Aménagement numérique - "Petit cru pour le très haut débit" en 2010... la faute aux opérateurs, selon l'Avicca

C'est toujours l'histoire du verre à moitié vide ou à moitié plein. "A l’heure des bilans, on ne peut que regretter la lenteur du démarrage du très haut débit (THD)", a lancé, ce 11 janvier, Yves Rome, président de l'Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l’audiovisuel (Avicca). L'élu local, à la tête du conseil général de l'Oise, pointe à la fois : la différence entre les annonces d'investissement des opérateurs et leur déploiement sur le terrain, les retards dans la mise en place de la réglementation "de la faute des acteurs qui ne veulent pas avancer", et l'aggravation de la fracture numérique entre zones denses et moins denses.
Sous l'angle purement quantitatif, les derniers chiffres de l’Autorité de régulation des communications électronique et des postes (Arcep) indiquent que seulement 227.000 logements supplémentaires ont été "fibrés" en 2010. L'Arcep espère que cette augmentation annuelle va passer à 800.000 en 2011. "Il faudrait une quarantaine d’années à ce nouveau rythme, s’il est atteint, pour fibrer la France, bien loin de l’objectif de 15 ans fixé par le président de la République. Déjà les 4 millions de prises du programme France Numérique 2012 ne seront pas au rendez-vous", prévoit l'Avicca.
Les règles pour la mutualisation dans les immeubles de moins de douze logements de la zone très dense, en débat depuis un an, ne sont en effet toujours pas fixées. "Cela concerne parfois la moitié de la population dans les 148 communes concernées", insiste l'association. Quant aux 36.000 autres communes, en zone dite moins dense, la question clef de la tarification pour le réseau mutualisé est encore en discussion. Pour autant, l'Avicca ne cible pas l'Arcep mais bien "les opérateurs eux-mêmes qui n’avancent pas, ce qui fragilise les bases de la régulation".
 

Le co-investissement en question

Trois expérimentations ont été annoncées il y a un an sur la zone moins dense (Palaiseau, Meaux et Bondy), par France Télécom, SFR et Free. Résultat : "Aucune proposition de co-investissement pour mutualiser le réseau n’a été publiée, aucun mètre de fibre optique n’y a été posé", relève l'Avicca. Stéphane Richard, le directeur général de l'opérateur historique, interrogé à ce propos à l'occasion de la signature du déploiement du FttH (fibre jusqu'à l'abonné) à Laval la semaine dernière, se défendait ainsi : "Le co-investissement est une belle idée mais il y a des problèmes de propriété des réseaux. Ce n'est pas si simple. Nous annoncerons prochainement un certain nombre d’initiatives, pas un accord global avec tel ou tel opérateur mais des partenariats ponctuels sur le terrain." Le responsable de France Télécom, démarrant 2011 en nouveau converti aux délégations de service public, osait d'ailleurs pointer la complexité du "cadre réglementaire et [de] l’équation financière."
"Les collectivités attendent de pied ferme le résultat de l’appel à manifestation d’intentions d’investissements pour les zones rentables, qui doit se clore le 31 janvier", prévient l'Avicca.
Côté financement, justement, "les collectivités regrettent également qu’une décision n’ait pas été prise en 2010 pour l’alimentation du fonds d’aménagement numérique du territoire, créé en 2009", par la loi dite Pintat. Autre regret, le retard de l’instauration de tarifs sociaux pour internet et le "triple play", "surtout avec le changement de taux de TVA qui fait augmenter fortement, et peut-être indûment, les tarifs".
Pour conclure sur une note positive, le président Rome rappelle que des initiatives locales ont été prises "malgré les difficultés". Le Syndicat d’électricité de l'Ain a déjà construit 31.500 prises en fibre optique dans le département. D'autres collectivités ont aussi intégré le FttH à leur projet d’aménagement numérique. Certains réseaux d'initiative public (RIP) sont déjà en exploitation dans des zones "non denses" : l’agglomération de Pau-Pyrénées, les villes de Gonfreville l’Orcher (communauté d'agglomération, CA du Havre) ou de Saint-Lô (via le syndicat mixte Manche numérique), ou encore le pays Chartrain (via la régie du Pays Chartrain) et la CA du Grand Angoulême. Ce qui tendrait effectivement à démontrer qu'un RIP "s’avère plus efficace que de forcer les opérateurs privés à s’entendre pour investir massivement". Ce qui, pour l'Avicca, remet surtout en cause "la voie choisie pour fibrer la France, celle d’une concurrence par les infrastructures, portée par le secteur privé, qui montre ses limites en termes de dynamisme", insiste à nouveau Yves Rome.
2011 sera-t-il un cru exceptionnel pour la fibre ? C'est probablement le vœu que formuleront le président de l'Arcep, Jean-Ludovic Silicani, ce 12 janvier à la Sorbonne, puis le ministre de l'Industrie, Eric Besson, deux jours plus tard à Bercy.