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PMU - Peu de petites et moyennes universités font le pari du regroupement

Un précieux rapport de l'Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche (IGAENR) montre comment se positionnent les petites et moyennes universités (PMU) dans le grand mouvement de restructuration de la carte universitaire et scientifique visant à faire émerger des champions internationaux. Quelques-unes adhèrent "activement". La plupart sont "prudentes" pour ne pas dire "méfiantes" face à cette politique de site menée à marche forcée par le gouvernement. L'IGAENR recommande notamment d'ouvrir davantage les collectivités à la signature des contrats de site.

Un rapport sur les "Petites et moyennes universités", réalisé par l'Inspection générale de l’administration de l’éducation nationale et de la recherche (IGAENR), sous la direction de Pascal Aimé, a été rendu public le 2 mars. Il avait été remis en octobre 2016 à la ministre Najat Vallaud-Belkacem et à son secrétaire d'Etat à la Recherche et à l'Enseignement supérieur, Thierry Mandon. Certains constats datent donc un peu mais le mouvement décrit est toujours bien d'actualité.
S'appuyant sur la situation de 39 "PMU", le rapport analyse les stratégies choisies par ces établissements pour construire leur développement et s'inscrire dans un territoire dans le contexte de restructuration de la carte universitaire et scientifique autour d'un nombre limité de sites, ainsi que l'encourage la loi Fioraso de 2013 (voir nos articles ci-dessous). Une politique qui se traduit aujourd'hui par 25 regroupements d'établissements, concernant 1,7 million d'étudiants, soit les deux tiers des effectifs de l'enseignement supérieur.
Il formule sept préconisations visant à "faciliter la structuration territoriale" de l'enseignement supérieur français et à "faire évoluer les modalités de dialogue entre le ministère et les établissements". L'une d'elles appelle à ouvrir les contrats de site aux collectivités territoriales "qui souhaitent s’engager".

Les PMU refusent l’idée de se cantonner au premier cycle universitaire

D'abord un point de définition. La communauté universitaire utiliserait le terme de "petites et moyennes universités" pour désigner les établissements ne faisant pas partie du groupe des universités dites "intensives en recherche" et des universités issues des fusions d’établissements réalisées depuis 2008.
Pour les auteurs du rapport, il s'agit plus globalement d’établissements "de plus petite taille que les grands ensembles récemment constitués" et en général "situés à l’extérieur des grandes agglomérations universitaires ou qui ne s’inscrivent pas dans le processus de rapprochement ou de fusion engagé sur ces sites". Autre caractéristique : ces établissements "s’interrogent sur le rôle que la politique d’enseignement supérieur et de recherche de la Nation entend leur réserver à l’avenir". S'ils "sont conscients qu’ils jouent, en matière de formation, un rôle important dans l’accueil des étudiants et dans la démocratisation de l’accès à l’enseignement supérieur, ils refusent l’idée d’évolution vers des universités principalement de premier cycle".
Ils revendiquent également "la possibilité de continuer à développer des activités de recherche et de formation au niveau master, tout en reconnaissant qu’ils ne disposent pas forcément des mêmes forces et ne peuvent pas tous couvrir les mêmes champs disciplinaires que les grands établissements pluridisciplinaires métropolitains".
A noter que la mission a constaté que leur situation financière moyenne était "comparable à celle des autres universités françaises alors qu’ils apparaissent plus largement sous dotés dans les modèles de répartition".

A la recherche du bon compromis entre visibilité et coopération

"L’idée selon laquelle il existerait une catégorie unique de petites et moyennes universités est infondée", conclut la mission après avoir analysé les activités de formation et de recherche de chacun des établissements. Les PMU "obtiennent des résultats plus ou moins convaincants selon que l’on observe l’intensité ou la qualité de leurs travaux de recherche, l’évolution démographique, la structure et l’efficacité de leur offre de formation ou leur ancrage territorial et social".
Vis-à-vis des Comue et autres mouvements de regroupement de sites universitaires, elles adoptent également des choix stratégiques "très différents". Il s'agit pour elles, explique l'IGAENR, "d’établir un bon compromis entre une stratégie de différenciation qui leur permette d’être visibles aussi bien en recherche qu’en formation et une stratégie de coopération qui aide à constituer des ensembles structurés, cohérents et performants à l’échelle d’un site".
Quelques universités petites ou moyennes font ainsi le choix de participer activement à une stratégie de site portée par un établissement chef de file, issu d’une fusion, ou par une Comue (communauté d'universités et établissements) ou cherchent à constituer à plusieurs un ensemble plus cohérent et plus fort. C'est le cas de l’université Jean Monnet de Saint‐Etienne (avec la Comue de Lyon), ou encore des universités normandes de Caen et Rouen (avec la Comue Normandie université).

