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Environnement - Lutte contre la pollution en ville : les Zapa patinent

Nice vient de jeter l'éponge et les sept autres agglomérations volontaires pour expérimenter les zones d'actions prioritaires pour l'air (Zapa) demandent des délais supplémentaires et des aménagements du dispositif. Le déploiement des Zapa a pourtant été présenté comme l'un des principaux moyens de lutte contre la pollution par les particules fines alors que la France est poursuivie par Bruxelles pour non-respect de la législation européenne en la matière.

Mesure phare du Grenelle de l'environnement, la mise en place des zones d'actions prioritaires pour l'air (Zapa), précédée d'une phase d'expérimentation de trois ans dans huit agglomérations volontaires à partir de 2012, connaît de sérieux ratés. La ville de Nice vient en effet de renoncer à tester le dispositif, au motif que son programme global de réduction des émissions polluantes dans les transports serait plus efficace. Elle mise notamment sur la création d'une seconde ligne de tramway pour dissuader 20.000 véhicules d'emprunter la célèbre promenade des Anglais, l'un des axes les plus pollués de la ville. "Le dispositif Zapa, très compliqué et peu efficace, est incompris d'une grande partie des gens qui aujourd'hui le prennent comme une mesure discriminatoire à leur égard", a expliqué Christian Estrosi, député-maire UMP. Fin mai, la mairie de Nice avait pourtant annoncé le lancement en juin d'une longue étude de neuf mois pour définir le périmètre de sa Zapa.
Les sept autres agglomérations volontaires - Paris, Saint-Denis, Lyon, Grenoble, Clermont-Ferrand, Bordeaux et Aix-en-Provence - estiment de leur côté ne pas être prêtes. Elles demandent des délais supplémentaires ou bien réclament une modification des textes.

Risque social

A Aix-en-Provence, l'expérimentation pourrait avoir lieu au mieux en 2013. "On est encore en phase de modélisation des différents scénarios pour définir un périmètre qui sera soumis à concertation auprès de la population", indiquent les responsables qui penchent "pour une combinaison de solutions" – piétonisation, stationnement en parcs-relais, renforcement des transports en commun, covoiturage, etc. Grenoble prépare un dossier mais demande un délai supplémentaire. Une enquête sur les impacts a montré que "ce sont surtout les ouvriers et les jeunes qui seraient touchés par une mesure d'interdiction, or nous n'avons pas pour l'instant assez d'alternatives à leur proposer", a déclaré Jacques Chiron, adjoint en charge des transports. La ville envisage donc de tester le dispositif sans contraintes (pas de PV) début 2014 puis de le modifier lorsque les nouvelles lignes de tramway seront opérationnelles.
Clermont-Ferrand demande une dérogation pour remettre le dossier fin 2012. "Nous sommes hostiles à une interdiction des véhicules car c'est socialement insupportable. On va trouver d'autres solutions", explique Danielle Auroi, vice-présidente de Clermont Communauté. "A Clermont, on n'a pas trop de problème de poussières mais d'oxyde d'azote, provoqué par les gros 4X4 sur les boulevards périphériques. On s'est aperçu qu'une régulation à 50 km/h tout au long de la route est très efficace." A Bordeaux, la communauté urbaine (CUB) et la ville indiquent que l'expérimentation d'une Zapa ne sera pas mise en place avant les conclusions d'une étude, menée actuellement par la CUB, qui devra déterminer quels types de polluants sont à l'œuvre.

L'arrêté de classification des véhicules dans le collimateur

La ville de Paris souhaite clairement que le ministère de l'Ecologie produise un nouveau texte. Denis Baupin, adjoint chargé de l'environnement, critique la classification des véhicules proposée par le gouvernement Fillon. "Faute de prise en compte des émissions de CO2, seuls les véhicules diesel les plus anciens et les moins coûteux pourraient être concernés par la Zapa tandis qu'échapperaient à toute restriction les véhicules les plus puissants, les plus consommateurs d'énergie fossile et les moins adaptés à la ville." Même critique, de la part de Michel Ribay, maire adjoint de Saint-Denis en charge de l'écologie urbaine : "Les véhicules les plus anciens sont ceux qui roulent le moins et ne sont pas les plus gros pollueurs." L'agglomération lyonnaise reconnaît se poser les mêmes questions que les autres villes tests. Elle devrait rendre une partie du dossier en juillet et le dossier complet ultérieurement.
Plus que le dispositif lui-même, ce sont bien ses modalités d'application qui sont remises en cause. Particulièrement visé, l'arrêté du 3 mai 2012, qui a classé en cinq groupes les véhicules à moteur en fonction de leur niveau réglementaire d'émission de gaz polluants et de particules, donnant la possibilité aux communes d'interdire l'accès de certains groupes. Pour ses détracteurs, cela risque d'abord de pénaliser les propriétaires de vieux véhicules diesel qui roulent peu et l'association 40 millions d'automobilistes est immédiatement montée au créneau. "Si les communes concernées choisissaient le scénario le moins contraignant, toutes les voitures particulières immatriculées avant le 1er janvier 1997 seraient interdites de circulation, cela représente plus de 3 millions de véhicules au niveau national", a mis en garde son président, Louis Derboulle. La Fédération française des motards en colère a embrayé en demandant aux municipalités tests de "prendre en compte le caractère liberticide des Zapa, leur coût social élevé et leur faible impact environnemental".
Le dossier des Zapa est donc appelé à revenir sur le bureau de la ministre de l'Ecologie, d'autant que la France est actuellement poursuivie par Bruxelles devant la Cour de justice de l'Union européenne pour ses mauvais résultats en termes de pollution aux particules fines. Les seuils limites d'exposition ont été dépassés dans de nombreuses régions. Faute de changement en la matière, l'amende encourue est de 40 millions d'euros.