des LEZ recensées en Europe, les véhicules légers sont concernés. En Italie, même les deux-roues sont inclus. "Dans tous les cas des réductions sont observées sur les concentrations en dioxyde d'azote et les concentrations en particules PM10", conclut l'Ademe. Toutefois, "ce dispositif ne peut constituer à lui seul une solution aux problèmes de dépassements des valeurs limites réglementaires pour la qualité de l'air", ajoute l'Agence, tout en l'estimant "nécessaire (...) pour agir dans le sens du développement durable des villes". Anne Lenormand