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Culture - Patrimoine mondial : il y a l'Unesco... et l'Icomos

La polémique qui vient d'opposer l'Icomos - le Conseil international des monuments et des sites - et la ville de Paris soulève une question intéressante sur la place de cet organisme au statut très particulier. Lors de la réunion de l'Assemblée générale de l'organisation à Paris, du 27 novembre au 2 décembre 2011 -, le comité scientifique international de l'Icomos sur les paysages culturels (Icomos-Ifla) a en effet adopté une résolution dénonçant les menaces pesant sur le jardin des serres d'Auteuil. Le texte vise le chantier de l'extension du stade Roland-Garros - voisin des serres d'Auteuil - mené par la Fédération française de tennis avec l'appui de la ville de Paris. La résolution est particulièrement sévère sur le projet, puisqu'elle considère notamment que "le jardin botanique des serres d'Auteuil est gravement menacé dans son intégrité paysagère et botanique par ce projet d'annexion, par la Fédération française de tennis, d'une partie du jardin, pour y construire les gradins d'un nouveau court de 4.950 places (construction de 8 mètres de haut soit deux étages et demi, juste en contrebas du palmarium), et privatiser cet espace public pendant cinq semaines". Elle rappelle au passage que le jardin botanique des serres d'Auteuil est inscrit, dans sa totalité, à l'Inventaire supplémentaire des monuments historiques et des sites depuis 1998.
Après avoir avancé divers arguments à l'encontre du projet et constaté "l'opposition au projet d'une partie significative des habitants de Paris et du public en dépit de son intérêt pour le tennis" - allusion à la pétition "Sauvons les serres d'Auteuil" qui a déjà réuni environ 50.000 signatures -, l'Icomos "appelle la mairie de Paris et la Fédération française de tennis à abandonner le projet d'extension de Roland-Garros sur le jardin botanique des serres d'Auteuil". La résolution va même plus loin puisqu'elle invite la ville et la FFT à "mieux étudier le projet d'extension sur une couverture de la bretelle de l'autoroute A13 ou le déplacement de l'ensemble du complexe sur des terrains qui lui ont été proposés (notamment Versailles), projet qui pourrait s'inscrire dans les réalisations du Grand Paris".
La ville de Paris - qui n'a pas l'intention de modifier le projet initial - a vivement réagi à cette résolution, en estimant que "le comité scientifique international Icomos-Ifla est hors de son champ de compétence". Elle s'agace également de l'absence de toute prise de contact de la part du comité avant la publication de la résolution.

Une association pas comme les autres

Au-delà de la polémique, l'affaire est révélatrice du rôle très particulier de l'Icomos dans la protection du patrimoine. Juridiquement, le Conseil international des monuments et des sites - créé en 1965 - est une association à vocation mondiale - dotée du statut d'organisation internationale non gouvernementale -, qui regroupe des professionnels de la protection des monuments et des sites du patrimoine culturel : architectes, historiens, géographes, urbanistes, archéologues... Mais l'Icomos n'est pas pour autant une association comme les autres. Dans la convention du Patrimoine mondial de l'Unesco, il est en effet désigné comme organe consultatif chargé de contribuer à la mise en œuvre de cette convention. Il est surtout le conseil scientifique du comité du Patrimoine mondial et assure l'instruction de l'ensemble des demandes de classement et le respect des obligations incombant aux sites classés. A ce dernier titre, il a joué - par exemple - un rôle majeur dans les pressions exercées sur la ville de Bordeaux pour la convaincre de sauvegarder la passerelle Eiffel qu'elle envisageait de détruire peu de temps après son classement (voir nos articles ci-contre du 12 mai et du 1er juillet 2009). Signe de cette proximité avec l'Unesco, le siège de l'Icomos est d'ailleurs implanté à Paris - à quelques centaines de mètres des serres d'Auteuil - et la dernière assemblée de l'organisation se tenait... dans les locaux de l'Unesco (même si c'est la première fois que l'association tient son assemblée générale à Paris). Si l'Icomos n'est pas l'Unesco, il n'est pas pour autant une association ordinaire de défense du patrimoine. D'où sans doute la réaction de la ville de Paris à sa prise de position inattendue.