La crainte d' "une forme d'impérialisme"

D'autres PMU privilégient une stratégie de site plus prudente, "la reconnaissance de la responsabilité d’un établissement chef de file dans la construction d’une politique de site à travers une Comue ou un contrat d’association n’allant pas de soi".
Ainsi l’université d’Artois "craint une forme d’impérialisme des universités lilloises fusionnées, d’un déséquilibre au sein de la Comue Lille Nord-de-France, voire d’un désintérêt de Lille vis-à-vis des autres universités de la région", a observé la mission. "A Valenciennes, les responsables rencontrés considèrent également que les établissements fusionnés (...) privilégient davantage une vision métropolitaine qu’une vision de site et qu’il faut donc tout faire pour" rester maître de son destin".
Les auteurs du rapport ont également constaté que l’université de Chambéry "n’adhère pas à la vision qu’elle considère être essentiellement 'grenobloise' de la Comue académique et se montre plutôt favorable à une convention d’association entre l’Université Grenoble Alpes et les autres établissements de l’académie, voire au développement de coopérations avec des établissements beaucoup plus éloignés comme l’université de Pau-Pays de l’Adour". L'université de Chambéry leur a expliqué que son objectif était de "valoriser les dynamiques territoriales et académiques et non de les nier au sein d’une structure à dominante métropolitaine".

Quand toute structure apparaît comme "le faux nez d'une fusion à venir"

Cette grande prudence vis-à-vis des politiques de site se retrouve chez les établissements "SHS" (Sciences humaines et sociales) qui ont choisi de se tenir à l’écart des fusions métropolitaines réalisées ou en projet, comme c'est le cas des universités de Bordeaux 3, Montpellier 3, Rennes 2.
"Dans ce cas, les Comue sont très peu intégrées et la probabilité qu’elles le soient davantage est faible", note la mission. "Le mode associatif ne reçoit pas plus d’écho, toute structure apparaissant comme 'le faux-nez' d’une fusion à venir", observe-t-elle, notant toutefois que "cette méfiance n’exclut pas, au contraire, une volonté de participation à des projets communs (Rennes 2), ni même, dans le cas de Montpellier, un discours de principe positif vis-à-vis de la Comue avec le souhait de financements plus importants".

La stratégie "minimaliste"

Enfin, d'autres PMU adoptent une stratégie "minimaliste", dite "à bas bruit" par les auteurs du rapport, soit parce que la Comue est trop vaste ou trop petite pour porter des politiques très intégrées, soit parce qu’un mode associatif à faible intégration est préféré.
L’université d’Avignon est ainsi sur un mode associatif avec l’université d’Aix‐Marseille "pour garder identité et visibilité" tout en développant des mutualisations en matière d’achats, d’échanges d’expériences sur les bonnes pratiques (système d'information, handicap, égalité, développement durable, relations internationales...), de vie de campus...
Perpignan, qui développe "une stratégie individuelle et qualitative" autour de quelques niches d’excellences dans le domaine de la recherche ou de la formation, avait quant à elle, en 2015, "accepté de participer à une des deux Comue possibles (Toulouse ou Montpellier) dans le cadre de mutualisations utiles". "Utiles" mais aussi "respectueuses des stratégies de chacun", a insisté l'université auprès des inspecteurs, comme le rayonnement international, la vie étudiante et la culture, la coordination de l’offre de formation et de l’activité de recherche ou encore la création d’un observatoire de la vie étudiante commun.
C'est aussi le cas de l’université de Bretagne Sud (qui "appartient à la Comue Bretagne-Loire mais estime que celle‐ci ne répond pas à ses attentes stratégiques"), de celles d'Orléans et de La Rochelle...
A l'inverse, comme à Reims ou à Amiens, la Comue ou le périmètre de l’association apparaîtrait trop petit et les regroupements d'établissements n'auraient "dès lors guère de sens et de cohérence", estiment les auteurs du rapport.

Une organisation des universités françaises "largement tributaire de la hiérarchie urbaine"

Dans son rapport, l'IGAENR fait référence aux études de géographie spatiale tendant à montrer que "l’organisation des universités françaises est largement tributaire de la hiérarchie urbaine". Elle rappelle que l’histoire de l’université allemande, anglaise, belge ou espagnole est tout autre puisque "les universités se sont structurées historiquement à partir de villes créées par et pour elles : Heidelberg, Oxford, Cambridge, Louvain, Salamanque".
"Il est possible que la récente loi Maptam conforte ce phénomène et que les sites universitaires qui étaient capitale régionale et ne le sont plus évoluent différemment des sites universitaires situés dans les nouvelles capitales", se projettent les auteurs du rapport. Ils ajoutent : "cette forte hiérarchisation se combinerait avec une importante densité de sites de proximité offerte aux étudiants, non seulement entre sites avec une formation d’enseignement supérieur (distance moyenne de trente-deux kilomètres), mais également entre pôles universitaires complets (distance inférieure à deux heures de route)". Avec une nuance de taille : "cette polarisation, alliée avec une forte granularité, existe bien pour les premiers cycles universitaires mais pas au‐delà".

(*) Parmi lesquelles les universités de Tours, Besançon Franche‐Comté, Brest, Saint‐Etienne, Limoges, Chambéry Savoie, Pau Pays de l’Adour, Montpellier 3, Rennes 1, Versailles, Dijon Bourgogne, Poitiers, Perpignan, Rouen, Orléans, Caen, Angers, Mulhouse Haute‐Alsace, Bretagne Sud, Amiens, Cergy‐Pontoise, Avignon, La Rochelle, Le Mans, Evry, Toulon, Reims, Bordeaux 3, Rennes 2, Nîmes, CUFR d’Albi, Institut national de Bordeaux, UT de Compiègne, Valenciennes, Littoral et Artois, Le Havre...
 

 

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